FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 101811  de  Mme   Robin-Rodrigo Chantal ( Socialiste - Hautes-Pyrénées ) QE
Ministère interrogé :  économie
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  08/08/2006  page :  8244
Réponse publiée au JO le :  05/12/2006  page :  12733
Rubrique :  emploi
Tête d'analyse :  politique de l'emploi
Analyse :  conseil d'orientation. rapport. conclusions
Texte de la QUESTION : Le Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) doit se prononcer sur la réforme du financement de la protection sociale. Il penche en faveur d'une TVA sociale. En début d'année, le Président de la République a mis sur les rails une réforme du financement de la protection sociale au nom de la bataille de l'emploi et de la sécurisation du financement de la sécu. Sans exclure totalement l'instauration d'une TVA sociale, il avait alors indiqué sa nette préférence pour une contribution sur la valeur ajoutée, c'est-à-dire un transfert « vers une assiette de cotisations patronales qui ne prenne pas seulement en compte les salaires mais l'ensemble de la valeur ajoutée ». Saisi de ce dossier, le Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) devait rendre un avis qui ne va pas du tout dans le sens du chef de l'État. Mme Chantal Robin-Rodrigo demande désormais à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de lui indiquer le sentiment et les intentions du Gouvernement à son sujet.
Texte de la REPONSE : Lors du comité interministériel sur l'assiette des cotisations sociales patronales du 31 janvier 2006, le Premier ministre a mis en place un groupe interministériel afin d'étudier des réformes du financement de la protection sociale. Différentes réformes parmi lesquelles la TVA sociale et la cotisation sur la valeur ajoutée (CVA) ont été évaluées. La TVA sociale et la CVA sont des réformes qui visent à alléger les charges sociales et à les financer par une hausse de la TVA ou par un prélèvement assis sur la valeur ajoutée des entreprises (CVA). On distingue la CVA brute et la CVA nette, qui portent sur les facteurs de production à concurrence de leur part dans la valeur ajoutée brute ou nette des amortissements : la CVA brute repose à 65 % sur le travail et 35 % sur le capital, la CVA nette repose à 77 % sur le travail et 23 % sur le capital. La TVA est, quant à elle, une taxe sur la consommation qui repose peu sur le capital (les rémanences sont de l'ordre de 15 % de la charge de la TVA payée par le secteur privé). Le ministère de I'économie, des finances et de l'industrie a en particulier effectué une analyse des effets macro-économiques de court et long termes de ces réformes. Cette contribution, consignée dans le rapport du groupe interministériel, a été discutée par la suite au sein du Conseil d'orientation pour l'emploi. Les principaux arguments développés sont présentés ci-dessous. Sur la base de modèles économiques traditionnels, les analyses macro-économiques effectuées par les services du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie laissent penser que quel que soit le mode de financement envisagé (TVA ou CVA) d'une baisse des cotisations sociales, elle n'aurait que peu d'effets sur l'emploi à long terme. À court terme, malgré les avantages de la TVA sociale en termes de compétitivité extérieure, la CVA créerait plus d'emplois que la TVA. À l'inverse, à long terme, la CVA réduirait davantage l'investissement des entreprises et l'activité économique que la TVA sociale. Un allégement ciblé sur les bas salaires serait susceptible de créer davantage d'emplois peu qualifiés, quel que soit le mode de financement envisagé. Les cotisations sociales pèsent sur la production française, qu'elle soit destinée au marché intérieur ou à l'exportation ; en revanche, la TVA exonère les produits exportés et taxe les importations. C'est sur cette dissymétrie que repose l'argument principal en faveur de la TVA sociale. Celle-ci améliorerait à court terme la compétitivité-prix des producteurs français sur le marché intérieur, la hausse de la TVA augmente dans les mêmes proportions les prix des produits français et ceux des produits étrangers. Or, contrairement aux entreprises françaises, les entreprises étrangères ne bénéficient pas d'une diminution des cotisations sociales. Par conséquent, la compétitivité des produits étrangers sur le marché français s'en trouve amoindrie au bénéfice des entreprises françaises à l'export, les prix de vente des entreprises françaises diminuent contrairement à ceux de leurs concurrents étrangers. Les entreprises françaises exportant à l'étranger bénéficient en effet de la baisse des cotisations sans avoir à subir de hausse de TVA. La plus ou moins grande efficacité de la TVA sociale dépend toutefois de deux facteurs dont l'importance dépend du contexte politique et social de la réforme : le comportement de marge des entreprises (françaises et étrangères) et le report de la hausse des prix à la consommation sur les coûts salariaux des entreprises françaises. Les gains potentiels de compétitivité à l'export ne s'observent que si les entreprises françaises n'en profitent pas pour augmenter leurs marges : l'augmentation des marges des entreprises pourrait neutraliser l'effet de la diminution des coûts de production sur les prix de vente. De même, les gains de compétitivité sur le marché intérieur sont réduits si les entreprises étrangères compriment leurs marges quand elles vendent en France, atténuant ainsi la hausse de la TVA sur le prix toutes taxes comprises des importations. De plus, la hausse de la TVA des produits importés renchérit mécaniquement les prix à la consommation : ce que l'on cesse de prélever à la production et qui cesse de peser sur les exportations, il est nécessaire de le prélever sur la consommation intérieure, en l'occurrence sur les importations. Ces effets inflationnistes sont susceptibles de déboucher assez vite sur une hausse des salaires nominaux, qui réduit d'autant la compétitivité des entreprises françaises. Quel que soit le type de réforme envisagé, la baisse des cotisations employeurs entraînerait en effet une baisse du coût du travail, rendu moins cher que le capital. Ces réformes pourraient alors favoriser des créations d'emplois en encourageant les entreprises à substituer du travail au capital. Toutefois, ces substitutions sont des mécanismes d'ajustement qui se manifestent assez lentement. Or, la baisse des coûts salariaux n'est que temporaire dans le cas de la TVA sociale si l'inflation n'est pas maîtrisée : les mécanismes d'indexation et la négociation salariale érodent peu à peu l'avantage comparatif du travail par rapport au capital. Si la hausse mécanique des prix à la consommation est répercutée dans les salaires, les entreprises vont avoir tendance à augmenter à nouveau leurs prix. Ainsi peut s'enclencher une spirale prix-salaire, qui réduit les créations d'emplois qu'on attend de la baisse du coût relatif du travail (ainsi que les gains escomptés en termes de compétitivité). Le risque inflationniste de la CVA étant plus limité, les créations d'emplois peuvent être plus nombreuses et plus durables si l'allégement des charges sociales est financé par la création d'une CVA. La charge fiscale supportée par le capital est plus importante dans le cas d'une CVA que d'une TVA sociale. La CVA pèse donc davantage sur l'investissement, ce qui freine l'activité présente et réduit les capacités de production à venir. Selon les modèles utilisés par les services du MINEFI, à long terme, la charge fiscale de la TVA et de la CVA repose in fine quasi-exclusivement sur le travail, tout comme les cotisations sociales : toute modification de la rémunération du capital étant susceptible de faire fuir le capital à l'étranger, les entreprises préfèrent répercuter la hausse de la taxation du capital sur les salaires. Il en résulte toujours sur la base des modèles utilisés, qu'il n'y a pas d'effet majeur à attendre sur le coût du travail ni sur les créations d'emplois. En revanche, les réformes envisagées diffèrent à long terme par leurs effets sur l'investissement des entreprises et donc sur la croissance. La CVA nette, et a fortiori la CVA brute, repose davantage sur le capital que la TVA. La CVA renchérit alors davantage le coût relatif du capital par rapport au travail et pèse donc davantage sur l'investissement des entreprises. La TVA sociale pourrait donc améliorer la compétitivité extérieure de la France à court terme à condition que l'inflation soit maîtrisée. Mais, les risques inflationnistes de la mise en place d'une CVA sont plus limités : à court terme, les créations d'emplois à attendre d'une CVA seraient plus nombreuses. À long terme en revanche, quel que soit le mode de financement envisagé pour financer la baisse des cotisations sociales, l'effet sur l'emploi devrait être mineur. Mais la TVA a un effet moins récessif que la CVA : la TVA sociale pèse moins sur l'investissement que la CVA. Une autre piste de réflexion concerne les allégements ciblés de cotisations sociales (on a jusqu'à présent supposé que la baisse du taux de cotisations sociales ne modifiait pas la progressivité du barème des cotisations) : il serait possible de créer davantage d'emplois peu qualifiés grâce à un allégement de cotisations sociales ciblé sur les bas salaires. Il est en effet plus facile d'augmenter l'emploi peu qualifié que l'emploi qualifié et les substitutions entre travail peu qualifié et capital peuvent être importantes : un allégement du coût du travail moins qualifié pourrait avoir un impact significatif sur l'emploi peu qualifié.
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