Texte de la QUESTION :
|
M. Arnaud Montebourg appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur les conditions d'utilisation des fichiers STIC (système de traitement des infractions constatées) et TUDEX (système judiciaire de documentation et d'exploration). Certaines entreprises et administrations publiques, quand leur activité peut mettre en cause la sécurité publique, sont habilitées à contrôler si leurs employés ou les éventuels demandeurs d'emploi sont présents dans les fichiers de police judiciaire. Si le procédé de fichage lui-même est hautement contestable, les conditions d'effacement des informations nominatives le sont plus encore. En effet, l'effacement des mentions relatives aux infractions commises par une personne n'est de droit que dans le cas où une décision de relaxe ou d'acquittement est intervenue, sauf réquisition contraire du procureur de la République. De même, l'autorité judiciaire peut faire effacer les faits couverts par une mesure d'amnistie, ceux qui ont fait l'objet d'une décision de non-lieu rendue par le juge ou d'un classement sans suite motivée par une insuffisance de charge. Ainsi, les infractions classées sans suite après rappel à la loi, ou orientation vers des services judiciaires spécialisés, ne peuvent être effacées avant le délai de cinq ans des fichiers judiciaires, sous réserve qu'aucune nouvelle infraction ne soit commise pendant le délai de conservation. Compte tenu des conditions d'effacement précitées, il semble que les infractions les plus lourdes, qui nécessitent plus qu'un simple rappel à la loi, soient plus facilement « effaçables » de ces fichiers que celles, légères, aboutissant à un avertissement de la part de l'autorité judiciaire. Aussi, il lui demande de bien vouloir prendre la mesure de cette situation, conduisant de nombreux jeunes à se voir exclus du marché de l'emploi du fait de petites infractions, et de lui indiquer s'il entend répondre à l'injustice que représente ces conditions d'effacement des mentions aux fichiers STIC et JUDEX, qui ne doivent en aucun cas représenter une alternative aux casiers judiciaires pour un fichage plus poussé de nos concitoyens.
|
Texte de la REPONSE :
|
Le système de traitement des infractions constatées (STIC) et le système judiciaire de documentation et d'exploitation (JUDEX) sont respectivement mis en oeuvre par les services de police et par les unités de gendarmerie. Ces fichiers sont constitués à partir de certaines informations contenues dans les procédures de police judiciaire établies par les enquêteurs. Leur finalité première est de faciliter la constatation des infractions pénales, le rassemblement des preuves de ces infractions et la recherche de leurs auteurs. Ils permettent par exemple de repérer le caractère sériel ou répété de certains actes de délinquance, d'effectuer des rapprochements relatifs aux horaires, aux lieux, aux modes opératoires ou au profil des auteurs ou de leurs victimes. Ils sont tout particulièrement utiles pour la lutte contre les délinquants d'habitude. STIC et JUDEX demeurent à ce jour le premier outil de résolution des enquêtes, avant même les fichiers d'empreintes digitales et génétiques. À l'occasion de leur modernisation dans le projet ARIANE, qui sera opérationnel en fin d'année, leurs fonctionnalités de recherche judiciaire seront d'ailleurs améliorées et modernisées. Chaque jour, ces fichiers font la preuve de leur utilité au service de l'élucidation des infractions pénales et de l'action que les victimes attendent du service public de la sécurité intérieure. Sans moyen d'investigation, les forces de l'ordre ne pourraient intervenir qu'en cas de crime ou de délit flagrant, ce qui réduirait considérablement le droit de chacun à la sécurité. En effet, sans classement hiérarchisé des données issues des procédures judiciaires, le taux d'élucidation des affaires serait quasiment nul et l'efficacité de la police et de la gendarmerie nationale serait amoindrie. La loi prévoit d'importantes garanties pour les citoyens en contrepartie de leur existence. Le Gouvernement entend les appliquer et les faire respecter pleinement. Outre le contrôle de l'autorité judiciaire ou de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) sur les données issues de ces fichiers, et le droit d'accès et de rectification de toute personne, aussi bien mise en cause que victime, aux informations qui la concernent, ces garanties sont de deux ordres : premièrement, la mise à jour, la rectification ou la suppression des données issues de la procédure établie par l'officier de police judiciaire au regard des décisions prises ultérieurement par l'autorité judiciaire ; deuxièmement, une durée de conservation des informations limitée par la législation, qui varie en fonction de la gravité de l'infraction et de l'âge de l'auteur (mineur ou majeur). Les mineurs bénéficient en outre déjà d'un régime plus favorable au regard des durées de conservation De plus, les victimes peuvent obtenir l'effacement des données nominatives qui les concernent lorsque l'auteur a été définitivement condamné. Depuis 2004, grâce à la modernisation du logiciel STIC, un apurement mensuel des données dont la durée de conservation a expiré, intervient automatiquement. Cela constitue un progrès considérable. L'ensemble des informations de ces fichiers font ainsi l'objet d'un effacement à terme, quel que soit le degré de gravité des infractions commises. Par ailleurs, les informations contenues dans le STIC et JUDEX doivent faire l'objet d'une mise à jour lorsque, par décision judiciaire, une infraction est requalifiée. Cette requalification peut avoir également une incidence sur la durée légale de conservation. Il en va de même des procédures pour lesquelles la justice décide que l'infraction n'est pas constituée ou qu'elle ne dispose pas des preuves suffisantes, en l'état, au stade des poursuites, ou bien définitivement, au stade du jugement. L'article 21-III de la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure prévoit soit la mise à jour, soit l'effacement pur et simple des données. Dans certaines affaires, par exemple pour les primo-délinquants, même lorsque les faits sont avérés et que l'infraction est constituée, l'autorité judiciaire peut faire preuve de mansuétude par un classement sans suite en opportunité, par un rappel à la loi, une composition pénale ou une mesure de réparation. Ces mesures ne remettent pas en cause l'infraction avérée, les faits demeurent. Il est donc justifié que ces informations soient conservées pour faciliter l'élucidation en cas de récidive de la part de l'auteur, y compris pour certaines contraventions de cinquième classe relatives notamment à des actes de violence ou de dégradations de biens. Les services de police procèdent systématiquement et dans les plus brefs délais à la rectification ou à l'effacement prescrit par l'autorité judiciaire, dans les conditions prévues par la loi, des informations relatives à toutes les procédures qui leur sont retournées. En revanche, en raison de la charge de travail des parquets, l'absence de dispositif automatisé de mise à jour des fichiers de police et de gendarmerie à la disposition des magistrats constitue un frein réel à l'intervention exhaustive de toutes les opérations de mise à jour nécessaires. Ce diagnostic est partagé par la CNIL, le groupe de travail interministériel ouvert aux autorités indépendantes de contrôle qui s'est réuni à la demande du ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, à l'automne 2006 ainsi que par le ministère de la justice. Grâce aux crédits ouverts par le Parlement au titre des lois d'orientation pour la sécurité intérieure et pour la justice, la refonte technique d'ensemble des systèmes d'information du ministère de la justice (projet CAS SIOPEE) et la modernisation et la fusion des fichiers STIC et JUDEX (projet ARIANE), sont désormais bien avancés. Les nouveaux systèmes d'information, interopérables, permettront l'automatisation des mises à jour, qui débutera dans le courant de l'année 2008. À plus court terme, des extractions systématiques de l'application informatique dénommée « nouvelle chaîne pénale », qui regroupe les procédures suivies par ces juridictions, permettront la transmission numérisée aux services de police et de gendarmerie compétents des informations nécessaires aux mises à jour des fichiers. Cette solution transitoire, qui implique une double saisie des données, est issue des réflexions du groupe de travail interministériel. Elle s'appliquera sur le ressort des tribunaux de grande instance de la région parisienne et sera opérationnelle à la fin du premier trimestre 2007. Par ailleurs, les services de sécurité intérieure doivent disposer des moyens adéquats de mener les enquêtes administratives qui leur sont confiées par la loi ou le règlement. Celles-ci ont pour objectif de vérifier qu'aucun élément ne s'oppose à l'accès ou au maintien dans leur poste de certains personnels de la fonction publique, au premier rang desquels les policiers et les gendarmes eux-mêmes, ou de membres de professions réglementées et sensibles. Il s'agit de protéger les citoyens, le service public et les entreprises dont l'activité touche à la souveraineté ou à l'intérêt économique nationaux contre les abus ou les manquements qui pourraient être commis par des personnes qui ne présenteraient pas les garanties suffisantes. C'est particulièrement le cas du secteur de la sécurité privée, en expansion, et dont la moralisation a été jugée prioritaire par le Parlement en 2003. Il serait anormal de confier des missions de protection des citoyens, de contact avec le public ou encore d'autoriser le port d'arme à des personnes violentes, ou bien de confier des missions de surveillance des biens, à des personnes qui auraient commis des vols ou des fraudes. Le droit a prévu des garanties spécifiques, qui sont intégralement respectées. Les règles de consultation pour les missions de police administrative sont plus strictes que pour l'activité de police judiciaire. Ainsi ne sont pas consultables les informations relatives aux victimes et les faits que la justice a considéré comme non constitués ou non prouvés lorsque les services de police en ont été informés. Il ne peut donc en être fait état dans une procédure administrative. Très clairement, l'inscription dans le STIC ou le JUDEX doit être dissociée de la décision administrative qui est prise après la consultation de ces traitements. La décision préfectorale d'agrément n'est absolument pas liée par l'inscription dans un fichier de police consultable en police administrative. En aucun cas, la seule mention dans l'un de ces fichiers ne justifie automatiquement une décision de refus. Le préfet est tenu de prendre en compte la gravité, l'ancienneté, l'éventuelle répétition des faits et, naturellement, le lien qui existe entre les faits commis antérieurement et les garanties requises pour la décision administrative en cause. L'autorité préfectorale dispose donc de la marge de manoeuvre suffisante pour prendre en compte les situations évoquées par l'honorable parlementaire. Ce jugement de proportionnalité, qui peut donner lieu à un recours gracieux ou hiérarchique, s'effectue sous le contrôle du juge administratif. Des instructions claires ont été à plusieurs reprises adressées sur ce point aux services préfectoraux dans le domaine de la sécurité privée. Conformément aux conclusions du groupe de travail interministériel, cette obligation leur sera également très prochainement rappelée pour l'ensemble des décisions qui impliquent une enquête administrative avec consultation des fichiers de police. Les enquêtes administratives ne sauraient aujourd'hui s'effectuer selon les modalités des enquêtes de voisinage qui avaient cours il y a plusieurs décennies. La consultation des fichiers de police judiciaire est d'ailleurs un élément d'objectivation de ces enquêtes. La consultation des fichiers de police judiciaire demeure un outil irremplaçable, nécessaire et pertinent qui permet de prendre en compte l'ensemble des éléments que doit comporter une décision de police administrative dont la finalité est préventive. La finalité du casier judiciaire est toute autre. Il centralise les informations qui intéressent la situation pénale des personnes qui ont fait l'objet d'une décision de justice devenue définitive. Ce fichier est donc renseigné la plupart du temps plusieurs années après la commission des faits. Ce délai est souvent beaucoup trop tardif pour les impératifs de la police administrative. Bouleverser l'équilibre aujourd'hui atteint entre libertés individuelles et sécurité des citoyens pourrait compromettre les efforts réalisés dans la moralisation du secteur de la sécurité privée et pourrait fragiliser certains secteurs économiques qui sont astreints à protéger sites et activités sensibles.
|