FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 107480  de  Mme   Tharin Irène ( Union pour un Mouvement Populaire - Doubs ) QE
Ministère interrogé :  affaires étrangères
Ministère attributaire :  affaires étrangères
Question publiée au JO le :  24/10/2006  page :  10943
Réponse publiée au JO le :  27/02/2007  page :  2086
Rubrique :  traités et conventions
Tête d'analyse :  traité de Nimègue
Analyse :  application. réglementation
Texte de la QUESTION : Mme Irène Tharin souhaite attirer l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur l'application en Franche-Comté du traité de Nimègue du 17 septembre 1678. Ce traité, qui a consacré le rattachement de la Franche-Comté au royaume de France, a expressément prévu, dans ses articles 11 et 12, le maintien des droits régales consentis par l'autorité souveraine à certains seigneurs. Or ces droits conféraient à leur titulaire le droit de disposer des cours d'eau qui leur étaient concédés comme de leur bien propre. En d'autres termes, en application du traité de Nimègue, dont les stipulations l'emportent sur les règles du droit interne, qui ne sont pas de nature constitutionnelle, en vertu de l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, ce droit de prise d'eau fondé en titre n'est pas, en Franche-Comté, attaché à la consistance qu'avait le bien avant la révolution, si bien que le titulaire de ce droit peut exploiter son ouvrage hydraulique sans limitation de puissance. Avant 1678, la Franche-Comté était dans une situation comparable à celle qui existait dans le royaume de France avant l'édit de Moulins du 12 février 1566 qui a posé le principe de l'inaliénabilité des biens de la couronne et le classement des eaux courantes parmi les biens inaliénables. Par la suite, le code civil de Napoléon de 1805, dans son article 538, décrit de manière formelle les dépendances du domaine public en y insérant notamment les « fleuves et rivières navigables ou flottables ». Le traité de Nimègue, maintenant en Franche-Comté la situation qui prévalait dans cette région avant 1678, confère un droit fondé en titre de nature particulière ; son application interdit d'invoquer la notion de consistance de l'installation hydraulique. En conséquence, elle souhaite savoir si le traité de Nimègue est encore valable avec toutes ses conséquences de droit ; dans l'affirmative, les services extérieurs de l'État ont-ils compétence pour refuser l'application d'un engagement international ou de l'interpréter ? Elle le remercie d'avance de la réponse qui lui sera apportée.
Texte de la REPONSE : Le « traité de Nimègue » auquel il est fait référence, est intitulé « traité de paix entre Charles II, Roi d'Espagne et Louis XIV, Roi de France, par lequel Sa Majesté très chrétienne rendant quelques villes et places qui lui avaient été cédées en 1688 retient en échange pour elle et ses successeurs, à perpétuité, toute la Franche-Comté [et d'autres localités] ». Signé à Nimègue le 17 septembre 1678 entre le roi d'Espagne et le roi de France, il constitue en réalité l'un des quatre accords qui ont été signés à l'occasion de la « paix de Nimègue », entre les mois d'août et septembre de l'année 1678, à l'issue de la guerre de Hollande. Il a pour objet de consacrer la paix et l'amitié entre les deux royaumes conformément aux articles Ier et II, et de réaliser un échange de territoires entre eux, conformément aux articles III à XIV. Les autres dispositions (art. XV à XXXII) sont destinées à régler les modalités concrètes de mise en oeuvre des échanges territoriaux prévus (délais, démarcation, etc.), d'une part, et à organiser la paix entre les deux royaumes (restitution des saisies et confiscation de guerre), d'autre part. Il convient de relever, s'agissant des dispositions des articles XI et XII visées ici plus particulièrement, qu'elles portent spécifiquement sur la cession de parties de territoire appartenant précédemment au royaume d'Espagne. De telles clauses conventionnelles portant cession territoriale présentent, au regard du droit des traités, la particularité de créer des obligations qui épuisent leurs effets dans leur exécution. Une fois la partie de territoire cédée, de telles dispositions conventionnelles doivent être considérées, en vertu d'une clause implicite du traité et en raison de la nature même de ces dispositions, comme éteintes (cf. Daillier P., Pellet A., Droit international public (Nguyen Quoc Dinlz), L.G.D.J., Paris, 2002, p. 306, n° 195). Au demeurant, les articles XI et XII ne prévoient nullement que des droits consentis antérieurement à la cession par l'autorité souveraine alors compétente, à savoir le roi d'Espagne, devraient être maintenus une fois le territoire en cause cédé à la France. Tout à l'inverse, et conformément à l'objet et au but d'un traité international opérant cession de territoire, ces deux dispositions traduisent le passage, d'un Etat à l'autre, de l'ensemble des compétences souveraines sur les territoires cédés. Ainsi, dans l'article XII, est-il procédé à l'énumération des droits reconnus sur le territoire de la Franche-Comté au roi de France, droits auxquels renonce concomitamment le roi d'Espagne, à savoir « les droits de souveraineté, propriété, droits de régale, patronage, gardienneté et juridiction ». L'interprétation des termes clairs du traité ne permet donc en aucune façon de soutenir qu'il a eu pour effet de reconduire des droits éventuellement nés antérieurement à la cession du territoire en cause. Par conséquent, et pour conclure, toute question qui serait éventuellement soulevée au sujet de l'existence de tels droits appellerait une réponse indépendante de l'analyse du traité organisant la cession de territoire.
UMP 12 REP_PUB Franche-Comté O