FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1064  de  M.   Auclair Jean ( Union pour un Mouvement Populaire - Creuse ) QOSD
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  08/02/2005  page :  1178
Réponse publiée au JO le :  09/02/2005  page :  850
Rubrique :  sécurité routière
Tête d'analyse :  permis de conduire
Analyse :  permis blanc. perspectives
Texte de la QUESTION : M. Jean Auclair souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés liées à la suppression de la possibilité d'aménager la peine suspensive du permis de conduire. La lutte contre la violence routière est l'un des grands chantiers du quinquennat du Président de la République et le Gouvernement sous l'impulsion de Jean-Pierre Raffarin a mis en place un plan efficace dont on mesure aujourd'hui les effets positifs. Il apparaît cependant que le retrait du permis de conduire peut aboutir à des situations délicates et notamment à la perte d'emploi. C'est la raison pour laquelle, en septembre dernier, une proposition de loi cosignée par 120 députés, visant à rétablir la possibilité d'aménager la peine de retrait du permis de conduire, a été déposée. En zones rurales principalement, les transports publics sont rares et le retrait du permis, entendu comme une accumulation de petites infractions, peut effectivement conduire à la perte d'emploi caractérisant ainsi une rupture d'égalité des citoyens devant la loi. De plus, la conduite sans permis, aujourd'hui sous-estimée par les autorités, semble se développer et ce phénomène touche toutes les catégories socio-professionnelles. Il est donc indispensable de prendre en compte ce problème. C'est pourquoi il est nécessaire de rétablir le permis blanc et ce, sous le contrôle du juge qui aurait l'opportunité d'apprécier, au regard de la situation professionnelle du contrevenant et de la disparité des transports alternatifs sur le territoire, si le retrait du permis de conduire peut être limité aux heures et journées de repos, c'est à dire en dehors de l'activité professionnelle. Bien évidemment, cet aménagement serait exclu en cas d'homicide involontaire et de tous délits graves. Il lui demande de préciser très clairement aux Français, qui sont très attentifs à ce problème, s'il envisage de prendre les dispositions nécessaires pour mettre un terme à cette rupture d'égalité devant la loi et surtout pour que la suspension du permis de conduire ne soit plus synonyme de mise en difficulté des entreprises ou, pire, de perte d'emploi.
Texte de la REPONSE :

PERSPECTIVES DE RÉTABLISSEMENT DU PERMIS
DE CONDUIRE BLANC

M. le président. La parole est à M. Jean Auclair, pour exposer sa question, n° 1064, relative aux perspectives de rétablissement du permis de conduire blanc.
M. Jean Auclair. Madame la secrétaire d'État aux droits des victimes, je vous indique d'abord que M. François Vansson, député des Vosges, s'associe à cette question que j'avais adressée à M. le garde des sceaux. Je suis cependant heureux que vous soyez présente pour me répondre, car la lutte contre la violence routière est l'un des grands chantiers du quinquennat et le Gouvernement a mis en place un plan efficace dont on mesure aujourd'hui les effets positifs.
Il apparaît cependant que le retrait du permis de conduire peut aboutir à des situations délicates, notamment à la perte d'emploi.
M. François Rochebloine. Absolument !
M. Jean Auclair. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé, en septembre dernier, une proposition de loi, cosignée par cent vingt députés, visant à rétablir la possibilité d'aménager la peine de retrait du permis de conduire.
En zones rurales principalement, les transports publics sont rares, et le retrait du permis, qui peut être la conséquence d'une accumulation de petites infractions, peut conduire à la perte d'emploi, provoquant ainsi une rupture d'égalité des citoyens devant la loi. De plus, la conduite sans permis, sous-estimée par les autorités, semble aujourd'hui se développer et ce phénomène touche toutes les catégories socioprofessionnelles.
Il me paraît indispensable de prendre en compte ce problème, donc de rétablir le permis blanc ou le permis aménagé et ce sous le contrôle du juge qui aurait l'opportunité d'apprécier, au regard de la situation professionnelle du contrevenant et de la disparité des transports alternatifs sur le territoire, si le retrait du permis de conduire peut être limité aux heures et journées de repos, c'est-à-dire en dehors de l'activité professionnelle. Bien évidemment, cet aménagement serait exclu en cas d'homicide involontaire ou de tout délit très grave.
Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, indiquer aux Français, qui sont très attentifs à ce problème, si le Gouvernement envisage de prendre les dispositions nécessaires pour mettre un terme à cette rupture d'égalité devant la loi et, surtout, pour que la suspension du permis de conduire ne soit plus synonyme de mise en difficulté des entreprises ou, pire, de perte d'emploi ?
M. François Vannson et M. François Rochebloine. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État aux droits des victimes.
Mme Nicole Guedj, secrétaire d'État aux droits des victimes. Monsieur le député, je vous prie d'abord de bien vouloir excuser Dominique Perben qui est retenu ce matin et qui m'a chargée de vous transmettre sa réponse.
Comme vous le savez, le Président de la République a érigé en chantier prioritaire la lutte contre la violence routière. Dans ce cadre, le ministre de la justice a veillé, en concertation avec les autres ministères intéressés, à ce que plusieurs textes soient proposés au Parlement afin que soit sensiblement renforcée la sécurité de nos concitoyens sur les routes.
Les résultats de l'action gouvernementale visant à réduire le nombre de victimes des accidents de la circulation, s'ils sont encore imparfaits, sont tout de même très encourageants.
Parmi les textes adoptés par cette assemblée figure la loi du 12 juin 2003, qui a notamment supprimé la possibilité d'obtenir l'aménagement de la peine suspensive du permis de conduire. Cette pratique dite des " permis blancs ", auparavant très largement répandue, provoquait d'importants contentieux et paraissait de nature incompatible avec la condamnation de conducteurs au comportement dangereux.
Il a semblé préférable, dans un objectif à la fois de répression et de prévention, plutôt que de suspendre pendant une longue durée le permis de conduire de tels conducteurs tout en leur permettant d'utiliser leur véhicule toute la semaine en raison de leur activité professionnelle, de suspendre leur permis pendant une durée plus brève, sans possibilité d'aménagement. Il ne fait aucun doute que l'impossibilité d'obtenir un permis blanc a un effet dissuasif considérable.
Certes, la perte du permis de conduire, même temporaire, peut avoir d'importantes répercussions sur la vie quotidienne et professionnelle des conducteurs condamnés à cette peine. Cependant, c'est bien la crainte de ces conséquences qui incite nos concitoyens à faire preuve de davantage de prudence lorsqu'ils prennent le volant de leur véhicule.
Je vous rappelle que, si la délivrance d'un permis blanc n'est plus possible, les juridictions de jugement ne sont pas pour autant obligées de prononcer une peine de suspension du permis de conduire. Ainsi, les magistrats peuvent encore apprécier la situation personnelle de chacun des conducteurs fautifs. S'ils constatent qu'une personne risque de perdre son emploi en cas de suspension de son permis de conduire, les magistrats peuvent alors soit prononcer une suspension du permis de conduire pendant une courte période, soit même ne prononcer par exemple qu'une peine d'amende tenant compte des ressources du condamné, ou une peine d'emprisonnement assortie d'un sursis avec mise à l'épreuve l'obligeant notamment à se soigner ou encore à effectuer un travail d'intérêt général.
Par une circulaire, en date du 20 juin 2003, le garde des sceaux a demandé à l'ensemble des procureurs généraux et des procureurs de la République de prendre en compte à la fois la gravité des faits et la situation personnelle des conducteurs fautifs avant d'envisager de requérir une peine de suspension du permis de conduire.
En revanche, les juridictions de jugement sont dans l'obligation de prononcer l'annulation du permis de conduire en cas d'homicide involontaire ou de récidive de conduite en état alcoolique. Or, bien évidemment, l'annulation du permis de conduire interdit tout aménagement. Cependant, les magistrats restent libres de fixer la durée de la période pendant laquelle le condamné a l'interdiction de repasser son permis de conduire. Les juridictions de jugement peuvent donc, là encore, tenir compte de la situation personnelle du prévenu.
S'agissant de la distinction que vous proposez de faire entre les délits les plus graves et les autres infractions routières, je vous indique que tout conducteur qui ne respecte pas une règle du code de la route n'envisage pas, la plupart du temps, que son comportement risque d'avoir des conséquences dramatiques. La décision de limiter le permis blanc aux infractions les moins graves aurait donc pour conséquence de restaurer un sentiment d'impunité chez ceux qui les commettraient alors qu'elles sont très souvent à l'origine des infractions les plus graves, comme les homicides involontaires.
Enfin, d'une façon générale, je vous indique que Dominique Perben a adressé, le 28 juillet 2004, à tous les procureurs généraux et à tous les procureurs de la République une circulaire relative au renforcement de la lutte contre la délinquance routière les incitant notamment à la mobilisation de l'ensemble des services de l'État, à l'accentuation de la prise en considération des victimes, au développement des réponses pénales partenariales, et au renforcement de l'efficacité et de la fermeté de la réponse pénale.
Les résultats de cette politique volontariste, à laquelle sont étroitement associés notamment les policiers et les gendarmes mais aussi les municipalités, les conseils généraux et régionaux, ainsi que les associations de sécurité routière, démontrent que l'insécurité sur nos routes n'est pas une fatalité. De nombreuses vies ont été sauvées et des milliers de blessés évités. Le nombre de tués sur les routes a diminué de près de 50 % en trois ans, passant de 7 720 morts en 2001 à 5 217 en 2004. L'effort de tous doit donc être maintenu. Rétablir la possibilité d'obtenir un permis blanc reviendrait aujourd'hui à donner aux conducteurs fautifs un signe de fléchissement de cette politique pénale.
M. le garde des sceaux est persuadé que l'efficacité de cette politique ne peut se maintenir, voire s'accroître, que si nous maintenons le cap fixé par le Président de la République, adopté par cette assemblée, notamment par la loi du 12 juin 2003, et mis en oeuvre par ce gouvernement. Il est convaincu qu'il s'agit là d'une attente prioritaire de nos concitoyens.
M. le président. La parole est à M. Jean Auclair.
M. Jean Auclair. Madame la secrétaire d'État, cette réponse, politiquement correcte, ne peut pas me satisfaire, vous vous en doutez, et m'oblige à adopter un ton moins diplomatique que celui employé pour exposer ma question.
Je suis très heureux que ce soit la secrétaire d'État aux droits de victimes qui me réponde parce que, en fait, j'estime que les Creusois sont les victimes de l'activisme de la gendarmerie. Je m'explique.
Un député, vous serez d'accord avec moi, doit être la courroie de transmission entre la France d'en bas et la France d'en haut. Si j'ai déposé la proposition de loi que j'ai évoquée, ce n'est pas essentiellement par initiative personnelle : c'est parce que les Creusois, qui en ont ras-le-bol, m'ont demandé de faire quelque chose, et je suis satisfait de voir que François Vannson et cent vingt députés UMP, notamment élus de zones rurales, s'y sont associés.
Je n'en veux surtout pas aux gendarmes de base. Tous les habitants de la Creuse sont contents de voir des gendarmeries ; ils se battent pour les conserver parce que, grosso modo, les gendarmes font très bien leur travail et sont appréciés par tous. Je crois que les responsables de la situation sont ceux qui les commandent. Quand j'entends un colonel de gendarmerie déclarer que la prévention, il ne connaît pas, qu'il ne connaît que la répression, j'ai envie de lui répondre vertement ! Je sais que ce colonel a fait la guerre des Balkans mais la Creuse n'est pas en guerre. Nous n'avons pas besoin d'un guerrier pour commander les forces de gendarmerie de la Creuse ; il faut le renvoyer là où il y a des besoins. Cela ne peut plus durer comme ça !
M. François Rochebloine. C'est clair !
M. Jean Auclair. Quant à la brigade motorisée, elle est commandée par un lieutenant qui avait apparemment lancé un contrat sur le permis du député. Il n'a pas été difficile de m'attraper, parce que je suis comme tout le monde, un Français de base ; je commets des erreurs, je ne suis pas parfait. Je me suis donc fait prendre et j'ai été sanctionné. Soit. J'estime néanmoins qu'il y a des limites à ne pas dépasser. Si nous attendons beaucoup de la gendarmerie, nous en avons assez d'être attendus par la gendarmerie.
Les procès-verbaux rédigés en Creuse ont augmenté de 58 % en 2003, et de 28 % en 2004. Cependant l'année dernière, en zone de gendarmerie, les cambriolages ont augmenté de 24 % ! Comme s'est exclamé l'un de mes administrés : " Près des chauffeurs, loin des voleurs ! " Voilà exactement la situation en Creuse. Les gendarmes font uniquement de la répression sur la route ; pour un oui ou pour un non ils vous piquent votre permis. On en a ras-le-bol, cela ne peut plus durer comme ça. (Sourires.)
Il y a quinze jours, un médecin de Gouzon qui partait pour une urgence s'est fait prendre en excès de vitesse. La gendarmerie n'a rien voulu savoir et son permis lui a été retiré sur le champ. Aujourd'hui, ce toubib va voir ses patients en vélo. Croyez-vous qu'une telle situation puisse durer ? Je pourrais multiplier les exemples. Un ambulancier a ainsi perdu son travail à la suite du retrait de son permis. Il en a été de même pour un représentant de commerce.
Bien sûr, vous me dites que les juges peuvent apprécier ; mais les juges ne se prononcent jamais : ils se contentent d'appliquer la loi.
Madame la secrétaire d'État aux droits des victimes, pensez aux victimes de la gendarmerie. Les Creusois, qui sont exaspérés, vous en seront reconnaissants.

UMP 12 REP_PUB Limousin O