FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 999  de  M.   Carvalho Patrice ( Communiste - Oise ) QOSD
Ministère interrogé :  équipement et transports
Ministère attributaire :  équipement et transports
Question publiée au JO le :  20/12/1999  page :  7187
Réponse publiée au JO le :  22/12/1999  page :  11229
Rubrique :  transports par eau
Tête d'analyse :  batellerie
Analyse :  exercice de la profession. tour de rôle. suppression
Texte de la QUESTION : M. Patrice Carvalho attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les conséquences de la disparition du tour de rôle pour la batellerie artisanale. Ce système consistait à répartir dans une bourse d'affrètement, à des prix fixés préalablement et selon des conditions affichées, les demandes de transports émanant de la clientèle, selon le rang dans lequel les bateaux devenaient disponibles, après leur déchargement. Les transporteurs étaient donc invités, dans l'ordre de leurs inscriptions, à tour de rôle, à choisir successivement un transport parmi ceux qui étaient offerts. La directive européenne 96/75 du 19 novembre 1996 prévoit la suppression du tour de rôle, à compter du 1er janvier 2000, au nom du principe de la libre concurrence. Cette décision a des conséquences catastrophiques pour la batellerie artisanale. Des mesures transitoires ont certes été prises. Le contrat de voyage simple continuait, jusqu'à présent, à être conclu aux conditions du tour de rôle. Cette disposition sera supprimée au 1er janvier 2000. Les artisans bateliers ont été invités à se regrouper. Il apparaît toutefois qu'à quelques exceptions près, cet objectif semble difficile à atteindre. Il lui demande quelles mesures il entend prendre pour que la batellerie ne soit pas, à son tour, victime des choix libéraux européens.
Texte de la REPONSE : Mme la présidente. M. Patrice Carvalho a présenté une question, n° 999, ainsi rédigée:
«M. Patrice Carvalho attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement sur les conséquences de la disparition du tour de rôle pour la batellerie artisanale. Ce système consistait à répartir dans une bourse d'affrètement, à des prix fixés préalablement et selon des conditions affichées, les demandes de transports émanant de la clientèle, selon le rang dans lequel les bateaux devenaient disponibles, après leur déchargement. Les transporteurs étaient donc invités, dans l'ordre de leurs inscriptions, à tour de rôle, à choisir successivement un transport parmi ceux qui étaient offerts. La directive européenne 96/75 du 19 novembre 1996 prévoit la suppression du tour de rôle, à compter du 1er janvier 2000, au nom du principe de la libre concurrence. Cette décision a des conséquences catastrophiques pour la batellerie artisanale. Des mesures transitoires ont certes été prises. Le contrat de voyage simple continuait, jusqu'à présent, à être conclu aux conditions du tour de rôle. Cette disposition sera supprimée au 1er janvier 2000. Les artisans bateliers ont été invités à se regrouper. Il apparaît toutefois qu'à quelques exceptions près, cet objectif semble difficile à atteindre. Il lui demande quelles mesures il entend prendre pour que la batellerie ne soit pas, à son tour, victime des choix libéraux européens.»
La parole est à M. Patrice Carvalho, pour exposer sa question.
M. Patrice Carvalho. Je souhaite me faire l'écho de l'inquiétude des artisans bateliers à quelques jours du 1er janvier 2000.
Jusqu'à présent, les frets étaient répartis selon les rangs dans lesquels les bateaux se trouvaient disponibles après leur déchargement. Ce système dit «du tour de rôle», que géraient les bourses d'affrètement, permettait à chacun d'avoir du travail. L'Europe libérale est, une nouvelle fois, passée par là. Une directive européenne du 19 novembre 1996 prévoit, en effet, la suppression du tour de rôle à compter du début de l'année 2000. La Commission des communautés européennes a considéré que «le bon fonctionnement du marché intérieur exige, dans le domaine des transports de marchandises par voies navigables, une adaptation de l'organisation des systèmes d'affrètement au tour de rôle vers une plus grande souplesse commerciale en vue de parvenir à un régime de liberté d'affrètement et de formation des prix de transport». Je vous laisse apprécier comment le mot «liberté» peut être ainsi perverti dans le langage libéral. En fait de liberté, cette directive risque de signer l'arrêt de mort de la batellerie artisanale. Le nouveau système aura, en effet, pour conséquence de favoriser les transporteurs puissants et une guerre des prix sans merci se développera.
Une période transitoire a été jusqu'à présent observée. Elle s'achève le 1er janvier prochain. Les artisans bateliers ont été invités à se regrouper. Ainsi, dans le nord de la France, ils sont invités à adhérer au CATF moyennant une cotisation de 500 francs. Pour que l'incitation soit la plus forte possible, ils ont été avisés que cette cotisation passerait à 2 500 francs au premier jour de l'an 2000. Ces regroupements feront-ils le poids ? Les artisans bateliers en doutent. Ils doivent en effet constater que la concurrence étrangère s'installe et que de puissants groupes, notamment hollandais et belges, s'apprêtent à dominer le marché. Je souhaiterais connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour que la batellerie artisanale ne soit pas, à son tour, sacrifiée sur l'autel de l'Europe libérale.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'Etat au logement.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. La directive européenne n° 96/75 du 19 novembre 1996 concernant les modalités d'affrètement et de formation des prix dans le domaine des transports nationaux et internationaux de marchandises par voie navigable dans la Communauté a posé le principe d'un régime de liberté d'affrètement et de formation du prix du transport qui doit être mis en oeuvre dans chaque Etat au plus tard le 1er janvier 2000.
L'application des normes européennes de ce type étant obligatoire, sous peine de contraindre la France à verser des pénalités, cette mesure viendra en discussion dans le cadre d'un projet de loi qui a été déposé cet été et qui sera discuté par le Parlement avant la fin de la présente session parlementaire.
Cependant, pour permettre aux bateliers d'être en mesure d'affronter la concurrence, notamment en poursuivant la modernisation de leurs matériels et de leur organisation, un «contrat de modernisation du transport fluvial» a été conclu en 1999 entre l'Etat, Voies navigables de France et les différents acteurs de la profession. Une somme de 35 millions de francs d'aides publiques a ainsi été mobilisée, en particulier pour inciter les artisans à rejoindre des structures commerciales organisées. Actuellement, cinq groupements de bateliers fédèrent la majeure partie de la profession.
Le Gouvernement a également prévu d'accompagner la transition en renforçant le dispositif de régulation du secteur, en particulier à travers la création d'un observatoire du transport fluvial et l'instauration, par la loi, de sanctions en cas d'atteinte à la concurrence par la pratique de prix anormalement bas. Cela contribuera à prévenir et à sanctionner les velléités de dumping économique et social.
Comme vous le savez, depuis juin 1997, le Gouvernement s'est résolument lancé dans une politique de rééquilibrage en faveur des modes de transports de marchandises alternatifs à la route qui vise à développer non seulement le rail, mais aussi la voie d'eau.
En matière de navigation intérieure, l'effort a porté en premier lieu sur la fiabilisation et la modernisation du réseau, qui doit permettre une exploitation plus compétitive pour les transporteurs. La dotation du FITTVN aux voies navigables est ainsi passée de 270 millions de francs en 1995 à 500 millions de francs en 2000 et il a été décidé de multiplier par sept - je dis bien par sept ! - l'effort de l'Etat au titre des prochains contrats de plan Etat-régions.
Comme vous le voyez, monsieur le député, cet effort impulsé par Jean-Claude Gayssot est sans commune mesure avec la politique d'abandon menée par les précédents gouvernements. Depuis 1998, le transport fluvial a renoué avec la croissance. Avec un trafic en progression d'environ 10 %, la batellerie montre ainsi sa capacité à faire valoir les atouts du transport fluvial et aborde une nouvelle étape de modernisation dans les meilleures conditions possibles eu égard à ce que peut faire l'autorité publique, en l'occurrence le Gouvernement. Je vous remercie de votre question sur ce sujet important.
Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Carvalho.
M. Patrice Carvalho. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse, qui me satisfait en grande partie. Je connais l'attachement de M. le ministre des transports au développement du transport par voies navigables, moins coûteux et moins polluant que d'autres, même s'il est un peu plus long. Il faut tout faire pour que les bateliers ne subissent pas le contrecoup du regroupement de grandes sociétés qui risque de les «noyer».
COM 11 REP_PUB Picardie O