Texte de la QUESTION :
|
M. Pierre Morel-A-L'Huissier attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les détenus atteints de maladies psychiatriques. Selon le Comité consultatif national d'éthique, quelque 20 % de la population carcérale nécessiteraient des soins spécifiques. C'est ainsi que 12 000 détenus environ souffrent de maladies mentales graves, dont 4 000 schizophrènes. Au début des années 1980, le taux d'irresponsabilité pénale pour cause de maladie mentale était de 17 %, il est passé à 0,17 % en 1997, selon le comité. Aussi, il souhaiterait savoir quelles mesures il entend prendre pour assurer une meilleure prise en charge médicale de ces détenus, qui doivent parfois attendre de longs mois avant de bénéficier d'une consultation.
|
Texte de la REPONSE :
|
Le garde des sceaux, ministre de la justice, informe l'honorable parlementaire qu'il partage sa préoccupation quant à la situation des détenus souffrant de troubles psychiatriques et à l'offre de soins qui leur est proposée. Il convient de rappeler que depuis 1977, la prise en charge psychiatrique des détenus est assurée par les établissements de santé et a été généralisée en 1986 par la création des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire et la mise en place des services médico-psychologiques régionaux (SMPR). Puis la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 a ensuite transféré au service public hospitalier l'ensemble de la prise en charge sanitaire des personnes écrouées. Dans chaque région pénitentiaire, un ou plusieurs secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire, placés sous l'autorité d'un psychiatre hospitalier, sont rattachés à un établissement public de santé ou à un établissement de santé privé admis à participer à l'exécution du service public hospitalier. Chacun de ces secteurs comporte notamment un service médico-psychologique régional aménagé dans un établissement pénitentiaire, étant précisé que le nombre des SMPR s'élève à 26. Quant à l'hospitalisation en établissement de santé, en application de l'article D. 398 du code de procédure pénale, elle ne peut actuellement être réalisée que sous le régime de l'hospitalisation d'office, dans des établissements habilités à recevoir des patients hospitalisés sans consentement. L'accès aux soins et la diversité de l'offre de soins sont variables selon les établissements pénitentiaires. La capacité globale des 26 SMPR s'élève à 360 lits et places, ce qui permet d'assurer essentiellement une prise en charge de jour. Seuls 2 SMPR disposent d'une couverture paramédicale nocturne. Dans les autres cas, les patients détenus sont simplement hébergés de nuit. D'une manière générale, si ce dispositif sanitaire a considérablement amélioré l'accès à l'offre de soins aux détenus, il se révèle néanmoins insuffisant en matière de prise en charge des troubles mentaux, compte tenu de l'ampleur des besoins. De ce fait, la loi de programmation et d'orientation pour la justice du 9 septembre 2002 a créé des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour accueillir en établissements de santé l'ensemble des hospitalisations pour troubles mentaux de personnes écrouées, qu'elles soient consentantes ou non. De plus, les données définitives de l'étude épidémiologique menée sous la direction du professeur Falissard, tout en relativisant les données présentées en 2004 qui portaient sur la base d'un échantillon de 800 patients et non sur l'ensemble de la population pénale, n'en demeurent pas moins inquiétantes. On peut considérer à partir de l'enquête que les troubles psychiatriques les plus importants sont constitués par ceux dont le niveau de gravité est élevé pour un diagnostic concordant émis simultanément et indépendamment par les deux praticiens. Les résultats constituent donc les chiffres minimum pour lesquels un trouble mental est indiscutable : 3,8 % des détenus souffrent d'une schizophrénie nécessitant un traitement, soit environ quatre fois plus qu'en population générale, 17,9 % présentent un état dépressif majeur, soit quatre à cinq fois le taux en population générale et 12 % souffrent d'anxiété généralisée. Ces résultats préoccupants imposent de répondre au mieux aux différentes causes possibles de cette situation. Ainsi, le nombre élevé de pathologies mentales, en particulier de schizophrénies sévères, nécessite une réflexion sur l'expertise psychiatrique. Il a donc été confié à la Fédération française de psychiatrie l'organisation d'une conférence de consensus sur ce sujet qui s'est tenu les 25 et 26 janvier 2007. S'agissant plus particulièrement de l'offre de soins, le ministère de la santé a jugé opportun de renforcer la prise en charge psychiatrique en permettant une présence accrue de psychologues dans les équipes psychiatriques intervenant auprès des patients détenus dans le cadre général fixé par les orientations du plan psychiatrie et santé mentale. Au-delà, il a été convenu d'améliorer les conditions d'hospitalisation plein temps des patients détenus en lançant une première tranche de 460 lits d'hospitalisation au sein d'unités d'hospitalisation spécialement aménagées (UHSA) dans les hôpitaux. Cette première étape qui doit porter ses effets dès 2008 sera prolongée en 2010 par une seconde tranche de 245 lits supplémentaires, portant ainsi à 17 le nombre d'UHSA.
|