FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 107028  de  M.   Chassaigne André ( Député-e-s Communistes et Républicains - Puy-de-Dôme ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  17/10/2006  page :  10768
Réponse publiée au JO le :  13/02/2007  page :  1604
Rubrique :  voirie
Tête d'analyse :  riverains
Analyse :  servitude de passage. respect
Texte de la QUESTION : M. André Chassaigne interroge M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le droit relatif aux servitudes de passage, sources nombreuses de conflit, notamment en milieu rural. Depuis quelques années, on peut constater en milieu rural un accroissement des conflits entre voisins au sujet des servitudes de passage, qui débouchent souvent sur de longues et coûteuses procédures de justice. Il s'agit surtout de nouveaux propriétaires non autochtones qui remettent en cause des servitudes de passage à usage privé utilisées par les voisins depuis des décennies. Or les jugements sont presque systématiquement en leur faveur. En effet, les décisions de justice s'appuient sur les articles 682 à 685 du code civil, et en particulier sur l'existence d'autres passages, même plus éloignés, ou alors sur l'extinction constatée de l'exploitation agricole, industrielle, commerciale ou sur l'absence d'opérations de construction. Pourtant, le passage mis en cause peut être très usité et essentiel pour l'usage privé de la parcelle (jardin, potager...). Dans le passé, les liens existant depuis des générations entre les familles d'un même village, le respect des usages historiques locaux et le faible renouvellement des habitants limitaient les conflits ouverts et la remise en cause de ces usages. Ces conflits peuvent être alimentés aujourd'hui par le manque de précision du cadastre ou par la disparition, lors de ses révisions successives, des mentions relatives aux servitudes de passage. Dans ce contexte, il arrive aussi que des notaires fassent des erreurs ou oublient ces servitudes dans les actes de vente. Ainsi, les nombreux propriétaires déboutés par la justice considèrent que le droit actuel ne reconnaît pas ces servitudes de passage « historiques » et les sanctionnent « injustement ». C'est pourquoi il lui demande si une évolution législative n'est pas envisagée sur ce sujet, afin de modifier le code civil dans le but d'étendre les conditions de maintien des servitudes de passages.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux fait connaître à l'honorable parlementaire que les servitudes légale et conventionnelle de passages sont des droits réels immobiliers qui obéissent à des régimes juridiques différents. Tout d'abord, la servitude légale de passage régie par les dispositions des articles 682 à 685 du code civil, évoquée par l'honorable parlementaire, a pour objet de remédier à l'état d'enclave d'un fonds. En effet, il s'agit de réclamer un passage pour le propriétaire du fonds dominant enclavé, sans issue sur la voie publique, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de logement, au propriétaire du fonds servant. C'est la raison pour laquelle le juge peut constater, à la date où il se prononce, si le fonds est ou non enclavé, si les nécessités de l'exploitation justifient le passage. Il peut déterminer un trajet qui ne traverse pas le seul fonds servant pour désenclaver le fonds dominant. Lorsque le fonds n'est plus enclavé, cette servitude légale s'éteint [article 685-1 du code civil]. Ainsi les décisions de justice relatives aux servitudes légales de passage ne déboutent pas systématiquement les propriétaires des fonds dominants au profit des nouveaux propriétaires de fonds servants. En effet, les causes d'extinction des servitudes sont limitativement énumérées par le code civil et le juge peut tout-à-fait sanctionner les actes contraires au respect de la servitude. Ensuite, la servitude conventionnelle de passage régie par les dispositions des articles 686 et suivants du code civil, a pour objet de déterminer un droit de passage au profit du fonds dominant sur le fonds servant. L'assiette et la durée de la servitude ainsi que le montant de l'indemnité sont déterminées par convention. Qu'elle soit légale ou conventionnelle, la servitude de passage fait l'objet d'un titre servant de preuve. Toutefois, lorsqu'il n'existe qu'un commencement de preuve par écrit de ce titre, la preuve s'effectue par témoignages ou présomptions. En l'absence totale de titre, la preuve peut être faite par l'aveu ne portant que sur les faits. La servitude légale de passage est opposable aux tiers sans aucune publicité foncière alors que la servitude conventionnelle de passage n'est opposable aux acquéreurs que si elle a été mentionnée dans le titre de propriété ou a fait l'objet d'une publicité foncière, même si elle a été consentie avant l'intervention du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière. En conséquence, s'il y a manque de précisions du cadastre ou disparition des mentions relatives aux servitudes de passage, lors de ses révisions successives, qu'évoqué le fichier immobilier tenu par la conservation des hypothèques de la situation du terrain permet de renseigner sur l'existence ou non des servitudes de passage. Au surplus, dans l'hypothèse, mentionnée, où les notaires commettraient des erreurs ou oublieraient de préciser ces servitudes dans les actes de vente, ils encourraient leur responsabilité personnelle. En effet, en vertu de leur obligation de conseil, les notaires doivent dans l'intérêt tant des vendeurs que des acquéreurs vérifier l'existence ou non de servitudes. Enfin, la responsabilité du vendeur peut être engagée pour défaut ou fausse information s'il apparaît qu'il ne pouvait ignorer la servitude non déclarée lors de la vente de son bien. Le vendeur pourra être tenu de garantir l'acquéreur des servitudes apparentes. Compte tenu de ces éléments, il n'est pas envisagé, pour le moment, de réformer le régime juridique des servitudes.
CR 12 REP_PUB Auvergne O