FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 104648  de  M.   Jung Armand ( Socialiste - Bas-Rhin ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  19/09/2006  page :  9752
Réponse publiée au JO le :  19/12/2006  page :  13373
Rubrique :  justice
Tête d'analyse :  conseils de prud'hommes
Analyse :  fonctionnement. Alsace
Texte de la QUESTION : M. Armand Jung appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les grandes difficultés de fonctionnement du conseil de prud'hommes de Strasbourg, instance du ressort de la cour d'appel de Colmar. Dans le cadre de l'application de la LOLF, le président de la cour d'appel de Colmar a procédé à une réorganisation des charges au sein du conseil de prud'hommes de Strasbourg, jugé trop coûteux. Il cite, à titre d'exemple, le cas d'un conseiller qui se voit réduire ses émoluments de trente-cinq heures à quatre heures pour une préparation et une audience de Bureau de jugement. Il est alors contraint de justifier à son employeur la différence de trente et une heures, sous peine de licenciement. Ce cas n'est bien évidemment pas isolé puisqu'il concerne plus de soixante conseillers prud'homaux sur les cent quatre formant le collège salarié. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui indiquer de quelle manière il entend agir pour mettre un terme à cette crise qui perdure depuis 2004.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la situation des conseillers prud'homaux de Strasbourg fait l'objet d'une attention toute particulière de sa part. La réforme budgétaire induite par la loi organique du 1er août 2001, dite LOLF, oblige à définir le montant de la dépense annuelle, de façon limitative et non plus évolutive. Dans le cas du fonctionnement de l'institution prud'homale, maîtriser la dépense consiste à assurer une juste indemnisation en contrepartie de la contribution apportée au service de la justice. Depuis le début de l'année 2004, les chefs de la cour d'appel de Colmar, site pilote dans l'expérimentation de la LOLF, ont modifié la présentation des demandes d'indemnisation complétées par les conseillers prud'hommes. Ce document qui doit permettre de vérifier la réalité de la contribution du conseiller au service de la justice a dans un premier temps été mal accueilli des intéressés dont certains refusaient de le remplir. Par souci d'apaisement du dialogue, les chefs de la cour d'appel de Colmar, dans une note du 15 juin 2005 adressée personnellement à chaque conseiller prud'homme du ressort, ont indiqué que les indemnités dues au titre de l'année 2004 seraient payées, au plus tard le 30 septembre 2005, que les documents soient incomplets ou remis tardivement. Il n'en demeure pas moins que certaines demandes ont dû faire l'objet de réductions, dans la mesure où les temps indiqués ne correspondaient pas à un travail effectif des conseillers prud'hommes qui les présentaient. En effet, il a pu être constaté par exemple qu'une même affaire faisait l'objet de plusieurs demandes de remboursement consécutives à quelques mois d'intervalle, mais également que certaines durées de traitement indiquées étaient excessives. Dans cette dernière hypothèse, il est à noter que le premier président de la cour d'appel a mené une étude au cas par cas, dossier à l'appui, lorsque les demandes faisaient état d'une durée de rédaction supérieure à cinq heures pour un jugement au fond et deux heures pour une ordonnance de référés. Les statistiques établies sur les contrôles opérés démontrent que les demandes de la très grande majorité des conseillers salariés d'Alsace ne posent pas de difficultés et que les réductions opérées se font à la marge. Néanmoins, s'agissant du conseil de prud'hommes de Strasbourg, 38 conseillers ont demandé l'indemnisation de sommes à l'évidence disproportionnées avec leur activité réelle et 284 demandes ont fait l'objet d'un contrôle approfondi dont 140 ont été réduites alors que 84 sont en cours d'instruction. Les chefs de cour d'appel, en tant qu'ordonnateurs secondaires, ne peuvent, en effet, engager les crédits de l'État sur des dépenses dont la réalité n'est pas démontrée. Cette situation, certes dommageable pour les intéressés, qui étaient cependant informés des contrôles mis en place depuis le début de 2004, fait l'objet d'un suivi attentif de mes services qui viennent d'être destinataires de recours hiérarchiques présentés par certains des conseillers prud'hommes concernés. Cette situation illustre également les difficultés soulevées par le régime actuellement applicable à l'indemnisation des conseillers prud'hommes. Ainsi, dans le prolongement du rapport remis, le 5 octobre 2005, par le procureur général honoraire Henri Desclaux et qui a été bien accueilli par les organisations syndicales, un projet de loi et deux projets de décrets ont été rédigés. D'une part, ces projets conservent, s'agissant des conseillers prud'hommes du collège salarié, le mécanisme du maintien du salaire pour les fonctions juridictionnelles exercées pendant les heures de travail. D'autre part, s'agissant de l'indemnisation du temps de rédaction, le projet de réforme opte pour un système d'indemnisation reposant sur l'activité réelle des conseillers et exclut tout système forfaitaire. En effet, le projet de décret qui s'est appuyé sur le rapport précité pour déterminer les durées moyennes de rédaction des décisions rendues par les conseillers prud'hommes (30 minutes pour un procès-verbal, une heure pour une ordonnance et trois heures pour un jugement), prévoit que les durées mentionnées ci-dessus peuvent être dépassées lorsque la complexité du dossier, le nombre de parties à l'instance et la multiplicité des chefs de demande le justifient. De plus, compte tenu des observations formulées par les partenaires sociaux à l'occasion du Conseil supérieur de la prud'homie du 5 mai 2006, le caractère « exceptionnel » des dépassements a été supprimé. Si le dépassement n'est pas regardé comme exceptionnel, un encadrement est indispensable, sauf à ne pas résoudre les difficultés mises en évidence par le rapport Desclaux. À cet effet, le projet de décret privilégie la seule solution juridiquement incontestable qui est de confier la charge de cet encadrement à la formation de jugement plutôt qu'à une autorité extérieure. Ainsi, deux modes d'indemnisation se superposent : un mode déclaratif reposant sur le seul conseiller rédacteur ; un mode délibératif reposant sur la formation de jugement dès lors qu'un certain seuil de temps est dépassé. En outre, ces projets de textes accroissent le nombre d'activités indemnisables. C'est ainsi que les conseillers prud'hommes seront également indemnisés du temps d'étude nécessaire à l'examen d'une affaire. Ces temps sont cumulables. Enfin, les textes améliorent la prise en charge des frais de déplacement des conseillers prud'hommes pour l'exercice de leur mission. Il convient de souligner qu'avec cette réforme, comme annoncé au Conseil supérieur de la prud'homie du 13 octobre dernier, le taux des vacations versées pour indemniser les conseillers prud'hommes du collège « salarié » en dehors des heures de travail, les conseillers au chômage ou à la retraite et les conseillers prud'hommes du collège « employeur », sera augmenté de 15 %. Ainsi, l'indemnisation des conseillers prud'hommes dans l'exercice de leur fonction sera mieux assurée et constituera le juste reflet de leur activité pour le service public de la justice. À cet égard, l'étude d'impact menée sur un échantillon représentatif des conseils de prud'hommes confirme l'accroissement des dépenses budgétaires induit par la réforme. Ce nouveau dispositif, qui fait l'objet d'une large concertation, devrait être prochainement soumis au vote du Parlement dans le cadre d'un projet de disposition législative nouvelle dont l'entrée en vigueur sera subordonnée à celle des décrets d'application.
SOC 12 REP_PUB Alsace O