FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1042  de  Mme   Brunel Chantal ( Union pour un Mouvement Populaire - Seine-et-Marne ) QOSD
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  01/02/2005  page :  885
Réponse publiée au JO le :  02/02/2005  page :  479
Rubrique :  gens du voyage
Tête d'analyse :  stationnement
Analyse :  réglementation
Texte de la QUESTION : Mme Chantal Brunel attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur l'installation sauvage des gens du voyage qu'ils soient français ou étrangers, laquelle n'est pas supportable. Elle s'accompagne le plus souvent d'une augmentation des faits délictueux et de la détérioration des sites occupés. L'été, dans sa circonscription, ce sont des milliers de caravanes et de voitures qui stationnent illégalement. L'hiver, elles se comptent par centaines. Dans un certain nombre de circonscriptions et en particulier la sienne, la loi du 5 juillet 2000 n'a pas résolu le problème car elle n'est pas applicable. On ne peut pas créer d'aires de grands passages dans les régions fortement urbanisées avec des zones économiques vitales pour l'emploi. Et pourtant, c'est là qu'ils viennent s'installer toujours groupés et nombreux. Ils sont sur les parkings des zones industrielles et commerciales, sur les terrains de sports, sur tout terrain proche des agglomérations où on a pas investi dans des moyens de protection. L'exaspération est grande. Alors que le Gouvernement peut à juste titre se prévaloir de succès en matière de sécurité, ce problème non résolu risque d'occulter les résultats positifs. L'urgence est là. Il faut modifier la loi pour tenir compte des spécificités des départements urbanisés. Ne peut-on pas accroître les pouvoirs du préfet en élargissant les cas où le recours à la force publique peut être employé en l'absence de décision de justice ? Les communes qui font face à la présence de centaines de véhicules de gens du voyage ne sont-elles pas les victimes d'une menace grave à l'ordre public ? Ne peut-on pas simplifier également la procédure afin de permettre au GIR d'effectuer leurs contrôles ? Le sentiment d'insécurité que génèrent ces installations par leur fréquence, par leur nombre et par leur importance risque de conduire nos concitoyens vers des positions extrémistes. Elle lui demande ce qu'il envisage de faire.
Texte de la REPONSE :

RÉGLEMENTATION DU STATIONNEMENT
DES GENS DU VOYAGE

M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel, pour exposer sa question, n° 1042.
Mme Chantal Brunel. L'installation sauvage des gens du voyage, qu'ils soient Français ou étrangers, n'est pas acceptable. Elle s'accompagne en effet le plus souvent d'une augmentation des faits délictueux et de la détérioration des sites occupés.
Si en hiver, dans ma circonscription, les caravanes et voitures qui stationnent illégalement se comptent déjà par centaines, en été, elles sont des milliers. Des aires d'accueil ont été réalisées - nous venons d'en inaugurer une samedi sur les terrains d'Émerainville et de Noisiel -, mais pas des aires de grand passage. Sur ce point, la loi du 5 juillet 2000 n'est pas applicable car notre territoire est fortement urbanisé et comprend des zones économiques vitales pour l'emploi. Et pourtant, c'est là qu'ils viennent s'installer, toujours groupés et nombreux : sur les parkings des zones industrielles et commerciales, sur les terrains de sports, et sur tout terrain proche des agglomérations - autant de lieux où on n'a pas investi dans des moyens de protection.
L'exaspération est grande. Alors que le Gouvernement peut à juste titre se prévaloir de succès en matière de sécurité, ce problème non résolu risque d'occulter les résultats positifs.
L'urgence est là. Il faut modifier la loi pour tenir compte des spécificités des régions urbanisées. Ne peut-on pas accroître les pouvoirs du préfet en élargissant les cas où le recours à la force publique pour procéder aux expulsions peut être employé en l'absence de décision de justice ? Ne peut-on pas considérer, en effet, que les communes mises en présence de centaines de véhicules de gens du voyage sont victimes d'une menace grave à l'ordre public ?
Par ailleurs, pour lutter contre une certaine économie souterraine parfois présente dans ces rassemblements, ne serait-il pas possible également de simplifier la procédure de recours aux groupes d'intervention régionaux pour leur permettre d'y effectuer des contrôles ?
Le sentiment d'insécurité que génèrent ces installations, par leur fréquence, par leur nombre et leur importance, risque de conduire nos concitoyens vers des positions extrémistes.
Madame la ministre déléguée à l'intérieur, pouvons-nous compter sur vous-même et sur M. de Villepin pour que des mesures concrètes soient prises afin de résoudre ce difficile problème ?
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intérieur.
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. La question que vous posez, madame la députée, est importante et difficile. Sachez que j'y attache la plus grande attention. En la matière - et nous en sommes tous conscients -, il n'existe pas de solution évidente.
Il s'agit de construire et de préserver en permanence un équilibre très fragile entre, d'une part, les droits et obligations des gens du voyage et, d'autre part, les impératifs de sécurité publique dus à l'ensemble de nos concitoyens.
La loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage a prévu, dans chaque département, la réalisation d'un schéma départemental d'accueil qui détermine, après une évaluation des besoins et de l'offre existants, au terme d'une concertation entre les représentants de l'État, des collectivités locales et des gens du voyage, les secteurs géographiques d'implantation des aires d'accueil et de grand passage.
Ce schéma n'est pas imposé depuis Paris, mais est élaboré localement, pour tenir compte de la spécificité de chaque département, par exemple de ceux qui sont urbanisés.
La réalisation des aires doit permettre d'éviter les stationnements illicites des gens du voyage. C'est pourquoi le Gouvernement les encourage et a accepté que la loi soit modifiée pour prolonger le délai permettant aux collectivités locales de continuer de bénéficier, à cette fin, d'aides financières significatives de l'État.
Concernant la Seine-et-Marne, le schéma départemental, approuvé au mois de février 2003, prévoit la réalisation de trente-sept aires d'accueil, représentant 887 places, qui s'ajoutent aux treize aires d'accueil existant en février 2003, qui représentent 101 places. Vous venez d'en réaliser deux, ce dont je ne peux que vous féliciter.
Le schéma départemental prévoit également la création de quinze aires de grand passage.
Vous soulignez la difficulté de réaliser ces aires de grand passage en zone urbaine.
À la différence des aires d'accueil, les aires de grand passage nécessitent des aménagements sommaires et la loi du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine a prévu que les communes de moins de 20 000 habitants dont la moitié de la population habite dans une zone urbaine sensible peuvent demander à être exemptées de la création sur leur territoire d'aires d'accueil ou de grand passage. Tel est le cas, en Seine-et-Marne, de la commune de Montereau.
Vous m'interrogez sur les moyens dont disposent les autorités pour lutter contre les occupations illicites. À cet égard, la loi du 1er août 2003 a donné aux communes de nouveaux moyens d'agir, d'une part, en créant l'infraction pénale d'occupation illicite d'un terrain, réprimée par six mois d'emprisonnement et 3 750 euros d'amende, qui permet l'intervention des forces de l'ordre dès la constatation de l'infraction et non pas seulement après un jugement d'expulsion ; d'autre part, en facilitant la mise en oeuvre de la procédure civile d'expulsion prévue par la loi du 5 juillet 2000.
Désormais, le président du tribunal de grande instance peut étendre l'expulsion à l'ensemble des occupants illicites d'un terrain, que leur identité soit connue ou non. Le maire peut par ailleurs plus facilement se substituer à un propriétaire défaillant pour demander lui-même l'expulsion des occupants.
Aller au-delà de ces dispositions, comme vous le suggérez, en donnant aux préfets le pouvoir d'expulser directement les gens du voyage nécessiterait de modifier la Constitution. En effet, aux termes de l'article 66 de la Constitution, l'expulsion relève de l'autorité judiciaire en sa qualité de gardienne des libertés individuelles, en l'espèce la liberté d'aller et venir et l'inviolabilité du domicile.
Vous proposez également, madame la députée, l'intervention des GIR - les groupes d'interventions régionaux - pour lutter contre la délinquance de certains membres de la communauté des gens du voyage. De telles interventions ont déjà pu être réalisées pour des opérations d'urgence, notamment en 2003 dans les Yvelines et en Seine-et-Marne et en 2004 dans le Val-de-Marne. En ce qui concerne la Seine-et-Marne, l'opération de la fin de 2003 a permis de stopper un important trafic de cigarettes contrefaites.
En 2004, année de création de l'Office central de lutte contre la délinquance itinérante, 628 personnes ont été interpellées et 175 incarcérées. Le bilan global, depuis 1997, de la lutte menée par la cellule de lutte contre la délinquance itinérante, puis par cet office, est de 2041 interpellations ayant conduit à 762 incarcérations.
Vous le constatez, madame la députée, le Gouvernement est conscient des difficultés d'organisation de l'accueil des gens du voyage. Il agit concrètement pour réprimer les actes de délinquance qui pourraient être commis par certains membres de ces communautés et veille à prévenir les troubles à l'ordre public que peuvent générer les occupations de terrains.
Ma détermination, comme celle du ministre de l'intérieur, est donc totale sur ce sujet. Chacun d'entre nous doit prendre ses responsabilités. À l'État, il appartient de mobiliser ses services pour assurer la sécurité de tous nos concitoyens. Aux collectivités, il revient d'organiser concrètement les modalités de stationnement en tenant compte des contraintes et spécificités locales. Enfin, à l'ensemble des acteurs concernés, il appartient de faire preuve de responsabilité. Les gens du voyage ne sont ni au-dessus, ni à côté des lois. Cela signifie aussi que nous devons respecter leurs droits.
M. le président. La parole est à Mme Chantal Brunel.
Mme Chantal Brunel. Je vous remercie, madame la ministre, de cette réponse complète et dense. Néanmoins, quand 500 caravanes et 2 000 personnes s'installent dans une commune, les forces de sécurité ne disposent pas des moyens nécessaires à leur expulsion. Le problème demeurera donc entier l'été prochain dans le secteur de Marne-la-Vallée, où l'on constate alors l'arrivée de quelque 500, voire 600 caravanes.

UMP 12 REP_PUB Ile-de-France O