Texte de la QUESTION :
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Mme Marcelle Ramonet appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le projet de réforme de la justice qu'il entend prochainement présenter devant l'Assemblée nationale. Parmi les mesures envisagées figurent des modifications concernant la procédure de l'instruction. Il est notamment exprimé la volonté que d'ici à dix ans les fonctions du siège et du parquet soient séparées. Pourquoi ne pas envisager de pousser encore plus loin la spécialisation des magistrats en effectuant une séparation en interne « définitive » des juges du siège ? En effet, l'instruction est une mission très complexe nécessitant certes la maîtrise parfaite du droit mais également une connaissance particulièrement développée des différents aspects psychologiques de l'enquête. Dès lors, la création d'une filière spéciale dont l'enseignement serait réservé aux futurs juges d'instruction qui auraient alors cette qualité et uniquement celle-ci toute leur carrière est souhaitable. Ils pourraient par exemple suivre un module commun (un mois ou plus) avec les élèves commissaires de police, ou encore se voir dispenser des cours basés sur une approche plus forte de la psychiatrie. Cette formation spécifique permettrait aux juges chargés de l'instruction d'acquérir plus de savoir en la matière. Par ailleurs, le fait d'intervenir toujours au même moment dans le processus de déroulement des affaires de justice est fortement susceptible de rendre l'expérience des magistrats plus forte. Elle désire connaître son sentiment sur ces suggestions.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que les fonctions de juge d'instruction constituent une des fonctions spécialisées à laquelle tout magistrat du corps judiciaire est susceptible d'accéder en vertu du principe de l'unité du corps judiciaire, sous réserve toutefois de l'avis conforme selon la situation de la commission d'avancement, du Conseil supérieur de la magistrature et enfin des recommandations du jury de classement final des auditeurs de justice s'agissant de la première nomination dans un poste du second grade de la hiérarchie judiciaire. La spécificité de cette fonction est d'ores et déjà prise en compte dans l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958, portant loi organique relative au statut de la magistrature, sans qu'il apparaisse nécessaire de remettre en cause l'unité du corps judiciaire, à laquelle le garde des sceaux est particulièrement attaché. En effet, l'appartenance à un même corps n'empêche aucunement que les rôles soient différents et que les difficultés et spécificités des différentes fonctions soient prises en compte, qu'il s'agisse de la sélection des candidats ou candidates aux fonctions ou encore de la formation approfondie pouvant leur être dispensée. En outre, l'unité du corps des magistrats semble indispensable pour garantir l'exercice d'une bonne justice et protéger la justice contre les habitudes que ne manquerait pas d'entraîner une spécialisation et une séparation statutaire définitive des fonctions de juge d'instruction des autres fonctions du siège ou du parquet. C'est d'ailleurs un des objectifs des dispositions statutaires actuelles limitant à dix ans l'exercice d'une même fonction spécialisée, au sein d'une même juridiction, ou encore interdisant l'avancement dans la juridiction auprès de laquelle le magistrat exerce déjà ses fonctions depuis plus de cinq ans. Enfin, une scission du corps telle qu'évoquée par l'honorable parlementaire ne manquerait pas d'entraîner des difficultés dans les petites ou moyennes juridictions, où les juges d'instruction sont également mis à contribution, en leur qualité de juge du siège, pour les autres activités juridictionnelles. Cette polyvalence est particulièrement nécessaire au bon fonctionnement de ces juridictions. Il n'en reste pas moins que les fonctions de juge d'instruction, dont le travail de recherche de la vérité apparaît particulièrement difficile et soumis à divers intérêts et pressions contradictoires, médiatiques notamment, doit bénéficier d'une formation de qualité. Àcet égard, il convient de rappeler que la formation initiale des auditeurs de justice est une formation polyvalente et approfondie d'une durée de trente et un mois, préparant les futurs magistrats à l'ensemble des fonctions auxquelles ils sont susceptibles d'accéder compte tenu de leur nomination au second grade de la hiérarchie judiciaire. Durant la première période d'études, d'une durée de huit mois, les auditeurs de justice bénéficient d'une formation spécifique sur la direction de l'enquête, l'audition des témoins, des victimes ou encore des mis en examen, dans le cadre d'une information judiciaire. Cet enseignement à vocation pratique est l'occasion de mises en situation professionnelle à travers l'étude de dossiers réels, ou encore d'exercices de simulations. La nécessaire compréhension des pratiques et des enjeux des différentes étapes des enquêtes judiciaires est assurée par des séquences pédagogiques co-organisées avec l'école de gendarmerie de Libourne. Les auditeurs participent de la même façon à des permanences de nuit au commissariat de police de Bordeaux. Durant leur stage juridictionnel, d'une durée totale de treize mois, l'ensemble des auditeurs de justice est affecté durant six semaines dans un cabinet ou plusieurs cabinets de juge d'instruction, et sont également affectés pendant deux semaines dans un service judiciaire de la police nationale et de la gendarmerie nationale. Enfin, les auditeurs de justice amenés à exercer lors de leur premier poste les fonctions de juge d'instruction suivent, avant leur prise de poste, une formation spécialisée de quatre mois (un mois de formation théorique approfondie, trois mois de stage). Durant leurs deux périodes de stages pratiques décrits plus haut, les futurs magistrats accomplissent, sous le contrôle permanent d'un magistrat expérimenté, l'ensemble des actes juridictionnels inhérents à la fonction. C'est également l'occasion d'aborder les aspects relationnels de la fonction (direction des enquêtes, auditions, interrogatoires, confrontations...) et d'apprécier ainsi les aptitudes du stagiaire à l'exercice de la fonction. L'École nationale de la magistrature propose par ailleurs, dans le cadre de la formation continue, de nombreuses sessions d'enseignements théoriques et également la possibilité de stages au sein d'associations ou auprès d'institutions partenaires de la justice et traitant, directement ou indirectement, de situations pénales formant le quotidien des juges d'instruction (gendarmerie, police, associations de médiation familiale, organes de presse...). Une remise à niveau des connaissances, d'une durée de cinq jours, est également assurée pour les magistrats nouvellement nommés dans un poste de juge d'instruction.
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