Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que la prévention de la récidive est au centre des préoccupations du ministère de la justice. Le mécanisme juridique consistant à instaurer une criminalisation ou une correctionnalisation automatique des délits ou des contraventions commises en état de récidive légale pour la troisième fois existe déjà en droit positif. L'article 132-11, alinéa 2, du code pénal prévoit ainsi que certaines contraventions de cinquième classe constituent un délit lorsqu'elles sont commises en récidive. Tel est le cas de l'article L. 413-1 du code de la route qui érige en délit la récidive de la contravention sanctionnant un dépassement de la vitesse maximale autorisée égal ou supérieur à 50 kilomètres à l'heure. En matière délictuelle, si le code pénal ne prévoit pas un mécanisme comparable d'aggravation de la qualification pénale, le mécanisme d'aggravation de la peine encourue peut produire des effets comparables. Ainsi, aux termes de l'article 132-9, alinéa 1er, du code pénal, lorsqu'une personne physique a déjà été condamnée pour un crime ou pour un délit puni de dix ans d'emprisonnement, la peine qu'elle encourt en cas de commission, dans un délai de dix ans, d'un nouveau délit puni d'une peine de dix ans d'emprisonnement est doublée. Dans pareil cas, cette personne, tout en restant juridiquement coupable d'un délit commis en état de récidive légale, est punie par une peine de prison dont le quantum - vingt ans - est de nature criminelle. La généralisation du mécanisme d'aggravation de la qualification en cas de commission d'une infraction en état de récidive légale n'offre donc pas de réel intérêt puisque l'état du droit positif - fondé sur une aggravation de la peine encourue - permet déjà de produire des effets similaires. L'adoption d'un tel mécanisme répressif aboutirait en outre à remettre en cause les règles de principe relatives à la répression de la récidive, telle qu'elles ont été adoptées lors de la préparation du nouveau code pénal entré en vigueur le 1er mars 1994. La coexistence d'un mécanisme d'aggravation de la qualification et d'un mécanisme d'aggravation de la peine constituerait un facteur inutile de complexification de la règle de droit. De surcroît, sa généralisation en matière contraventionnelle nécessiterait la remise en cause du principe de l'exclusion de toutes les contraventions des quatre premières classes, du champ de la récidive. Il convient d'ailleurs de rappeler que la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a correctionnalisé deux contraventions très courantes qu'étaient la conduite d'un véhicule sans permis et la conduite d'un véhicule sans assurance. Le législateur a ainsi démontré qu'il était possible d'aggraver la répression de certains comportements sans remettre en cause l'architecture d'ensemble du droit pénal français. Dans le même sens, la loi n° 2005-1549 du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales a complété le code pénal par des dispositions ayant pour objet d'élargir les champs d'application de la récidive, du mandat de dépôt ou du suivi socio-judiciaire et de restreindre le domaine des peines prononcées avec sursis simple ou probatoire. L'adoption de nouveaux outils juridiques a d'ailleurs eu lieu sans compromettre la logique d'ensemble du code pénal en matière de lutte contre la récidive : la surveillance judiciaire, applicable aux personnes dangereuses condamnées pour certaines infractions à au moins dix ans d'emprisonnement et qui, après leur libération, permet le suivi de ces personnes par le juge de l'application des peines, pour une durée égale aux réductions de peine dont elles ont bénéficié, a été conçue comme une modalité d'exécution de la peine ; le placement sous surveillance électronique mobile a été pensé comme une modalité de la peine de suivi socio-judiciaire, d'une mesure de surveillance judiciaire ou d'une mesure de libération conditionnelle. En conclusion, le garde des sceaux souhaite appeler l'attention de l'honorable parlementaire sur le caractère très complet des mécanismes juridiques destinés à lutter contre la récidive ainsi que sur la nécessité d'appliquer pleinement les dispositions issues de la loi du 12 décembre 2005 avant d'envisager de nouvelles innovations qui devront, en toute hypothèse, respecter la cohérence de l'édifice juridique existant.
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