FINANCEMENT DE L'ALLOCATION
PERSONNALISÉE D'AUTONOMIE
M. le président. La
parole est à M. Nicolas Perruchot, pour exposer sa question, n° 102,
relative au financement de l'allocation personnalisée d'autonomie.
M. Nicolas Perruchot.
Je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur le problème du financement
de l'allocation personnalisée d'autonomie.
Le vieillissement de la population
française accroît le nombre de ceux qui, le grand âge venu, souffrent de
troubles du comportement ou de handicaps physiques qui ne leur permettent plus
d'être autonomes. En instituant l'aide personnalisée d'autonomie par la loi du
20 juillet 2001, l'intention du législateur était de venir en aide aux 800
000 personnes âgées dépendantes. Cependant, faute d'une réflexion sérieuse sur
le financement de cette aide, les départements sont contraints d'augmenter la
fiscalité locale pour financer cette dépense, au moment même où l'on annonce aux
Français une baisse, très attendue, des prélèvements obligatoires.
Le 18 décembre dernier, vous
avez annoncé, devant l'Assemblée nationale, monsieur le secrétaire d'Etat aux
personnes âgées, une répartition du surcoût de l'aide personnalisée d'autonomie,
qui est estimé à 1,2 milliard d'euros, à part égale entre l'Etat, les
départements et les bénéficiaires de l'aide personnalisée d'autonomie. Dans le
département de Loir-et-Cher, pour vous citer un exemple que je connais bien, la
hausse des taxes départementales devrait être cette année d'au moins 6 %, sans
que les autres dépenses du conseil général augmentent. Une hausse avait déjà été
décidée l'année dernière pour combler le déficit dû au passage de la PSD à
l'APA. Il manquait alors une cinquantaine de millions de francs cette année,
c'est encore un peu plus.
Pour
modérer l'augmentation de la fiscalité, les conseils généraux seront peut être
amenés à minorer les autres postes de dépenses de leur budget - c'est la
solution que s'apprête à adopter le département de Loir-et-Cher - mais
beaucoup d'autres départements, notamment de la région Centre, prévoient
d'alourdir leur fiscalité. En tout état de cause, dans le département de
Loir-et-Cher, de nombreuses subventions en faveur des investissements ne seront
plus versées, alors même que les collectivités sont les principaux investisseurs
au niveau local, des dotations en faveur de la politique culturelle, par exemple
au profit du festival des jardins de Chaumont, seront supprimées ; des actions
pour financer le SAMU, le transport sanitaire aéroporté, le dépistage du cancer
du sein, etc., seront annulées. On peut encore citer, entre autres exemples de
coupes budgétaires sans doute prochainement décidées par le conseil général de
Loir-et-Cher, l'aide aux communes pour l'assainissement et plusieurs projets
importants de voirie. J'espère que le conseil général saura trouver des
solutions, mais cela devient très difficile.
Je souhaite donc, monsieur le
secrétaire d'Etat, savoir quelles mesures vous entendez mettre en oeuvre pour
mieux cibler le dispositif de l'aide personnalisée d'autonomie sur les personnes
qui en ont besoin, afin de soulager rapidement les départements mais aussi,
demain, les communes, d'un surcoût exorbitant.
M. le président. La
parole est à M. le secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
M. Hubert Falco, secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Monsieur le député, je connais fort bien les problèmes que vous évoquez,
puisque, avant d'occuper les responsabilités qui sont les miennes aujourd'hui,
je présidais aux destinées d'un département. De fait, tous les départements
doivent faire face aux conséquences les plus connues du vieillissement de la
population, à savoir la fragilisation de l'équilibre financier des régimes de
retraite - la question est d'actualité - mais aussi du système de
santé.
Si nous ne prenons pas la
juste mesure du problème du vieillissement, si nous ne l'anticipons pas, si nous
ne l'accompagnons pas par des mesures concrètes, alors nous rencontrerons dans
les années à venir d'immenses difficultés qui se répercuteront inévitablement
sur les collectivités : la politique en faveur des personnes âgées est en effet
une compétence première des conseils généraux.
Certes, le sujet est un peu tabou :
on préférerait vieillir sans avoir à aborder la question du vieillissement.
Pourtant, les perspectives sont clairement dessinées : l'augmentation du nombre
des personnes très âgées - quatre-vingts ans et plus - et par voie de
conséquence des personnes âgées dépendantes est inéluctable. Il y a actuellement
un million de personnes âgées dépendantes. Un peu moins de 50 % d'entre
elles vivent encore dans leur domicile, un peu plus de 50 % sont
accueillies dans nos 10 000 établissements publics et privés. Et ces
chiffres vont augmenter considérablement dans les années à venir.
La prévalence de la dépendance est
en effet très fortement corrélée à l'âge. Près de 10 % des personnes
dépendantes ont quatre-vingts ans, soit une personne sur dix, près de 25 %
des personnes dépendantes ont quatre-vingt-cinq ans, soit une proportion de un
sur quatre, et 35 % des personnes dépendantes ont quatre-vingt-dix ans,
soit une sur trois.
Tout en
intégrant l'hypothèse d'un gain d'espérance de vie sans incapacité, et il est
heureux qu'une grande majorité de personnes vieillissent sans problème, car
vieillir n'est pas une maladie, nous devons nous préparer à l'idée de voir la
population dépendante augmenter de 25 % d'ici à 2020 et de 55 %
d'ici à 2040.
C'est dans un
tel contexte que l'allocation personnalisée d'autonomie a été mise en place.
Comme vous l'avez fort bien relevé,
sa mise en oeuvre pose d'ores et déjà un problème de financement. Je dirai même
que le problème de cette mesure, qui est une bonne mesure sociale, est son
financement. Nos prédécesseurs, qui ont instauré cette allocation, n'en ont pas
prévu les financements correspondants et se sont appuyés sur une très mauvaise
évaluation de l'APA : alors qu'ils escomptaient 800 000 dossiers à
l'horizon 2004-2005, ce chiffre est d'ores et déjà atteint.
Le plan de financement pour 2003
était établi sur la base de 2,5 milliards d'euros. Or la projection
réalisée évalue aujourd'hui le coût à 3,7 milliards d'euros et, en
année pleine, il faudra 4 milliards d'euros pour financer l'APA.
Aujourd'hui, pour l'année 2003, le surcoût est donc évalué
à 1,2 milliard d'euros.
A la demande de M. le Premier
ministre, nous avons engagé, il y a quelques semaines, une concertation avec
l'Assemblée des départements de France, car les départements financent les deux
tiers de cette mesure, le tiers restant étant financé par l'Etat, à travers le
FFAPA, le fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, et
avec les parlementaires de tous bords afin de sauvegarder l'APA, je dirai même
de sauver l'APA. L'objet de cette concertation est de proposer un plan de
financement équilibré, mais aussi de conforter une gestion décentralisée de
proximité, assurée par les conseils généraux.
Compte tenu des conclusions de ces
travaux, diverses dispositions d'ordre législatif et réglementaire devront être
mises en oeuvre, elles seront proposées au cours des prochaines semaines, avant
le 30 mars, date à laquelle l'ensemble des conseils généraux votent leur
budget, ou les taux s'il ont voté leur budget plus tôt.
Vous avez fort bien décrit les
difficultés que rencontrent aujourd'hui les départements. En raison des
contraintes qui pèsent sur les finances publiques, et dans un objectif de
responsabilisation, le principe d'un effort partagé pour couvrir le besoin de
financement supplémentaire, qui est évalué à 1,2 milliard d'euros, a
donc été retenu. L'Etat, par le biais du FFAPA, apportera une contribution
supplémentaire de 400 millions d'euros. Les collectivités départementales
seront appelées à réaliser un effort financier équivalent et le complément de
financement devra être dégagé par une meilleure maîtrise de la dépense et une
contribution ajustée des usagers.
Notre souci est donc : un, de
sauver la mesure ; deux, de conserver le caractère universel de la prestation,
afin de renforcer l'équité de traitement selon que la personne âgée vit à
domicile ou en établissement. Dans cette optique, le barème de participation
sera aménagé par décret - il est en préparation - pour augmenter la
participation moyenne des usagers vivant à leur domicile de 5 à 12 %.
Des dispositions seront soumises prochainement au Parlement pour garantir une
meilleure effectivité des aides.
Sur le plan du financement, le
FFAPA portera sa contribution à près de 1 380 millions d'euros
- une contribution de base de 980 millions d'euros à laquelle
s'ajoutera une contribution complémentaire de 400 millions d'euros, contre
une participation globale de 800 millions d'euros en 2002 - afin
d'aider les départements à faire face à la montée en charge de l'APA, et
singulièrement ceux d'entre eux dont la situation est difficile en raison d'une
richesse fiscale faible et d'un poids de population âgée important. La fiscalité
et le nombre de personnes âgées sont en effet inégalement répartis sur
l'ensemble des départements de France.
Parallèlement, les acomptes
mensuels versés par le FFAPA seront portés de 80 % des encaissements
aujourd'hui à près de 100 %, ce qui est important aussi pour les finances
départementales.
Telles sont,
monsieur le député, les dispositions que le Gouvernement souhaite prendre, très
rapidement - dans les semaines à venir - à travers une loi, pour
garantir le maintien d'une prestation à nos yeux essentielle pour répondre aux
besoins des personnes âgées, et surtout les plus fragiles d'entre elles, et dont
le financement, reconnaissons-le, n'était jusqu'à aujourd'hui pas globalement
assuré, mettant à mal l'ensemble des finances départementales.
M. le président. La
parole est à M. Nicolas Perruchot.
M. Nicolas Perruchot.
Merci, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir répondu aussi clairement à un
problème compliqué, et d'avoir su réagir aussi vite. Il est vrai que vos
prédécesseurs n'avait pas prévu une très grande partie du financement de cette
aide et qu'il a fallu trouver des mesures structurelles. Vous en avez proposé
certaines sur le long terme. J'ose espérer que, dans le très court
terme, les conseils généraux et les communes vout réussir à tenir le coup.
Il va sans doute falloir faire des sacrifices et ce ne sera pas toujours
facile à expliquer.
J'ai bien
noté votre souci de prendre en compte les problèmes de trésorerie des
départements. En outre, l'ancien responsable du Var que vous êtes sait bien
que le vote du budget et la fixation des taux doivent impérativement
intervenir avant le 30 mars. Un projet de loi doit donc être présenté
d'ici là. En tout état de cause, la question de l'instauration d'un plafond
de ressources, sur laquelle je n'ai pas voulu revenir ce matin, reste posée :
est-il normal qu'une personne disposant de 7 000 ou 8 000 euros de revenus
mensuels puisse bénéficier de l'APA ? Le Gouvernement devra répondre sur
ce point. Pour l'heure, les éléments que vous m'avez communiqués me donnent
entière satisfaction.