Texte de la QUESTION :
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M. Bernard Madrelle souhaite attirer l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les risques inhérents à la réforme de la justice prud'homale inscrite dans le projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié. Plusieurs décrets d'application sont annoncés, dont trois au moins devraient être pris en Conseil d'État, afin d'encadrer les vacations prud'homales soumises à indemnités. En particulier, l'étude des dossiers et la préparation des audiences seraient soumis à forfaitisation, le temps de rédaction du jugement définitif étant limité à trois heures. Un tel plafonnement est incompatible avec la qualité de la justice rendue par les magistrats non professionnels que sont les juges prud'homaux et dénote soit une méconnaissance des tâches qui leur sont dévolues, soit une volonté délibérée de restreindre leurs activités. L'article 30 du projet de loi, supprimé lors de l'examen par l'Assemblée nationale, a été rétabli par le Sénat. La réforme des juridictions prud'homales ne doit pas s'accomplir à la sauvette, au hasard d'un « cavalier » législatif examiné à la hâte dans le cadre d'une procédure d'urgence. En conséquence, il lui demande de suspendre la mise en application de ce dispositif et de reprendre la négociation avec le Conseil supérieur de la prud'homie.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que le régime juridique de l'indemnisation des conseillers prud'hommes reposait sur des textes anciens dont l'interprétation avait pu conduire à des pratiques hétérogènes sur l'ensemble du territoire et à une évolution des dépenses difficilement maîtrisable. Plusieurs missions ont abordé les difficultés soulevées par le régime actuellement applicable à l'indemnisation des conseillers prud'hommes. Ainsi, le procureur général honoraire Henri Desclaux, dans un rapport du 5 octobre 2005, a mis en exergue des durées moyennes résultant de rencontres et d'échanges avec toutes les parties prenantes à l'activité des conseils de prud'hommes. Dans le prolongement de ce rapport, un projet de loi et deux projets de décrets ont été rédigés qui prévoient un système d'indemnisation reposant sur l'activité réelle des conseillers en matière de temps de rédaction des décisions. Les dispositions législatives, incluses dans l'article 51 de la loi sur la participation des salariés, ont été votées le 30 décembre 2006. Le projet de décret qui s'est appuyé sur le rapport précité pour déterminer les durées moyennes de rédaction des décisions rendues par les conseillers prud'hommes (trente minutes pour un procès-verbal, une heure pour une ordonnance et trois heures pour un jugement), précise néanmoins qu'un dépassement de ces durées est possible lorsque la complexité du dossier, le nombre de parties à l'audience et la multiplicité des chefs de demande le justifient. Ainsi, il a été tenu compte des observations formulées par les partenaires sociaux à l'occasion du Conseil supérieur de la prud'homie du 5 mai 2006, et le caractère « exceptionnel » des dépassements a été supprimé. Sauf à ne pas résoudre les difficultés mises en évidence par le rapport Desclaux, le projet de décret privilégie la seule solution juridiquement incontestable qui est de confier à la formation de jugement la détermination du temps de rédaction lorsque les temps communément nécessaires sont insuffisants. Dès lors, deux modes d'indemnisation se superposent selon le temps de rédaction nécessaire : un mode déclaratif reposant sur le seul conseiller rédacteur jusqu'à un certain seuil ; un mode délibératif reposant sur la formation de jugement au-delà de ce seuil. Par ailleurs, outre la question des durées de rédaction, les projets de textes réglementaires permettent l'indemnisation d'un plus grand nombre d'activités, autorisent la rédaction des décisions à l'extérieur des conseils de prud'hommes, augmentent de 15 % le taux de vacation et améliorent la prise en charge des frais de déplacements. Cependant, malgré la concertation qui a eu lieu et les importantes modifications qui en ont résulté, ces textes d'application suscitent encore des réactions d'incompréhension et de doute, en particulier sur la capacité des formations de jugement à s'entendre pour autoriser les dépassements justifiés par la complexité de certaines affaires. Aussi, les deux ministres concernés se sont accordés pour demander au directeur général du travail et au directeur des services judiciaires de poursuivre la réflexion avec le Conseil supérieur de la prud'homie et proposer des solutions pour que la réforme soit effective rapidement.
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