FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1112  de  M.   Demilly Stéphane ( Union pour la Démocratie Française - Somme ) QOSD
Ministère interrogé :  agriculture, alimentation et pêche
Ministère attributaire :  agriculture, alimentation et pêche
Question publiée au JO le :  08/03/2005  page :  2272
Réponse publiée au JO le :  09/03/2005  page :  1715
Rubrique :  énergie et carburants
Tête d'analyse :  biocarburants
Analyse :  perspectives
Texte de la QUESTION : M. Stéphane Demilly attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité sur le développement des huiles végétales pures (HVP) dans le cadre du plan « biocarburants » annoncé par le Premier ministre le 7 septembre 2004. En effet, à côté des deux filières principales et indispensables que sont le bioéthanol et le biodiesel, la filière des HVP semble également prometteuse. Leur bilan écologique, excellent, a été établi par une étude de l'Ademe de novembre 2002. Leur incorporation à hauteur de 5 % en additif au gazole est d'ores et déjà techniquement possible, et des équipementiers allemands commercialisent des kits de conversion permettant d'aller jusqu'à 100 %. En Allemagne, les HVP sont d'ailleurs exonérées à 100 % de TIPP. En France cependant, l'utilisation des HVP comme carburant n'est autorisée ni sur une exploitation agricole par les agriculteurs eux-mêmes, sur la route. Il souhaite donc savoir si le Gouvernement est favorable à une évolution de la législation actuelle permettant de développer l'HVP comme une filière biocarburant à part entière.
Texte de la REPONSE :

PLACE DES HUILES VEGETALES PURES
DANS LE PLAN BIOCARBURANTS

M. le président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour exposer sa question, n° 1112, relative à la place des huiles végétales pures dans le plan biocarburants.
M. Stéphane Demilly. Monsieur le président, j'associe à ma question mes collègues Hervé Morin et Jean Dionis du Séjour.
Monsieur le ministre de l'agriculture, vous le savez, les députés ont donné une très forte impulsion législative au dossier " biocarburants ", lors de l'examen en première lecture du projet de loi d'orientation sur l'énergie, au printemps 2004. Le Premier ministre lui-même a annoncé le 7 septembre 2004, lors de sa visite de l'usine Diester Industrie, à Compiègne, le lancement d'un important plan de développement des " carburants verts " en France. L'objectif est de tripler la production actuelle d'ici à 2007, pour éviter l'émission de 3 millions de tonnes de CO2 tout en créant 6 000 emplois.
Alors que le protocole de Kyoto sur le changement climatique, ratifié par la France, vient d'entrer en vigueur, le 16 février dernier, cet objectif prend une dimension particulièrement stratégique. Les biocarburants sont, en effet, le seul moyen immédiatement efficace de réduire significativement les émissions de gaz à effet de serre dans le secteur des transports.
Toutefois, à côté des deux filières principales que sont le bioéthanol et le biodiesel, dont le développement est indispensable, il existe une autre filière qui semble présenter un réel potentiel : celle des huiles végétales pures - HVP.
Les HVP, rappelons-le, sont extraites par première pression à froid des graines de tournesol ou de colza et sont directement utilisables comme carburant ou additif pour les moteurs diesel. Leurs avantages semblent nombreux : absence totale de toxicité pour l'environnement et la santé ; excellent bilan écologique du point de vue des gaz à effet de serre ; absence de soufre ; caractère biodégradable, ininflammable et non évaporable. Ces avantages ont été démontrés par une étude commandée par l'ADEME en novembre 2002.
Tous les véhicules, qu'il s'agisse de voitures particulières, de camions, de tracteurs ou de bus, peuvent accepter sans difficulté 5 % d'HVP en additif au gazole, et des équipementiers allemands commercialisent déjà des kits de conversion permettant de rouler à l'HVP à 100 %. Ce n'est pas vraiment nouveau : Rudolph Diesel lui-même, l'inventeur du moteur à combustion interne, le faisait déjà il y a cent ans !
L'HVP peut ainsi techniquement être utilisée par les agriculteurs eux-mêmes pour leurs engins, bien sûr, mais aussi en tant que carburant pour les particuliers. C'est ainsi que, dans sa décision du 18 février 2004, la Commission européenne a autorisé l'Allemagne à exonérer totalement de TIPP les biocarburants, les HVP étant officiellement reconnues comme en faisant partie intégrante.
La filière des HVP est donc prometteuse.
Pourtant, à l'heure actuelle, en France, leur utilisation comme carburant n'est pas autorisée, ni sur une exploitation agricole ni sur la route, et un agriculteur du Lot-et-Garonne est aujourd'hui inquiété par la justice pour avoir développé sa propre production !
Ma question, monsieur le ministre, est donc simple : considérant les nombreux avantages des HVP, et considérant l'exemple allemand, le Gouvernement est-il favorable à une évolution de la législation actuelle permettant de développer l'huile végétale pure comme une filière de biocarburants à part entière ? Votre réponse est très attendue du monde agricole, ainsi que des députés membres du groupe d'études sur les biocarburants, que j'ai l'honneur de présider.
M. Michel Hunault. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Monsieur le député, je vous remercie de me poser cette question, très importante, en effet, qui est traitée par votre groupe d'études. Il est exact que, dans la région Picardie, le Premier ministre a annoncé un programme " biocarburants ", dont il a précisé récemment les volumes : 320 000 tonnes pour la filière éthanol, 480 000 tonnes pour la filière diester. Ce plan, qui courra jusqu'en 2007, devrait nous faire parvenir à l'objectif des 5,65 % fixé par les accords de Kyoto et être poursuivi dans les années à venir. Il s'agit, en réalité, d'un objectif de triplement de notre production. Le groupe UDF, au cours de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, à laquelle je participais en tant que ministre chargé du budget, avait d'ailleurs présenté d'importants amendements qui ont permis de faire avancer les choses.
Pour ce qui concerne les huiles végétales pures, objet de votre question, leur emploi pour la carburation ou la combustion serait bienvenu dans le cadre du développement d'un circuit court de production, où l'agriculteur produirait sur son exploitation une partie de l'énergie dont il a besoin.
Ces huiles ont fait l'objet jusqu'en 1998 de nombreux programmes de recherche conduits par l'ADEME, l'INRA et des FNCUMA, fédérations nationales des coopératives d'utilisation de matériel agricole, incluant des expérimentations sur tracteurs et brûleurs de chaudières.
Plusieurs éléments, que vous avez rappelés, plaident en leur faveur. Leur rendement énergétique est favorable par rapport au gazole. Leur gain environnemental est également positif pour cette filière par rapport au gazole. Cependant, selon les spécialistes, certains aspects environnementaux et techniques méritent encore examen : les émissions de combustion autres que le CO2 ; les modifications techniques pour les moteurs de tracteurs à injection indirecte - préchauffage, etc. - et directe - têtes de pistons. Enfin, aucune référence n'existe actuellement pour vérifier la compatibilité de ces huiles avec les systèmes d'injection à haute pression.
Sur le plan économique, l'autoproduction en agriculture permettrait d'assurer une certaine autonomie énergétique à l'exploitation, et diminuerait le coût du poste énergie dans ses comptes. Néanmoins la production d'huiles végétales pures nécessite des investissements liés aux opérations de trituration, de filtrage et de stockage des produits et à la modification des moteurs.
La consommation des huiles pures en mélange ou en substitution du carburant agricole donne lieu au versement de la taxe intérieure de consommation pour un montant de 5,66 euros par hectolitre. Elle ne bénéficie donc pas, aujourd'hui, de réduction partielle de l'accise.
Pour résumer clairement la position du Gouvernement, il considère aujourd'hui que toutes les conditions d'utilisation ne sont pas réunies. Cela étant, en tant que ministre de l'agriculture, je suis, personnellement, très intéressé par votre proposition. Comme nous sommes en train de préparer la loi d'orientation agricole, nous travaillons sur ces questions, au niveau interministériel. Lorsque nous la présenterons, dans quelques semaines, nous aurons, je pense suffisamment progressé pour pouvoir proposer des mesures dans ce domaine.
Globalement, dans le cadre de la loi d'orientation agricole, nous insisterons sur l'importance de la valorisation de toute la biomasse et des bioénergies. Enfin, nous travaillons au niveau européen à un mémorandum sur les matières premières renouvelables.
Vous pouvez donc, monsieur Demilly, être assuré de la volonté du Gouvernement de développer les bioénergies dans leur ensemble. S'agissant des huiles pures végétales, je prends l'engagement de vous donner une réponse relative à des mesures concrètes, dans les semaines à venir, et au moment du débat sur la loi d'orientation agricole, qui devrait, du moins je l'espère, débuter avant la fin de la présente session parlementaire.
M. Stéphane Demilly. Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. le président. Nous allons marquer une pause dans nos travaux.

UDF 12 REP_PUB Picardie O