FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 105976  de  M.   Tourtelier Philippe ( Socialiste - Ille-et-Vilaine ) QE
Ministère interrogé :  agriculture et pêche
Ministère attributaire :  agriculture et pêche
Question publiée au JO le :  03/10/2006  page :  10206
Réponse publiée au JO le :  05/12/2006  page :  12697
Rubrique :  agriculture
Tête d'analyse :  traitements
Analyse :  produits phytosanitaires. réglementation. conséquences
Texte de la QUESTION : M. Philippe Tourtelier attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur l'application des articles L. 253-1 et L. 253-7 du code rural. Ces articles, modifiés par la loi d'orientation agricole (LOA n° 2006-11 du 5 janvier 2006, art. 70, en vigueur le 1er juillet 2006), disposent que « sont interdites la mise sur le marché, l'utilisation et la détention par l'utilisateur final des produits phytopharmaceutiques s'ils ne bénéficient pas d'une autorisation de mise sur le marché (AMM) [...]. Toute publicité commerciale et toute recommandation pour les produits définis à l'article L. 253-1 ne peuvent porter que sur des produits bénéficiant d'une autorisation de mise sur le marché et sur les conditions d'emploi fixées dans ces autorisations ». Ainsi, toute personne suspectée de promouvoir sans AMM des produits phytopharmaceutiques naturels, c'est-à-dire des préparations actives anciennes, utilisables en jardinage ou en agriculture biologique, des extraits de plantes, par exemple le traditionnel purin d'orties, est passible de sanctions très lourdes (art. L. 253-17). Mais le zèle, ces derniers mois, d'inspecteurs de la direction nationale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DNCCRF) et des services de la protection des végétaux pour appliquer ces dispositions à l'encontre de personnes soupçonnées de prôner ces intrants naturels pose question. Pourquoi cette précipitation des services de l'État alors même que le décret fondateur (conséquence du même article de la LOA) relatif au transfert à l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments de l'évaluation de ce type de substances naturelles employées dans l'agriculture biologique n'était pas paru ? Il vient d'être présenté, dans la précipitation, pour tenter de remédier à l'incompréhension issue de ces contrôles. Pourquoi cette pression sur des personnes qui informent ou conseillent l'usage de phytostimulants (qui favorisent la nutrition ou la croissance des plantes) ou d'éliciteurs (qui stimulent les mécanismes de défenses naturelles, combattent les maladies des cultures), comme le purin d'orties ? Ce fertilisant azoté, facilement assimilable par les végétaux, évite le recours aux produits ou pesticides de synthèse, homologués certes, mais dangereux et polluants, vendus dans le commerce. Ces intrants naturels constituent-ils une concurrence déloyale aux produits phytosanitaires ? Ces effets pervers de la LOA démontrent que la question des intrants (de synthèse ou « naturels ») entrave une « agriculture française (qui) doit être écologiquement responsable et économiquement forte », selon les propos du Président de la République à Rennes le 11 septembre 2001. La charrue a été mise avant les boeufs et le statut et la réglementation de ces produits est toujours en jachère. Pourtant le rapport sur l'agriculture biologique de M. Saddier, remis au Premier ministre en juin 2003, posait le problème de l'hétérogénéité de la réglementation française et des États membres de l'UE. Après avoir notamment décrit les difficultés et les surcoûts de production liés à l'agriculture biologique, et notamment la question majeure des intrants, il dénonce la surréglementation dont est « victime » la filière, précisant que « les décisions réglementaires devancent généralement la résolution technique et économique des nouvelles contraintes imposées ». M. Saddier concluait sur le renforcement du rôle de l'Institut technique de l'agriculture biologique (ITAB). Celui-ci, pour répondre à une demande de son ministère (sous-direction de la qualité et de la protection des végétaux de la direction générale de l'alimentation) s'est focalisé en juin 2004 sur la problématique réglementaire des produits phytosanitaires tant en France que dans l'Union européenne. Les procédures d'autorisation de mise sur le marché prévues par la législation française résultent de la transposition de directives européennes, mal adaptées aux produits naturels. Dans le cadre européen, le rapport de l'ITAB rappelle que notre pays a pris beaucoup de retard sur la question des substances actives utilisables en agriculture biologique, notamment le cas des produits traditionnels, et parmi ceux-ci le purin d'orties... Confronté à la LOA, qui méconnaît la spécificité des intrants naturels, et l'hétérogénéité réglementaire européenne, le ministre annonce que ses services participent désormais à un groupe de travail au niveau communautaire pour traiter de la nécessité de trouver des solutions permettant d'homologuer les produits traditionnels de protection des plantes. Dans l'attente, ne serait-il pas logique de suspendre toute action de l'État vis-à-vis de personnes prônant l'usage de ces intrants naturels ? Ne serait-il pas urgent d'activer la mise en place d'une véritable politique en faveur d'une agriculture biologique ou « raisonnée » dans l'intérêt de notre environnement et de la santé ? Sachant par exemple que le coût de la procédure d'homologation de produits actifs utilisables en bio est important (plus de 100 000 euros pour le purin d'ortie), ne faut-il pas prévoir des aides financières aux structures intéressés par ces solutions naturelles ? Il lui demande si, tout en veillant à la protection des utilisateurs, au respect de la sécurité sanitaire des aliments, à la sécurité environnementale, il ne faudrait-il pas aménager la procédure des homologations de ces produits alternatifs.
Texte de la REPONSE : Les produits antiparasitaires à usage agricole font l'objet d'un encadrement réglementaire très strict depuis 1943. Depuis, cette réglementation a fait l'objet d'une harmonisation communautaire par la voie de la directive 91/414/CEE du 15 juillet 1991. Suivant cette réglementation, les produits phytopharmaceutiques, quelle que soit leur nature, doivent faire l'objet d'une évaluation des risques et de leur efficacité, et d'une autorisation préalablement à leur mise sur le marché. L'objectif de ce dispositif est d'assurer un haut niveau de sécurité aux citoyens de l'Union européenne, aux applicateurs de ces produits et à l'environnement. Il vise aussi à garantir la loyauté des transactions entre le metteur en marché et l'utilisateur des produits considérés, notamment en procédant à une évaluation de leur efficacité. La loi d'orientation agricole (LOA) du 5 janvier 2006 n'a pas introduit de réforme sur les objectifs généraux de la législation en vigueur, même si elle améliore la séparation entre évaluation et gestion des risques relatifs à ces produits à travers son article 70. Comme il ne peut être garanti a priori et par principe que des produits obtenus à partir de plantes sont sûrs pour ce seul motif, aucune dérogation sur l'obligation d'homologation préalable à la mise sur le marché n'a été prévue dans la législation communautaire. De nombreux exemples illustrent le fait que des plantes peuvent présenter des risques du fait des molécules qu'elles peuvent contenir. L'insertion dans ce cadre réglementaire d'une interdiction en matière de recommandation vise à préserver les intérêts des utilisateurs de produits phytopharmaceutiques qui, du fait de cette recommandation, s'exposeraient à des sanctions pénales en utilisant des produits phytopharmaceutiques non autorisés. Cette nouvelle disposition qui complète celle relative à la publicité commerciale sur des produits de même nature n'est pas restreinte à une catégorie de produit. Elle s'applique à tout produit phytopharmaceutique faisant l'objet d'une mise sur le marché. La mise sur le marché suppose une transaction (onéreuse ou gratuite) entre deux parties. Les préparations effectuées par un particulier pour une utilisation personnelle, telles que le purin d'ortie, ne rentrent donc pas dans le cadre d'une mise sur le marché. En conséquence, il n'est pas plus interdit de recommander aux particuliers des procédés naturels que d'en donner la recette. Par ailleurs, l'élaboration par l'utilisateur final à la ferme ou au jardin de ces préparations ne nécessite pas d'autorisation préalable. Le Gouvernement est conscient de la nécessité de trouver des solutions permettant de faciliter l'homologation des produits traditionnels de protection des plantes. Un groupe de travail traite cette question et, dans le cadre du projet de règlement visant à redéfinir les procédures de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, la Commission européenne propose des mesures de simplification pour l'évaluation des produits à faible risque. Ces mesures, comme l'ensemble du projet de règlement, sont actuellement examinées au Conseil et au Parlement européen. S'agissant de l'inspection chez un paysagiste élagueur dans le département de l'Ain, cette procédure rentre dans le cadre des missions habituelles menées par les services régionaux de la protection des végétaux et les services de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. L'inspection visait à déterminer la nature exacte des activités de l'entrepreneur. Elle n'est donc nullement la « conséquence » des dispositions de la LOA. Elle n'a donné lieu à aucune sanction. Les services régionaux de la protection des végétaux conformément aux missions qui leur incombent conduisent annuellement plus de 6 000 contrôles tels que celui-ci. Ces contrôles visent à vérifier l'absence d'infraction à la législation en vigueur et, ainsi, à garantir la sécurité publique, celle des applicateurs et la protection de l'environnement.
SOC 12 REP_PUB Bretagne O