Texte de la QUESTION :
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M. Francis Hillmeyer demande à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer quelle suite il entend réserver aux propositions des professionnels de l'ingénierie, relative à l'assurance décennale. En effet, la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978, dont le but était de protéger le consommateur, est devenu objet de dérives très importantes depuis que la Cour de cassation a annulé l'arrêté du 17 novembre 1978, qui était son texte d'application. Ainsi, les entreprises de l'ingénierie et des travaux publics se heurtent-elles à des clauses contractuelles exorbitantes de la part de leurs maîtres d'ouvrages, les niveaux de couverture d'assurance sont très élevés et ne sont pas toujours le reflet du risque. Aussi a-t-il été proposé de limiter le champ d'application de l'assurance décennale en capitalisation aux ouvrages habitation.
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Texte de la REPONSE :
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La loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 dite « loi Spinetta » a instauré un régime de responsabilité objective du constructeur pour indemniser le maître d'ouvrage de tout désordre né ou devenu perceptible dans les dix ans suivant la réception de l'immeuble et qui soit en affecte la solidité, soit le rend impropre à sa destination. Les constructeurs sont tenus de couvrir leur responsabilité par une assurance de responsabilité civile décennale et le maître d'ouvrage doit lui-même souscrire une assurance dite de « dommages ouvrage », laquelle permet un préfinancement rapide des travaux de réparation en amont de toute recherche de responsabilité. L'assureur du maître d'ouvrage est alors subrogé dans les droits de ce dernier pour recouvrer l'indemnité auprès des participants à la construction, à hauteur des responsabilités respectives de chacun d'eux, au titre de leur responsabilité décennale. Le Conseil d'État a annulé, par décision 15935-177366 du 30 novembre 1979, le paragraphe f « opérations de construction » de l'annexe II de l'arrêté du 17 novembre 1978 codifié au code des assurances sous l'article A 243-1 et qui, établissant les clauses types du contrat d'assurance dommages ouvrage, comportait une définition de l'ouvrage soumis à obligation d'assurance, pouvoir qui appartient au législateur et non au pouvoir réglementaire. Le champ d'application de la loi couvre l'ensemble des bâtiments à l'exception des catégories d'ouvrages de génie civil énumérées par l'ordonnance 2005-658 en date du 8 juin 2005 (ponts, routes, installations fluviales, portuaires et aéroportuaires, installations à caractère industriel...). L'ordonnance du 8 juin 2005 visait notamment à clarifier le régime juridique de la loi Spinetta à la suite d'évolutions jurisprudentielles qui avaient créé des incertitudes quant à ses limites. À ce titre, elle a également précisé qu'étaient exclus de l'obligation d'assurance les installations existantes lorsque les travaux n'avaient pas pour effet de les rendre indivisibles avec l'ouvrage réalisé ainsi que les équipements destinés exclusivement à l'exercice d'une activité professionnelle. Il est à noter que le législateur n'a pas souhaité procéder à une définition limitative de l'obligation d'assurance, la responsabilité civile des intervenants à la construction, prévue dès l'origine par le code civil, étant elle-même applicable à tout ouvrage sans restriction. C'est pourquoi, après une concertation approfondie et avis de la commission technique de l'assurance construction, instance consultative nationale à laquelle sont représentés l'ensemble des acteurs du système d'assurance construction, il n'a pas été jugé souhaitable de restreindre le champ de l'obligation d'assurance à une catégorie d'ouvrages limitée aux seuls bâtiments d'habitation. De la même façon, la loi du 4 janvier 1978 ne prévoit aucune limitation à la liberté contractuelle s'agissant de la rédaction des clauses des polices d'assurance ou des marchés de conception et de travaux du bâtiment, qui sont du ressort exclusif des parties. Elle garantit, en revanche l'accès à l'assurance, tant au constructeur qu'au maître d'ouvrage. Ces derniers peuvent, en cas de refus d'assurance, se voir désigner un assureur, sur intervention du bureau central de tarification, organisme public placé auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, afin que l'obligation d'assurance soit compensée, de la part des assureurs, par une obligation d'assurer, ce à un tarif fixé par cet organisme public. Les pouvoirs publics sont toutefois conscients des coûts de l'assurance obligatoire qui pèsent sur les intervenants aux opérations de construction de grande ampleur. Cette question a été prise en compte dans la mission d'audit confiée par le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer et le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie à l'inspection générale des finances et au conseil général des ponts et chaussées, pour faire un point complet sur l'assurance construction. La mission, qui vient de rendre son rapport, a procédé à l'étude détaillée des différents types de police d'assurance appliqués aux grands chantiers et en a tiré des développements qui sont à l'étude des services compétents. L'objectif poursuivi par le Gouvernement consiste, tout en préservant son caractère protecteur pour le maître d'ouvrage, qui est la raison d'être du régime d'assurance construction, à le rendre plus adaptable à la variété des situations concrètes auxquelles il s'applique, lesquelles vont de la construction d'un pavillon individuel au grand chantier à intervenants multiples. En raison de la nature essentiellement contractuelle des régimes d'assurance, les solutions auraient vocation à s'élaborer par la voie d'accords interprofessionnels, démarche à laquelle l'État apporterait son soutien et son concours.
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