FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1007  de  M.   Bacquet Jean-Paul ( Socialiste - Puy-de-Dôme ) QOSD
Ministère interrogé :  agriculture, alimentation et pêche
Ministère attributaire :  agriculture, alimentation et pêche
Question publiée au JO le :  18/01/2005  page :  421
Réponse publiée au JO le :  19/01/2005  page :  12
Rubrique :  élevage
Tête d'analyse :  lait
Analyse :  appellation montagne. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Jean-Paul Bacquet souhaite appeler l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité sur les dispositions du décret n° 2000-1231 du 15 décembre 2000 qui fixent les conditions d'utilisation du terme « montagne » en agriculture. En effet, l'article 1er dudit décret indique que l'aire géographique de toutes les opérations de production, élevage, préparation, fabrication, affinage, conditionnement (...), de même que la provenance des matières premières entrant dans l'alimentation des animaux ou dans la fabrication de ces denrées, doivent être situées dans une zone de montagne en France. L'article 2 prévoit que des dérogations sont possibles, notamment pour les lieux de conditionnement des produits, lorsque les conditions techniques l'imposent. Or l'ensemble des producteurs et des industriels laitiers installés sur les sites de montagne à plus de 600 mètres, dans le Massif Central notamment, s'opposent à toute dérogation qui consisterait à conditionner les productions de montagne en zone de plaine. En effet, cela porterait atteinte à une traçabilité du produit « montagne » et priverait les communes de montagne de revenus liés à une activité industrielle (taxe professionnelle, foncière, etc.) et d'emplois sur place, ce qui ne ferait qu'aggraver la désertification. Ainsi Candia aurait obtenu ce type d'extension sur son site de La Talaudière, près de Saint-Etienne, alors que le groupe Lactalis aurait fait une demande pour son site de Rodez. Si elles sont confirmées, ces décisions ne peuvent que fragiliser les zones de montagne en difficulté démographique et dans lesquelles le maintien des services publics et des activités commerciales est de plus en plus difficile. Elles risquent, de plus, d'entraîner une véritable contagiosité auprès des autres groupes industriels, mettant en péril tout l'édifice construit depuis des années pour assurer traçabilité et spécificité des produits de qualité correspondant à un territoire géographique clairement identifié. Il souhaite donc savoir s'il envisage de revenir sur des décisions destructrices dans les zones de montagne afin de préserver les revenus des agriculteurs et de maintenir un tissu économique rural et une production de qualité.
Texte de la REPONSE :

RÉGLEMENTATION DE L'APPELLATION "MONTAGNE" POUR LE LAIT

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour exposer sa question, n° 1007, relative à la réglementation de l'appellation "montagne" pour le lait.
M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales, les dispositions du décret n° 2000-1231 du 15 décembre 2000 fixent les conditions d'utilisation du terme " montagne " en agriculture.
L'article 1er dudit décret indique que l'aire géographique de toutes les opérations de production, d'élevage, de préparation, de fabrication, d'affinage, de conditionnement, de même que la provenance des matières premières entrant dans l'alimentation desanimaux ou dans la fabrication de ces denrées, doivent être situées dans une zone de montagne en France. Cependant, l'article 2 prévoit que des dérogations sont possibles, notamment pour les lieux de conditionnement des produits, lorsque les conditions techniques l'imposent.
L'ensemble des producteurs laitiers de la région du Massif central, mais également des autres régions de montagne, ainsi que les industriels installés sur les sites de montagne à plus de 600 mètres d'altitude s'opposent à toute dérogation qui consisterait à conditionner les productions de montagne en zone de plaine. En effet, cela porterait atteinte à la traçabilité du produit " montagne ". Il est indispensable que la collecte, le traitement, le conditionnement fassent l'objet d'un acte unique permettant ainsi d'apporter une valeur ajoutée aux produits de qualité spécifique des zones de montagne. De plus, toute dérogation priverait les communes de montagne de revenus liés à une activité industrielle, notamment à travers la taxe professionnelle et la taxe foncière, et d'emplois sur place, ce qui ne ferait qu'aggraver la désertification.
Or nous venons d'apprendre qu'une demande d'extension de la zone a été faite par le groupe Lactalis sur le site de Rodez. Un précédent en la matière existe puisque Candia aurait obtenu ce même type d'extension sur son site de La Talaudière, près de Saint-Étienne, donc en zone de haute montagne, comme chacun sait... Ces décisions, si elles sont confirmées, ne peuvent que fragiliser les zones de montagne en difficulté démographique et dans lesquelles le maintien des services publics et des activités commerciales est de plus en plus difficile. Le risque de contagion des autres groupes industriels est en outre bien réel, qui préféreront la rentabilité à l'identification territoriale " montagne ", et tout l'édifice construit depuis des années pour assurer la traçabilité, la spécificité et la qualité de produits correspondant à un territoire géographique clairement identifié sera mis en péril.
Monsieur le secrétaire d'État, envisagez-vous de revenir sur des décisions destructrices dans les zones de montagne afin de préserver les revenus des agriculteurs et de maintenir un tissu économique rural et une production de qualité ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales.
M. Nicolas Forissier, secrétaire d'État à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Monsieur le député, vous m'interpellez sur l'application du décret n° 2000-1231 du 15 décembre 2000 qui fixe la dénomination " montagne ", en codifiant cette dénomination dans les articles L. 644-1 et suivants du code rural et en précisant les conditions d'utilisation du terme " montagne ".
Dans ce dispositif, le choix a été fait de privilégier la simplicité et l'efficacité. Vous l'avez rappelé, la seule contrainte mise en exergue est liée à la localisation des productions et des opérations qui sont liées à l'ensemble des produits issus de la dénomination " montagne ". Il y a ainsi nécessité pour toutes ces opérations, depuis la production des matières premières jusqu'au conditionnement des produits, de se situer en zone de montagne. Toutefois, comme vous l'indiquez, des dérogations sont possibles qui peuvent, en temps que de besoin, être précisées par produit ou catégorie de produits par des règlements techniques nationaux.
Bref, si nous devons veiller, et c'est, je crois, la volonté de tous, à la bonne application de ces décrets " montagne " car ils préservent, comme vous l'avez, à juste raison, souligné, toute une filière et des activités économiques dans ces zones, nous devons prendre en compte la possibilité de dérogation.
Cela dit, monsieur le député, vous m'interrogez sur la situation particulière des groupes Candia et Lactalis et je voudrais porter à votre connaissance les informations suivantes qui devraient vous rassurer.
La commune de La Talaudière a été classée en zone de montagne par arrêté du 19 octobre 1987 publié au Journal officiel du 5 décembre 1987. L'entreprise de conditionnement de lait de consommation, qui appartient à la Société Sodiaal et exerce son activité sur le site de La Talaudière, répond donc aux critères du décret montagne du 15 décembre 2000 sans qu'il soit nécessaire de recourir à la dérogation prévue à l'article 2.
Quant à l'usine du groupe Lactalis, elle est située non pas à Rodez, mais à Onet-le-Château, commune classée en zone de montagne.
Dans les deux cas, ces usines conditionnent le lait produit dans les exploitations agricoles des montagnes environnantes et contribuent ainsi au maintien d'une activité essentielle pour l'économie de ces territoires.
Cela dit, vous avez raison, pour l'avenir nous devrons rester vigilants quant au respect de l'esprit du décret.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.
M. Jean-Paul Bacquet. Je vous remercie pour votre réponse, monsieur le secrétaire d'État, mais je ne suis pas d'accord avec vous.
D'abord, je vous rappelle que la dérogation n'est pas un choix politique du gouvernement français. C'est l'Europe qui nous l'a imposée ! La France avait décidé de privilégier la spécificité des zones de montagne dans le but d'y préserver une activité agricole et d'éviter leur désertification. C'est l'Europe qui nous a obligés à prévoir une dérogation et nous nous sommes battus pour obtenir non pas la suppression du décret, mais la subordination de la dérogation à l'accord du préfet de région et du ministre de l'agriculture.
Par ailleurs, ce n'est malheureusement pas le seul cas de dérogation. Saint-Jean-de-Luz, sommet pyrénéen bien connu, et Anglet ont été classés en zone de montagne. Cette pratique a des conséquences sur les véritables zones de montagne qui ne sont plus que des zones de production et non de transformation. Pour le Massif central en particulier, cela marquera la fin des exploitations, car il n'y a pas de possibilité de diversification ou de reconversion.
On ne peut pas prétendre vouloir maintenir un tissu rural actif et en même temps favoriser le transfert du conditionnement dans la plaine sous prétexte que les industriels le demandent parce que c'est plus rentable !
Monsieur le secrétaire d'État, je ne vous prend pas pour un menteur, un faussaire - je ne pourrais imaginer que cela soit le cas ! -, mais le Journal officiel du 30 novembre 2004, page 20351 - arrêté du 18 novembre 2004 -, prévoit le classement en zone de montagne, à compter du 1er janvier 2005, non seulement de la commune d'Onet-le-Château, arrondissement de Rodez, dans le département de l'Aveyron, mais aussi de toute une zone comme cela a été fait pour La Talaudière. En faisant cela, vous ne procédez pas à des dérogations ; vous remettez en cause le principe même de la spécificité des montagnes. Vous favorisez la désertification et la destruction du tissu rural en vous réfugiant derrière la dérogation alors qu'elle n'est qu'un outil pour favoriser les installations industrielles en zone de plaine et non pas pour maintenir une activité en zone de montagne.

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