Texte de la QUESTION :
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M. Jean-Claude Lefort attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la question du nucléaire iranien. En effet, alors que l'Iran est signataire du traité de non-prolifération nucléaire (TNP) ; il dispose, au terme de ce traité, du droit souverain à l'enrichissement de l'uranium mais il est aussi tenu au devoir d'être contrôlé par l'agence compétente de l'ONU en charge de cette question. L'idée même que l'Iran dispose de l'arme nucléaire suscite une forte réaction de la communauté internationale d'autant plus que ce pays ne se soumet pas aux contrôles de l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA). Des sanctions à l'encontre de ce pays sont envisagées par le Conseil de sécurité au titre du chapitre VII de la charte de l'ONU. Il attire solennellement l'attention du ministre sur le fait que ce qui vaut pour l'un doit voir pour l'autre. À cet égard tout le monde sait parfaitement que l'État d'Israël dispose de manière illégale, et bien avant la venue aux affaires de l'actuel président iranien, d'un arsenal nucléaire massif et redoutable. Au titre que ce pays n'a pas ratifié le TNP il n'est pas possible de procéder à des vérifications sur place et il en résulte que ce pays peut faire en ce domaine ultra-sensible ce que bon lui plaît. Cette situation paradoxale est totalement anormale. Elle n'est pas liée à la nature du régime en place. Quand des armes de destruction massive existent elles subsistent quels que soient les dirigeants du pays possesseur. L'État d'Israël ne peut soustraire aux exigences liées à la possession de l'arme nucléaire, qu'il soit ou non signataire du traité de non-prolifération nucléaire qu'il n'a pas ratifié de même que l'Inde ou bien encore le Pakistan. Il lui demande donc les initiatives qu'il compte prendre pour qu'il soit procédé, par la communauté internationale, à une estimation et à une évaluation de l'arsenal nucléaire israélien ainsi qu'à l'établissement de la liste des fournisseurs des matières entrant dans la composition de ces armes de destruction massive. Pareille démarche s'impose s'agissant des autres pays possesseurs de l'arme atomique qui ne sont pas signataire du TNP. Si des initiatives marquantes n'étaient pas décidées en ce domaine alors il conviendrait qu'il indique clairement que les relations internationales sont désormais basées non plus sur le principe de l'équité mais sur un nouveau principe : le deux poids, deux mesures.
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Texte de la REPONSE :
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La France et l'Union européenne sont en faveur de l'universalité du traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et appellent Israël, comme les autres États non signataires du TNP, à devenir partie à ce traité en tant qu'État non doté d'armes nucléaires. La France considère que le projet de zone exempte d'armes de destruction massive et de leurs vecteurs au Moyen-Orient (cf. résolution CSNU 687, résolution du TNP de 1995) constitue aujourd'hui l'approche la plus appropriée de la question de la non-adhésion d'Israël au TNP. L'objectif d'une zone exempte d'armes nucléaires au Moyen-Orient a été souligné pour la première fois dans la résolution 687 du Conseil de sécurité de l'ONU du 3 avril 1991. La Conférence d'examen et de prorogation du TNP de 1995 a adopté une résolution sur le Moyen-Orient. Celle-ci réaffirme l'objectif de zone exempte d'armes de destruction massive au Moyen-Orient et appelle l'ensemble des États de la région à adhérer au TNP et à placer toutes leurs installations sous garanties de l'AIEA. À la 1re commission de l'assemblée générale des Nations unies et lors de la conférence d'examen du TNP de 2005, l'Union européenne a réitéré son soutien aux objectifs de la résolution sur le Moyen-Orient adoptée par la Conférence d'examen et de prorogation du TNP de 1995. La France considère que le régime multilatéral de non-prolifération a vocation à s'appliquer à tout le Moyen-Orient et que sa mise en oeuvre doit s'accompagner de la définition d'un nouveau cadre de sécurité régionale fondé sur des mesures de confiance et de non-agression. Dans le cadre du soutien à la résolution de 1995, la France a constamment souligné l'importance des mesures suivantes : instauration d'un dialogue entre tous les États de la région pour rétablir durablement la paix et la stabilité au Moyen-Orient ; respect des engagements de non-prolifération nucléaires souscrits par tous les États parties au TNP ; cessation de la prolifération des armes de destruction massive et de leurs vecteurs dans la région ; adhésion de tous les États aux instruments multilatéraux pertinents, notamment le TNP, le traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE), la Convention sur la protection physique des matières nucléaires, la Convention sur la répression des actes de terrorisme nucléaire, la Convention d'interdiction des armes chimiques, la Convention d'interdiction des armes biologiques, et souscription de tous au code de La Haye contre la prolifération des missiles balistiques ; adoption et mise en oeuvre par tous les États de la région d'un protocole additionnel de l'AIEA ; élimination des stocks existants d'armes chimiques et biologiques et des programmes balistiques proliférants ; renforcement des mesures nationales de contrôle des exportations de biens et technologies pouvant servir au développement d'armes de destruction massive et de leurs vecteurs ; identification et sécurisation de toutes les sources radiologiques dangereuses dans la région ; souscription par tous les États de la région aux principes du G8 adoptés à Kananaskis visant à empêcher les terroristes d'acquérir ou de mettre au point des armes nucléaires, chimiques, radiologiques et biologiques, des missiles ainsi que des matières, le matériel ou la technologie qui s'y rattachent. Par ailleurs, la règle du « contrôle intégral » (full-scope safeguards), adoptée par le groupe des fournisseurs nucléaires (NSG) en 1992, interdit d'exporter des biens nucléaires vers des États dont la totalité des installations nucléaires ne serait pas sous garanties (Israël est membre de l'AIEA depuis sa création en 1957, contribue au budget de l'Agence mais a conclu un accord de garantie limité au seul réacteur de recherche de Soreq, entré en vigueur le 4 avril 1975). La France n'exporte pas ainsi de matières, équipements, installations ou technologies nucléaires listés vers Israël. Par ailleurs, la France et l'Union européenne appellent tous les États qui n'ont pas signé et tous ceux qui ont signé mais non ratifié le traité d'interdiction complète des essais nucléaires (Israël est dans ce dernier cas) à le faire. Le cas de l'Iran est d'une nature différente. L'Iran est partie au TNP, a ainsi contracté volontairement des obligations (articles I, II et III), et a conclu en 1974 un accord de garanties généralisées avec l'AIEA. Ce sont bien ces engagements internationaux que l'Iran a violés et qui ont déclenché la crise de prolifération nucléaire à laquelle nous faisons face. L'article IV du TNP reconnaît le droit de tout État partie « de développer la recherche, la production et l'utilisation d'énergie nucléaire à des fins pacifiques » (article IV). Il convient de noter néanmoins que : le TNP ne reconnaît pas un « droit à l'enrichissement » en tant que tel ; l'exercice de ce droit est conditionné par le respect strict des engagements de non-prolifération et d'application des garanties de l'AIEA (articles I, II et III du TNP) ; les pays-prolifération qui respectent leurs obligations internationales en matière de nonet qui apportent la preuve de la nature pacifique de leurs projets doivent pouvoir bénéficier de l'accès aux technologies auxquelles le droit international leur donne légitimement accès. Le droit de l'Iran aux usages pacifiques de l'énergie nucléaire n'est pas ainsi contesté, à condition que ce pays respecte ses engagements de non-prolifération ainsi que ses obligations initiales et qu'il poursuive « de bonne foi » des fins pacifiques. En l'occurrence, l'Iran se trouve en situation de violation de ses engagements internationaux et n'a pas mis en oeuvre les demandes impératives du Conseil de sécurité des Nations unies. C'est dans ce contexte que les États membres de l'UE ont décidé de suspendre toute coopération nucléaire avec ce pays, en application des directives du Groupe des fournisseurs nucléaires. Par ailleurs, dans sa résolution 1696, le CSNU a appelé tous les États à faire preuve de vigilance et d'empêcher les transferts de tous articles, matières, marchandises et technologies que l'Iran pourrait utiliser pour ses activités liées à l'enrichissement et ses activités de retraitement ainsi que pour ses programmes de missiles balistiques.
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