FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1106  de  M.   Renucci Simon ( Socialiste - Corse-du-Sud ) QOSD
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  08/03/2005  page :  2271
Réponse publiée au JO le :  09/03/2005  page :  1708
Rubrique :  droits de l'homme et libertés publiques
Tête d'analyse :  lutte contre le racisme
Analyse :  Corse. statistiques
Texte de la QUESTION : M. Simon Renucci attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les propos que les médias ont prêté au Gouvernement au sujet du nombre d'actes racistes commis en Corse à la fin de l'année dernière. II aurait été affirmé, de source gouvernementale, que la moitié des actes perpétrés France à la fin de l'année 2004 l'auraient été en Corse. Le 15 novembre dernier, il lui écrivait, étonné et choqué comme de très nombreux habitants de la Corse par de tels propos. Il lui demande donc à nouveau de lui faire part de sa position officielle et de lui communiquer les statistiques en la matière.
Texte de la REPONSE :

NOMBRE D'ACTES RACISTES COMMIS EN CORSE

M. le président. La parole est à M. Simon Renucci, pour exposer sa question, n° 1106.
M. Simon Renucci. Le 15 novembre dernier, j'écrivais au ministre de l'intérieur, étonné et choqué par l'accumulation des commentaires des médias à propos du nombre d'actes racistes commis en Corse. Prétendant rapporter des propos d'origine gouvernementale, les médias affirmaient que la moitié des actes racistes perpétrés en France avaient lieu en Corse, alors que pour nous, un seul acte raciste est toujours de trop. Cette stigmatisation, vous le comprendrez, madame la ministre déléguée à l'intérieur, a choqué de nombreux habitants de l'île, atteints dans leur dignité.
Au cours du second semestre de l'année dernière, des actes racistes revendiqués ont été, c'est vrai, perpétrés en Corse. Comme tous les habitants de l'île, je les ai condamnés. Un groupuscule a été démantelé, des individus ont été arrêtés, ignorant l'histoire d'une terre qui a su protéger des populations ailleurs pourchassées, par exemple pendant la seconde guerre mondiale. Dans leur immense majorité les Corses continuent de faire vivre au quotidien ces valeurs de fraternité et d'hospitalité. Avec leurs élus, ils restent particulièrement sensibles à cette question et ne manquent jamais de manifester leur indignation quand de tels actes sont commis.
Ainsi le 23 octobre dernier, précédant celles du continent, de nombreuses manifestations ont été organisées sur l'île pour exprimer le refus de toute forme de racisme. Par mon intermédiaire, Ajaccio a été l'une des premières villes à s'engager par des manifestations citoyennes au cours de l'année 2004 et à signer la charte de la fraternité. Expérience inédite en France, à la fin de l'année dernière, à l'initiative de M. le préfet de Corse et de certains élus, toute la Corse s'est mobilisée pour une semaine de la fraternité avec, pour fil rouge, une campagne de sensibilisation dans la totalité des cinquante-trois collèges et lycées de l'île.
Par ailleurs, des initiatives associatives, publiques et privées, témoignent partout de l'attachement des Corses aux valeurs d'égalité, de fraternité, d'hospitalité mais aussi de laïcité. Tout cela, vous en conviendrez, explique bien le sentiment d'incompréhension de nos concitoyens qui se sentent injustement stigmatisés. Notre vigilance est permanente.
Le comité interministériel de lutte contre le racisme et l'antisémitisme du 17 janvier dernier l'a bien montré : c'est dans toute la France que le nombre d'actes racistes et antisémites a atteint un niveau élevé, trop élevé, au cours de l'année 2004. Je vous remercie, madame la ministre, de me faire connaître les chiffres précis et votre position concernant cette question qui nous tient particulièrement à coeur.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée à l'intérieur.
Mme Marie-Josée Roig, ministre déléguée à l'intérieur. Monsieur le député, votre question porte sur le sujet ô combien sensible et douloureux de la recrudescence des actes à caractère antisémite et raciste sur le territoire national, notamment en Corse. Je tiens tout d'abord à rappeler que le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales a fait de cette question l'un de ses six chantiers prioritaires, dont l'étude a été confiée à M. Jean-Christophe Rufin.
La Corse connaît, depuis les années soixante-dix, une violence de forte intensité, d'inspiration nationaliste mais aussi de droit commun, la frontière entre ces deux mobiles étant parfois difficile à établir, comme l'ont montré certaines enquêtes judiciaires.
Bien que les crimes et délits constatés en région Corse par les services de police et les unités de gendarmerie aient enregistré une baisse de 10,04 % au cours de l'année 2004, il est malheureusement exact que les actions menées contre la communauté maghrébine progressent. En 2004, 116 actes à caractère raciste ou xénophobe - attentats à l'explosif, incendies criminels, dégradations importantes, violences volontaires, menaces -, dont 92 dirigés contre la communauté maghrébine, ont été perpétrés en Corse. Au cours de cette même période, l'ensemble des actions racistes ou xénophobes commises sur le territoire métropolitain s'est élevé à 596, dont 436 ont visé la communauté maghrébine. Voilà pour les chiffres que vous me demandiez, monsieur le député.
Les sources de cette hostilité, qui touche les communautés d'origine étrangère d'une manière générale et celles originaires du Maghreb en particulier, restent parfois difficiles à cerner : règlements de comptes, rivalités associatives, lutte contre le trafic de drogue, vengeance privée, racket, violence politique nationaliste. Toutefois, quelles que soient leurs motivations, ceux qui commettent ces actes doivent compter sur une ferme détermination des pouvoirs publics. En tout cas je peux vous assurer que le ministère de l'intérieur est mobilisé tant sur le terrain de la prévention du racisme et de la xénophobie, que sur celui de la lutte contre toutes ses manifestations, pour l'identification et l'interpellation des auteurs.
Ainsi, dans le cadre d'une vaste enquête relative à six attentats par explosif à caractère raciste, perpétrés depuis le 19 mars 2004 en Haute-Corse par le groupe terroriste Clandestini Corsi, les services de la police judiciaire ont procédé, depuis le 15 novembre 2004, à l'interpellation de vingt-sept personnes : treize d'entre elles sont écrouées et deux sont placées sous contrôle judiciaire.
D'autres enquêtes ont conduit à l'interpellation, par les services de sécurité, depuis le début de l'année 2005, des auteurs des dégradations commises au mois de décembre 2004 contre les véhicules de Maghrébins et le local de l'association Union des Marocains de Balagne à Île-Rousse. Plusieurs mineurs, dont certains très jeunes, ont été mis en cause dans le cadre de ces affaires.
Le 15 janvier 2004, à Porto-Vecchio, les gendarmes ont interpellé l'auteur de dégradations volontaires, commises à l'aide d'un objet contondant, sur huit véhicules appartenant à des personnes d'origine étrangère.
Par ailleurs, pour favoriser une meilleure réponse pénale, la loi du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, a créé une nouvelle circonstance aggravante lorsque l'infraction s'accompagne de propos ou d'actes portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime en raison de son origine, sa race ou sa religion.
Comme vous pouvez le constater, notre détermination est totale en la matière. J'ajoute que ce combat doit être poursuivi avec l'engagement de tous : autorités de l'État, mais aussi élus et population locale. Je sais d'ailleurs votre implication dans cette lutte, monsieur le député.

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