Texte de la REPONSE :
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La ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance, avec intérêt, des questions relatives au statut de l'éléphant d'Afrique au regard de la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES). L'accroissement des populations humaines au xxe siècle en Afrique a entraîné la réduction progressive des habitats disponibles pour les éléphants. Les populations d'éléphants se sont concentrées dans des zones protégées, menant parfois localement à des surpopulations. Dans les années 1970, on a commencé à craindre un déclin sérieux des populations d'éléphants, mais les données fiables manquaient. Le programme de suivi alors mis en place a montré que le déclin a continué dans les années 1980 dans la plupart des pays d'Afrique de l'Est, de l'Ouest et du centre, alors qu'on constatait une stabilité voire un accroissement au Botswana, au Zimbabwe et en Afrique du Sud. L'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), le plus important réseau au monde en la matière, qui vise à conserver l'intégrité et la diversité de la nature et veille à ce que toute utilisation des ressources naturelles soit équitable et écologiquement durable. La fondation Nicolas Hulot, France Nature Environnement et WWF France en sont notamment membres. L'UICN établit tous les quatre ans un rapport sur l'état des populations d'éléphants en Afrique. Selon ces rapports, les effectifs d'éléphants auraient augmenté de plus de 100 000 individus entre 1998 et 2002, et de plus de 130 000 entre 1995 et 1998. Le déclin des populations d'éléphants d'Afrique semble donc enrayé, même si les situations sont très contrastées d'un pays à l'autre. Néanmoins, la situation reste très préoccupante et quatre types d'actions peuvent être menées. 1. La préservation de l'habitat : là où l'habitat disponible se restreint, se fragmente et empêche les migrations d'animaux, les populations d'éléphants diminuent, même en l'absence de braconnage ; la conservation de l'espèce passe donc d'abord par celle de son habitat ; par ailleurs, le rétablissement de corridors de migration est souvent une opération complexe parce qu'elle implique souvent plusieurs pays. 2. Le règlement des conflits hommes/éléphants ; les éléphants ravagent les cultures, détruisent les enclos, les infrastructures et les points d'eau, blessent le bétail et créent un climat d'insécurité dans certaines communautés villageoises ; ces communautés doivent être associées à la gestion des populations d'éléphants, indemnisées de leurs dommages et pouvoir tirer un avantage de leur présence. 3. Le contrôle des marchés intérieurs : toute action aidant les pays africains à contrôler le commerce de l'ivoire sur leur territoire diminuera les débouchés de l'ivoire illégaux et sera favorable à la conservation des éléphants. 4. La lutte contre le braconnage et le commerce international illégal ; en Afrique, le personnel chargé de la surveillance des réserves et des frontières manque souvent de moyens, de formation et d'appui politique pour appliquer la réglementation CITES : par ailleurs, les pays développés, souvent destinataires finaux des trafics, doivent renforcer leur surveillance et s'efforcer de démanteler les filières du commerce international illégal de l'ivoire. En 1989, l'éléphant d'Afrique a été inscrit à l'annexe I de la CITES (qui répertorie les espèces dont le commerce international est interdit), malgré l'opposition des États d'Afrique australe, chez lesquels la bonne gestion de l'espèce et de son habitat, reconnue par la CITES, avait conduit à une stabilisation ou à une augmentation des populations. La France fut l'un des principaux acteurs de l'adoption de cette interdiction du commerce de l'ivoire. Après deux tentatives infructueuses de l'Afrique australe pour transférer l'inscription de ses populations d'éléphants à l'annexe II de la CITES, un dialogue s'est instauré entre les divers pays africains concernés, à partir de 1996, aboutissant à une prise en compte graduelle des particularités de l'Afrique australe. En juin 1997, les populations d'éléphants du Botswana, de Namibie et du Zimbabwe furent inscrites à l'annexe II, ce qui permettait aussi en 1999 une vente expérimentale très encadrée des stocks gouvernementaux d'ivoire brut de ces trois pays à destination du Japon. En 2000, les populations d'éléphants d'Afrique du Sud furent elles aussi inscrites à l'annexe II de la CITES, mais sans que ce pays soit autorisé à exporter de l'ivoire. À la conférence des parties suivante (novembre 2002), le principe d'un second déstockage d'ivoire brut fut acté, mais il n'a pas encore eu lieu à ce jour. En effet, la concrétisation de cette vente reste subordonnée à la réalisation d'analyses permettant d'évaluer si le commerce international de l'ivoire a un impact sur le braconnage de l'éléphant. Ces analyses reposent sur les données enregistrées par deux outils progressivement mis en place suite à la décision de juin 1997 : MIKE, abréviation de Monitoring the Illegal Killing of Elephants (« suivi du braconnage de l'éléphant ») et ETIS, Elephant Trade Information System (« Système d'information sur le commerce des produits d'éléphants »). Le rapport ETIS de 2004 montre qu'aucune relation ne peut être établie entre le transfert des éléphants de l'annexe I vers l'annexe Il de la CITES et une reprise du braconnage. Par contre, ces études montrent que la reprise du braconnage est liée à l'existence de marchés intérieurs de l'ivoire non contrôlés, qui sont autant de débouchés pour l'ivoire illégal. L'analyse des saisies d'ivoire consignées par ETIS démontre que les véritables causes du braconnage de l'éléphant sont l'existence de marchés intérieurs non contrôlés et la faiblesse des contrôles et des institutions dans certains pays. Les saisies spectaculaires d'ivoire opérées en Asie ces derniers mois ne traduisent pas forcément une recrudescence du braconnage par rapport à la période 1991-1997, durant laquelle toutes les populations d'éléphants se trouvaient à l'annexe I de la CITES. Un rapport du secrétariat CITES datant de février 2007 précise que les services de lutte contre la fraude recherchent davantage le trafic d'ivoire, disposent de méthodes d'investigation plus sophistiquées et que les saisies sont mieux rapportées par les différents pays. Quelle que soit l'annexe CITES dont relève la population d'éléphants considérée, la convention interdit formellement les importations, exportations ou réexportations d'ivoire et impose des contrôles stricts en frontières. Les trafics ne sont possibles que parce que cette réglementation n'est pas appliquée par certains États. Re-transférer les populations d'éléphants d'Afrique australe à l'annexe I sanctionnerait les États qui, depuis vingt ans, se sont investis en faveur de l'utilisation durable des éléphants et de la sauvegarde de leurs habitats, luttent contre le braconnage et voient leurs populations d'éléphants augmenter, parfois dans des proportions telles qu'il devient indispensable de les réguler. Le transfert des populations d'éléphants d'Afrique australe à l'annexe I serait sans effet dans les pays qui, bien que parties à la CITES, n'en appliquent pas les dispositions et favorisent ainsi l'activité des trafiquants. Agir en faveur des éléphants d'Afrique doit donc se traduire par toute mesure favorisant la préservation de leur habitat, le règlement des conflits hommes/éléphants et une meilleure mise en oeuvre de la CITES, notamment au niveau réglementaire et par des contrôles plus efficaces. La France soutient et finance de nombreuses actions dans ce sens. La Commission européenne et le secrétariat général de la CITES partagent cette analyse. Comme en juin 2004, la déclaration d'Accra de 2006 résulte d'un symposium organisé par l'IFAW (Fonds international pour la protection des animaux), association qui milite en faveur du bien-être animal et contre tout usage des animaux. Les participants à ce symposium ont appelé leurs gouvernements respectifs à « préconiser une interdiction totale du commerce de l'ivoire et des produits dérivés de l'éléphant et le retour à l'annexe I de la CITES pour toutes les populations d'éléphants ». Ils semblent donc s'être exprimés à titre personnel, sans avoir reçu mandat pour engager leurs autorités nationales. Enfin, dans le fonctionnement de la CITES, il n'est plus admis qu'un pays du Nord fasse des propositions pour des espèces qui ne sont pas présentes sur son territoire. Une proposition concernant l'éléphant doit donc émaner d'un pays de l'aire de répartition de cette espèce. Dans la perspective de la prochaine conférence des parties, qui se tiendra aux Pays-Bas en juin 2007, les États africains semblent encore une fois partagés, l'Afrique australe et la Tanzanie souhaitant écouler les stocks d'ivoire issus de la mortalité naturelle de leurs éléphants, tandis que le Kenya et le Mali proposent un moratoire de vingt ans sur tout commerce de l'ivoire. Un tel moratoire, qui serait contre-productif par rapport au but recherché, n'est pas acceptable, car il est basé sur des postulats contraires aux décisions internationales votées lors des 12e et 13e conférences des parties, contraires au principe d'utilisation durable sur lequel repose le fonctionnement de la CITES et contraires aux droits souverains des parties de proposer des amendements aux annexes I et Il de la convention. Aussi, malgré les intentions généreuses des associations qui prônent l'arrêt de tout commerce concernant les éléphants d'Afrique, il ne semble pas opportun, dans la situation telle que nous la connaissons, que la France demande le transfert de cette espèce en annexe I de la CITES pour les quatre pays concernés, ni qu'elle soutienne un moratoire sur le commerce de l'ivoire. D'autres actions en faveur de l'éléphant peuvent être menées avec l'appui des associations, opérations qui ont déjà fait la preuve de leur efficacité sur le terrain.
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