Texte de la QUESTION :
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M. Jean de Gaulle attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les nouveaux comportements des jeunes adolescents au regard de la consommation de cannabis. En effet, l'usage de cette drogue, hier consommée par les plus de seize ans, tend maintenant à se généraliser chez des adolescents de plus en plus jeunes. Ainsi, l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies estime que plus d'un tiers des 14-18 ans consomme régulièrement du cannabis, et que l'âge moyen de la première consommation est de 15,3 ans. Par ailleurs, il est de plus en plus fréquent de voir des jeunes faire ouvertement usage de ce produit illicite à proximité des établissements scolaires. Enfin, l'âge des dealers ne cesse de baisser, comme en témoigne l'interpellation d'un jeune garçon de 12 ans coupable de commerce de stupéfiants dans une commune du Val-d'Oise, le 16 décembre dernier. Conscient des efforts déjà entrepris par le Gouvernement pour enrayer la montée de la délinquance mais préoccupé par l'évolution des formes de celle-ci chez les jeunes adolescents, il lui demande de bien vouloir lui préciser son opinion sur ce sujet.
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Texte de la REPONSE :
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La consommation plus ou moins régulière de cannabis est le fait d'environ 3 % de la population et n'a pas acquis dans notre pays une dimension culturelle, mais elle touche une part croissante de la jeunesse : 50 % des adolescents de 14 à 18 ans ont expérimenté ce produit au moins une fois. Si la plupart ne persistent pas après une première consommation le plus souvent motivée par la curiosité, les enquêtes épidémiologiques indiquent qu'à 18 ans plus de 20 % des jeunes garçons font un usage répété de cannabis (jusqu'à 10 fois par mois) et 12 % un usage intensif (plus de 20 fois par mois jusqu'à plusieurs fois par jour). Les conséquences socio-sanitaires en sont maintenant bien identifiées. Au plan sanitaire, les effets nocifs du cannabis sont mieux connus : des études récentes ont montré que les goudrons qu'il contient sont 4 à 5 fois plus cancérigènes que ceux du tabac, et que, par ailleurs, un usage prolongé peut conduire les plus fragilisés à des déséquilibres psychiques graves. Les enquêtes menées dans de nombreux pays ont bien mis en évidence son implication dans un taux élevé d'accidents de la route. Cette situation a conduit au vote de la loi du 3 février dernier relative à la conduite sous l'influence de substances ou de plantes classées comme stupéfiants. Dans la communauté scolaire, on note également, chez les élèves qui s'adonnent à une consommation régulière, le développement d'un syndrome de démotivation, accompagné de troubles de l'attention et d'une baisse des capacités mnésiques, cause d'échecs scolaires et susceptibles de ce fait d'ouvrir la voie à la marginalisation puis à l'exclusion. Le corps enseignant se fait de façon récurrente l'écho de ce phénomène. Par ailleurs, les dépenses qu'occasionne une consommation élevée (qui peut atteindre 400 euros mensuels), ne sont pas étrangères à certaines violences, rackets et trafics déplorés par les responsables d'établissements scolaires. Dans certaines cités, le trafic de cannabis, dont la croissance dérive directement de celle de la consommation, est, pour une part importante, à l'origine de l'économie souterraine, de l'insécurité et des tensions dont elles sont le théâtre. Les groupes d'intervention régionaux (GIR), institués en mai 2002, mettent en oeuvre les synergies des administrations pluridisciplinaires concernées pour mieux réprimer ce trafic, et peuvent huit mois après leur création, se prévaloir d'un bilan qualitatif et quantitatif exceptionnel dont le détail a fait l'objet d'une communication en Conseil des ministres le 29 janvier dernier : 209 opérations ont été réalisées, aboutissant à l'interpellation et au placement en garde à vue de 1488 personnes dont 481 ont fait l'objet d'un mandat de dépôt. Outre les nombreuses armes et véhicules volés retrouvés, 649 kilos de résine de cannabis ou dérivés, près de 20 000 comprimés d'ecstasy et 3 kilos et demi de doses d'héroïne et de cocaïne ont été saisis. S'agissant des revendeurs, de nouveaux textes relatifs à la délinquance des mineurs, tant au stade de la procédure judiciaire qu'à celui de l'exécution de la sanction devraient conduire à une application plus ferme des interdits et une prise en charge orientée vers leur amendement et leur réhabilitation. Ces mesures envisagées dans le cadre de l'avant projet de loi portant adaptation des moyens de la justice aux évolutions de la criminalité portent notamment sur un élargissement des moyens d'investigation des policiers et sur l'entraide pénale entre Etats. Elles viennent en complément du dispositif pénal actuel qui prévoit de peines pour la vente de stupéfiants aux mineurs ou dans l'enceinte d'un établissement scolaire, ainsi que pour l'utilisation de ces derniers en vue du trafic (guetteurs, rabatteurs, etc.). La consommation de cannabis résulte de déterminants multiples parmi lesquels le phénomène de mode, la pression de conformité, voire le discours tenu par certains milieux (qui n'en perçoivent pas toujours les conséquences auprès des jeunes) et l'attitude institutionnelle à cet égard. Ces dernières années, cette attitude s'est davantage inscrite dans une perspective de gestion de la demande que de sa réduction. Le Gouvernement souhaite pour sa part, mener une action résolument orientée dans le sens de la réduction de la demande. Trafic et consommation ne sont que deux aspects de la même problématique et si la sanction de l'un et de l'autre doit être différenciée, il ne peut y avoir un langage fort sur l'un et faible sur l'autre. Au plan légal, une réflexion pourrait être entreprise sur un traitement pénal de l'usage de stupéfiants mieux adapté, plus homogène, plus efficace et marquant réellement l'interdit qui doit s'attacher à la consommation du cannabis comme des autres drogues. Cette nécessité n'exclut pas un accompagnement éducatif et un traitement socio-sanitaire ainsi que la promotion d'un dispositif préventif. Mais une politique de prévention ne peut être utilement entreprise par l'Etat que si, dans le temps, l'action résolue engagée par le Gouvernement pour réduire la demande et lutter contre tous les trafics de stupéfiants suscite l'adhésion générale.
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