RELANCE DE LA CONSTRUCTION
EUROPÉENNE
M. le président. La
parole est à M. Jean-Louis Bianco, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Louis Bianco.
Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
Le dernier week-end, qui a vu se réunir le sommet européen à Bruxelles, a été un triste week-end pour l'Europe.
La Conférence intergouvernementale a échoué. On dira que l'absence d'accord vaut mieux qu'un mauvais compromis, mais nul ne doute qu'il faille une Constitution à l'Europe, une bonne Constitution, une Constitution de progrès. Or la Conférence s'est achevée en queue-de-poisson sans même que soit fixé, pour l'avenir, un calendrier et une méthode.
Naturellement, les responsabilités de cet échec sont partagées. On a cité l'intransigeance de l'Espagne et de la Pologne. Mais, mes chers collègues, ne payons-nous pas aussi, depuis des mois et des mois, l'absence d'initiative de la France, qui a laissé l'Europe en jachère ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Ne payons-nous pas l'attitude des gouvernements français et allemand sur le pacte de stabilité, qui a été perçue par beaucoup comme une arrogance insupportable ? (« C'est vrai ! » sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Que les choses soient claires : nous sommes convaincus que le pacte de stabilité doit être réformé dans un sens plus favorable à l'emploi et à la croissance, mais certainement pas par un diktat du fait accompli, à la faveur duquel les mauvais élèves veulent s'affranchir des règles communes tout simplement parce qu'ils sont de mauvais élèves. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Guy Geoffroy. Les mauvais élèves, c'est vous !
M. Jean-Louis Bianco. Il est en tout cas impossible de rester sur l'échec du dernier sommet européen.
Au-delà d'une nécessaire avant-garde ou d'un nécessaire groupe pionnier, nous devons organiser l'Europe pour qu'elle ne reste pas un nain politique.
Aussi, monsieur le Premier ministre, ma question sera simple : quelles initiatives comptez-vous prendre pour relancer à la fois la négociation et la construction européennes,...
Un député du groupe socialiste. Aucune !
M. Jean-Louis Bianco.
... pour que nous puissions, comme vous le disiez à l'instant, garder la confiance ?
Permettez-moi d'ajouter que les représailles budgétaires à l'encontre de l'Espagne et de la Pologne, telles que vous les envisagez, seraient la pire manière de réagir. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Pour une Europe des grands travaux, pour une Europe de la solidarité, pour une Europe de la recherche, nous avons besoin d'un budget qui ne se limite pas à 1 % du budget européen ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Yves Nicolin. Quel toupet !
M. le président. La
parole est à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Dominique de Villepin, ministre des affaires
étrangères. Monsieur le député, nous en conviendrons tous, le sommet de Bruxelles a été un rendez-vous manqué, mais l'esprit exigeant de l'Europe a été préservé et nous sommes tous déterminés à aboutir.
L'Europe a déjà connu de tels revers : rappelons-nous l'épisode du chèque britannique, la difficile adoption du premier « paquet Delors » et les marathons agricoles ! L'Europe a toujours surmonté ses difficultés et continue d'avancer.
La Conférence intergouvernementale reprendra sous la présidence irlandaise.
Trois leçons s'imposent après le dernier Conseil européen.
D'abord, il n'y a pas eu de divisions entre une « ancienne » et une « nouvelle » Europe. C'est une bonne nouvelle. Sur les grands sujets - votes au Conseil, composition de la Commission, champ de la majorité qualifiée -, on trouve, dans chaque camp, des anciens membres comme des nouveaux, des grands pays comme des petits. La vraie ligne de partage, c'est l'ambition que nous avons pour l'Europe.
Ensuite, le moteur franco-allemand fonctionne depuis plus d'un an. La France et l'Allemagne sont à l'origine de toutes les percées européennes. Vous ne pouvez pas dire que la France n'ait pas pris d'initiative que ce soit sur l'agriculture, dans le contexte de l'élargissement, sur la Turquie, sur la défense européenne ou, et c'est sans doute l'un des grands aboutissements de nos travaux et de nos efforts, sur la non-profilération en Iran.
De la même façon, sur les bases de la négociation institutionnelle, ce sont bien les propositions françaises et allemandes qui ont servi de référence pour les travaux de la Convention.
Samedi dernier, à Bruxelles, la France et l'Allemagne ont clairement marqué, comme la majorité des membres, qu'elles ne voulaient pas d'une Europe au rabais. Vous ne pouvez pas dire que c'est l'égoïsme qui a présidé à notre position sur le pacte de stabilité : nous avons défendu les nécessités de la croissance ! C'est vrai pour la France, c'est vrai pour l'Allemagne, c'est vrai pour l'ensemble de l'Europe !
Enfin, après les traités de Rome et de Maastricht, voici bien le temps de l'Europe élargie, dont il nous faut relever les nouveaux défis : ceux de l'hétérogénéité d'une Europe très diverse, les défis institutionnels pour prendre en compte le nombre accru des Etats et le défi politique que constitue le passage d'une Europe-espace à une Europe-puissance. (Exclamations sur bancs du groupe socialiste.)
M. le ministre des affaires étrangères. Face à ces défis, il faut tout faire pour que l'Europe puisse se doter d'une Constitution. Nous voulons y parvenir en préservant la nécessaire flexibilité d'une Europe capable d'avancer en respectant les rythmes de chacun, et donc de travailler dans le cadre des coopérations renforcées.
Tel est l'esprit de l'Europe que nous voulons défendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)