FICHE QUESTION
11ème législature
Question N° : 99  de  M.   Bacquet Jean-Paul ( Socialiste - Puy-de-Dôme ) QOSD
Ministère interrogé :  agriculture et pêche
Ministère attributaire :  agriculture et pêche
Question publiée au JO le :  08/01/1998  page :  29
Réponse publiée au JO le :  14/01/1998  page :  125
Rubrique :  agroalimentaire
Tête d'analyse :  fromages
Analyse :  pasteurisation. politiques communautaires
Texte de la QUESTION : M. Jean-Paul Bacquet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le problème des exigences en matière de normes sanitaires applicables aux produits au lait cru. Par leur action de formation et de recherche, les syndicats d'AOC travaillent pour offrir au consommateur des fromages typiques et conformes aux règlements sanitaires. Ceci a été réalisé concernant les risques de présence d'entérotoxines staphyllocoxiques. Par contre, pour ce qui concerne la norme listeria, des autocontrôles systématiques fréquents permettent de respecter un dénombrement inférieur à 100. De la même façon, les producteurs se sont engagés à la mise en conformité dans leurs ateliers. Or une directive européenne n° 92-46 impose à partir du 1er janvier 1998 la norme zéro pour la listeria. Ceci se traduirait - si toutefois cette norme devait être appliquée - par un retrait du marché d'une très grande partie de la production, un coût très élevé pour les filières, voire la disparition rapide de celles-ci. Ceci semble d'autant plus absurde que le Conseil supérieur d'hygiène publique, dans sa séance du 8 septembre 1992, concluait : « Il n'a pas été constaté de listériose humaine liée à la consommation d'aliments renfermant moins de 100 listeria monocytogenesis ; on considérera cette valeur comme le seuil maximum admissible au stade de la consommation ; lorsque des contaminations seront mises en évidence, des mesures correctives pouvant aller jusqu'au retrait de la consommation en l'état des produits contaminés seront immédiatement mises en place. » Les zones de production des fromages au lait cru sont souvent dans des zones déshéritées où les agriculteurs n'ont d'autre possibilité que cette activité et où la disparition des filières se traduirait par une atteinte très grave à l'aménagement du territoire en entraînant une désertification massive, ce d'autant que les produits de terroir sont un élément fondamental du patrimoine local et de son développement économique et touristique. Des dérogations ont déjà été accordées en matière de listeriose pour ce qui concerne la charcuterie et le saumon fumé. Il lui demande donc s'il envisage des démarches permettant une dérogation à la directive n° 92-46 du 18 juin 1992 qui sera applicable, ne l'oublions pas, dès le 1er janvier 1998.
Texte de la REPONSE : M. le président. M. Jean-Paul Bacquet a présenté une question, n° 99, ainsi rédigé:
«M. Jean-Paul Bacquet attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le problème des exigences en matière de normes sanitaires applicables aux produits au lait cru. Par leur action de formation et de recherche, les syndicats d'AOC travaillent pour offrir au consommateur des fromages typiques et conformes aux règlements sanitaires. Ceci a été réalisé concernant les risques de présence d'entérotoxines staphyllocoxiques. Par contre, pour ce qui concerne la norme Listeria, des autocontrôles systématiques fréquents permettent de respecter un dénombrement inférieur à 100. De la même façon, les producteurs se sont engagés à la mise en conformité dans leurs ateliers. Or une directive européenne n° 92-46 impose à partir du 1er janvier 1998 la norme zéro pour la listeria. Ceci se traduirait - si toutefois cette norme devait être appliquée - par un retrait du marché d'une très grande partie de la production, un coût très élevé pour les filières, voire la disparition rapide de celles-ci. Ceci semble d'autant plus absurde que le Conseil supérieur d'hygiène publique, dans sa séance du 8 septembre 1992, concluait: «Il n'a pas été constaté de listériose humaine liée à la consommation d'aliments renfermant moins de 100 listeria monocytogenesis; on considérera cette valeur comme le seuil maximum admissible au stade de la consommation; lorsque des contaminations seront mises en évidence, des mesures correctives pouvant aller jusqu'au retrait de la consommation en l'état des produits contaminés seront immédiatement mises en place». Les zones de production des fromages au lait cru sont souvent dans des zones déshéritées où les agriculteurs n'ont d'autre possibilité que cette activité et où la disparition des filières se traduirait par une atteinte très grave à l'aménagement du territoire en entraînant une désertification massive, ce d'autant que les produits de terroir sont un élément fondamental du patrimoine local et de son développement économique et touristique. Des dérogations ont déjà été accordées en matière de listériose pour ce qui concerne la charcuterie et le saumon fumé. Il lui demande s'il envisage des démarches permettant une dérogation à la directive n° 92-46 du 18 juin 1992 qui sera applicable dès le 1er janvier 1998.»
La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour exposer sa question.
M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le président, monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, je veux évoquer ce matin le problème des exigences en matière de normes sanitaires applicables aux produits au lait cru.
Vous savez, monsieur le ministre, que les syndicats d'AOC, par leurs actions de formation et de recherche, travaillent pour offrir aux consommateurs des fromages typiques et conformes aux règlements sanitaires. Tel a été le cas au regard des risques de présence d'entérotoxines staphylocoxiques. Pour ce qui est de la norme Listeria, des autocontrôles systématiques fréquents permettent de respecter un dénombrement inférieur à cent.
De la même façon, les producteurs se sont engagés à la mise en conformité de leurs ateliers. Or une directive européenne n° 92-46 impose, depuis le 1er janvier 1998, la norme zéro pour la listeria, ce qui se traduira - si toutefois cette norme doit être appliquée - par un retrait du marché d'une très grande partie de la production, par un fort accroissement des coûts pour les filières, voire par la disparition rapide de celles-ci.
Cela semble d'autant plus absurde que le Conseil supérieur d'hygiène publique, dans sa séance du 8 septembre 1992, concluait: «Il n'a pas été constaté de listériose humaine liée à la consommation d'alimens renfermant moins de cent listerias; on considérera cette valeur comme le seuil maximum admissible au stade de la consommation; lorsque des contaminations seront mises en évidence, des mesures correctives, pouvant aller jusqu'au retrait de la consommation en l'état des produits contaminés, seront immédiatement mises en place.»
Vous savez que les zones de production des fromages au lait cru sont souvent des régions déshéritées où les agriculteurs n'ont d'autre possibilité que cette activité et où la disparition des filières se traduirait par une atteinte très grave à l'aménagement du territoire en entraînant une désertification massive, d'autant que les produits du terroir sont un élément fondamental du patrimoine local, de son développement économique, voire touristique.
Des dérogations ont déjà été accordées en matière de listériose pour ce qui concerne la charcuterie et le saumon fumé d'autres pays européens.
Monsieur le ministre, envisagez-vous d'accomplir des démarches pour obtenir une dérogation à la directive n° 92-46 du 18 juin 1992 qui est applicable, je le répète, depuis le 1er janvier 1998 ?
Avez-vous l'intention d'exiger le maintien de l'exception prévue par l'article 8, paragraphe 2, de la directive pour les produits présentant des caractéristiques traditionnelles ?
J'insiste sur cette question parce que les réponses apportées par vos services, depuis la rentrée parlementaire, à de nombreux collègues, de la majorité comme de l'opposition, qui vous ont interrogé sur ce sujet par des questions écrites ont été essentiellement technocratiques et administratives. Elles méconnaissent la réalité du terrain, et ne peuvent donc satisfaire ni les parlementaires ni les producteurs.
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le député, je n'ignore effectivement pas les difficultés rencontrées par les producteurs, mais aussi par les affineurs, pour respecter les critères microbiologiques tels qu'ils sont définis par la directive n° 92-46, notamment ceux relatifs à la listeria et au staphylocoque doré. Elles sont liées à la nature même de ces produits, particulièrement les fromages à pâte molle ou à pâte pressée non cuite tels que le reblochon ou le saint-nectaire.
Les critères microbiologiques actuellement en vigueur pour les produits laitiers sont ceux prévus par l'arrêté ministériel du 30 mars 1994 qui résulte de la transposition dans le droit français de dispositions communautaires qui s'imposent sur l'ensemble du territoire des Etats membres de l'Union européenne.
Pour ce qui est des listerias et du problème posé dans votre région, mes services ont demandé au président du syndicat du fromage de Saint-Nectaire d'engager sans délai une étude comparative sur l'interprétation du résultat d'analyses des autocontrôles des fromages affinés que doivent désormais effectuer les producteurs. En fonction des résultats de cette étude, la demande de principe que les autorités françaises ont introduite auprès de la Commission européenne, dès octobre 1993, serait réitérée.
Les problèmes rencontrés, en matière de microbiologie des produits finis, par les producteurs de fromages au lait cru produits sous appellation d'origine contrôlée sont, en effet, très proches les uns des autres, quelles que soient les régions. Les solutions à envisager sont par conséquent identiques. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que les experts scientifiques, sur l'avis desquels se fonderait une éventuelle décision de dérogation en la matière, se référeront non seulement aux travaux scientifiques publiés, mais aussi aux statistiques connues sur la toxi-infection alimentaire collective ou sur les épisodes épidémiques dans lesquels sont impliqués les fromages, notamment ceux au lait cru.
Quoi qu'il en soit, le fromage est un produit marchand et, dans le contexte actuel de forte sensibilité du consommateur à la qualité hygiénique et sanitaire des denrées qu'il achète - je prononce ces mots quelques heures avant que nous n'abordions à nouveau la discussion du projet de loi sur la sécurité sanitaire des aliments -, il importe qu'un effort significatif soit réalisé sans délai au niveau de la fabrication et de l'affinage des produits, et que les responsables des établissements s'assurent de la conformité aux critères communautaires des fromages qu'ils élaborent et de la parfaite traçabilité des produits issus de leurs ateliers.
Je mesure l'importance de l'effort qu'on attend d'eux et comprends pleinement la question que vous avez posée, monsieur de député.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.
M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le ministre, je relève avec quelque amertume, que vous n'avez pas répondu à ma question sur le maintien de l'exception fondée sur l'article 8, paragraphe 2, pour les produits présentant des caractéristiques traditionnelles, et je le regrette.
Derrière le problème des fromages au lait cru - en particulier du saint-nectaire qui me concerne puisque ma circonscription couvre les deux tiers de sa zone de production - c'est peut-être une autre conception de l'Europe qui se dessine.
Personnellement je ne me reconnaîtrai jamais dans une Europe de la réglementation tatillonne, dans une Europe qui, manifestement, favorise les grandes entreprises agro-alimentaires. J'ai une autre conception de l'aménagement du territoire: celle du refus de la désertification des zones de montagne qui n'ont pas d'autres possibilités de production. J'ai une autre conception de la santé publique et je profite de la présence de M. le secrétaire d'Etat à la santé...
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Je suis à votre disposition.
M. Jean-Paul Bacquet. ... pour rappeler que le professeur Cabrol est intervenu le 17 décembre 1997 au Parlement européen sur ce sujet. A propos des germes de la listeria, il a déclaré:
«Une tolérance à cent listerias par gramme pourrait être appliquée, en contrôlant que ce seuil n'est pas dépassé à la date limite d'utilisation optimale, ce qui permettrait à la filière de se moderniser afin de pouvoir réaliser à moyen terme le critère «d'absence de listeria dans vingt-cinq gramme».»
«Est-ce que la Commission européenne peut reconsidérer les critères existants afin de modifier la directive n° 92-46 pour régler la situation qui pèse sur les quelque sept mille emplois que représente cette filière ?»
Le professeur Cabrol a, je crois, quelques compétences en matière médicale, sans doute plus que le simple médecin généraliste de la montagne auvergnate que je suis.
Quoi qu'il en soit, les experts scientifiques se fondent sur la traçabilité du saint-nectaire. Or, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat à la santé, croyez-vous qu'en matière de santé publique l'on puisse comparer les risques que représente une éventuelle listériose, dont nous connaissons la traçabilité et contre laquelle nous avons les moyens de lutter, au danger majeur que constitue l'uniformisation alimentaire du régime hamburger - Coca-Cola avec les dégâts qu'il provoquera à plus ou moins long terme dans la population ?
Non, monsieur le ministre, votre réponse ne me satisfait pas. Elle ne me permet nullement de donner aux producteurs de saint-nectaire un message d'espoir quant à leur devenir et au maintien d'une population dans ce secteur de montagne.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre de l'agriculture et de la pêche. Je ne voudrais pas laisser M. Bacquet sur une note d'amertume. Je suis disposé à poursuivre la conversation avec lui au cours du trimestre et à évoquer de nouveau cette question d'importance au ministère. En effet, celui qui vous parle est aussi particulièrement attaché à la richesse et à la diversité de nos terroirs. Il entend d'ailleurs en faire l'un des points importants de la loi d'orientation agricole. Nous poursuivrons donc cette conversation.
SOC 11 REP_PUB Auvergne O