Texte de la REPONSE :
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PLACE DES HUILES VEGETALES PURES DANS LE PLAN BIOCARBURANTS M. le
président. La parole est à M. Stéphane Demilly, pour exposer sa
question, n° 1112, relative à la place des huiles végétales pures dans le plan
biocarburants. M. Stéphane
Demilly. Monsieur le président, j'associe à ma question mes collègues
Hervé Morin et Jean Dionis du Séjour. Monsieur le
ministre de l'agriculture, vous le savez, les députés ont donné une très forte
impulsion législative au dossier " biocarburants ", lors de l'examen en première
lecture du projet de loi d'orientation sur l'énergie, au printemps 2004. Le
Premier ministre lui-même a annoncé le 7 septembre 2004, lors de sa visite de
l'usine Diester Industrie, à Compiègne, le lancement d'un important plan de
développement des " carburants verts " en France. L'objectif est de tripler la
production actuelle d'ici à 2007, pour éviter l'émission de 3 millions de tonnes
de CO2 tout en créant 6 000 emplois. Alors que le
protocole de Kyoto sur le changement climatique, ratifié par la France, vient
d'entrer en vigueur, le 16 février dernier, cet objectif prend une dimension
particulièrement stratégique. Les biocarburants sont, en effet, le seul moyen
immédiatement efficace de réduire significativement les émissions de gaz à effet
de serre dans le secteur des transports. Toutefois, à
côté des deux filières principales que sont le bioéthanol et le biodiesel, dont
le développement est indispensable, il existe une autre filière qui semble
présenter un réel potentiel : celle des huiles végétales pures - HVP. Les HVP, rappelons-le, sont extraites par première pression
à froid des graines de tournesol ou de colza et sont directement utilisables
comme carburant ou additif pour les moteurs diesel. Leurs avantages semblent
nombreux : absence totale de toxicité pour l'environnement et la santé ;
excellent bilan écologique du point de vue des gaz à effet de serre ; absence de
soufre ; caractère biodégradable, ininflammable et non évaporable. Ces avantages
ont été démontrés par une étude commandée par l'ADEME en novembre 2002. Tous les véhicules, qu'il s'agisse de voitures
particulières, de camions, de tracteurs ou de bus, peuvent accepter sans
difficulté 5 % d'HVP en additif au gazole, et des équipementiers allemands
commercialisent déjà des kits de conversion permettant de rouler à l'HVP à 100
%. Ce n'est pas vraiment nouveau : Rudolph Diesel lui-même, l'inventeur du
moteur à combustion interne, le faisait déjà il y a cent ans ! L'HVP peut ainsi techniquement être utilisée par les
agriculteurs eux-mêmes pour leurs engins, bien sûr, mais aussi en tant que
carburant pour les particuliers. C'est ainsi que, dans sa décision du 18 février
2004, la Commission européenne a autorisé l'Allemagne à exonérer totalement de
TIPP les biocarburants, les HVP étant officiellement reconnues comme en faisant
partie intégrante. La filière des HVP est donc
prometteuse. Pourtant, à l'heure actuelle, en France,
leur utilisation comme carburant n'est pas autorisée, ni sur une exploitation
agricole ni sur la route, et un agriculteur du Lot-et-Garonne est aujourd'hui
inquiété par la justice pour avoir développé sa propre production ! Ma question, monsieur le ministre, est donc simple :
considérant les nombreux avantages des HVP, et considérant l'exemple allemand,
le Gouvernement est-il favorable à une évolution de la législation actuelle
permettant de développer l'huile végétale pure comme une filière de
biocarburants à part entière ? Votre réponse est très attendue du monde
agricole, ainsi que des députés membres du groupe d'études sur les
biocarburants, que j'ai l'honneur de présider. M. Michel Hunault. Très bien ! M. le président. La
parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et
de la ruralité. M. Dominique
Bussereau, ministre de l'agriculture, de
l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Monsieur le député, je vous
remercie de me poser cette question, très importante, en effet, qui est traitée
par votre groupe d'études. Il est exact que, dans la région Picardie, le Premier
ministre a annoncé un programme " biocarburants ", dont il a précisé récemment
les volumes : 320 000 tonnes pour la filière éthanol, 480 000 tonnes pour la
filière diester. Ce plan, qui courra jusqu'en 2007, devrait nous faire parvenir
à l'objectif des 5,65 % fixé par les accords de Kyoto et être poursuivi dans les
années à venir. Il s'agit, en réalité, d'un objectif de triplement de notre
production. Le groupe UDF, au cours de la discussion du projet de loi de
finances pour 2005, à laquelle je participais en tant que ministre chargé du
budget, avait d'ailleurs présenté d'importants amendements qui ont permis de
faire avancer les choses. Pour ce qui concerne les huiles
végétales pures, objet de votre question, leur emploi pour la carburation ou la
combustion serait bienvenu dans le cadre du développement d'un circuit court de
production, où l'agriculteur produirait sur son exploitation une partie de
l'énergie dont il a besoin. Ces huiles ont fait l'objet
jusqu'en 1998 de nombreux programmes de recherche conduits par l'ADEME, l'INRA
et des FNCUMA, fédérations nationales des coopératives d'utilisation de matériel
agricole, incluant des expérimentations sur tracteurs et brûleurs de
chaudières. Plusieurs éléments, que vous avez rappelés,
plaident en leur faveur. Leur rendement énergétique est favorable par rapport au
gazole. Leur gain environnemental est également positif pour cette filière par
rapport au gazole. Cependant, selon les spécialistes, certains aspects
environnementaux et techniques méritent encore examen : les émissions de
combustion autres que le CO2 ; les modifications techniques pour les moteurs de
tracteurs à injection indirecte - préchauffage, etc. - et directe - têtes de
pistons. Enfin, aucune référence n'existe actuellement pour vérifier la
compatibilité de ces huiles avec les systèmes d'injection à haute pression. Sur le plan économique, l'autoproduction en agriculture
permettrait d'assurer une certaine autonomie énergétique à l'exploitation, et
diminuerait le coût du poste énergie dans ses comptes. Néanmoins la production
d'huiles végétales pures nécessite des investissements liés aux opérations de
trituration, de filtrage et de stockage des produits et à la modification des
moteurs. La consommation des huiles pures en mélange ou
en substitution du carburant agricole donne lieu au versement de la taxe
intérieure de consommation pour un montant de 5,66 euros par hectolitre. Elle ne
bénéficie donc pas, aujourd'hui, de réduction partielle de l'accise. Pour résumer clairement la position du Gouvernement, il
considère aujourd'hui que toutes les conditions d'utilisation ne sont pas
réunies. Cela étant, en tant que ministre de l'agriculture, je suis,
personnellement, très intéressé par votre proposition. Comme nous sommes en
train de préparer la loi d'orientation agricole, nous travaillons sur ces
questions, au niveau interministériel. Lorsque nous la présenterons, dans
quelques semaines, nous aurons, je pense suffisamment progressé pour pouvoir
proposer des mesures dans ce domaine. Globalement, dans
le cadre de la loi d'orientation agricole, nous insisterons sur l'importance de
la valorisation de toute la biomasse et des bioénergies. Enfin, nous travaillons
au niveau européen à un mémorandum sur les matières premières renouvelables. Vous pouvez donc, monsieur Demilly, être assuré de la
volonté du Gouvernement de développer les bioénergies dans leur ensemble.
S'agissant des huiles pures végétales, je prends l'engagement de vous donner une
réponse relative à des mesures concrètes, dans les semaines à venir, et au
moment du débat sur la loi d'orientation agricole, qui devrait, du moins je
l'espère, débuter avant la fin de la présente session parlementaire. M. Stéphane Demilly. Je
vous remercie, monsieur le ministre. M. le président. Nous allons marquer une pause dans
nos travaux.
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