Texte de la QUESTION :
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Mme Christiane Taubira interroge Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur le projet de décret relatif à la création du parc amazonien de Guyane. Le rapport d'enquête publique a fait apparaître une mobilisation sinon large, du moins conséquente au regard de la faible familiarité des habitants avec ce mode de consultation. La relation faite par la presse des propos d'un sous-directeur du ministère ne saurait tenir lieu de procédure d'information. En conséquence, elle demande que les grands élus (parlementaires et présidents d'exécutifs territoriaux) soient destinataires d'une note exposant l'appréciation portée par l'État sur les demandes formulées par certaines parties et présentées dans leur rapport par les commissaires-enquêteurs, à charge pour les élus d'en informer la population. Les réponses aux requêtes portant sur le zonage étant contradictoires dans leur inspiration et dans leurs effets, il importe qu'une réponse circonstanciée leur soit fournie. De même, doit être traitée la demande de cession foncière en faveur des communes postulant en libre adhésion. Il importe également de répondre de façon plus explicite aux interrogations sur les prérogatives du directeur. Il est légitime que l'on s'interroge sur les pouvoirs dévolus à ce fonctionnaire qui, sur le fondement de la section 1 du chapitre II du projet de décret et notamment des dispositions contenues dans les articles 2 à 8, sera conduit à régenter un territoire équivalent, en réalité et en potentiel d'extension, à près de quarante pour cent du territoire guyanais, soit plus de trois millions d'hectares. Ce pouvoir qui s'exercera hors charte durant les cinq premières années n'est pas négligeable, d'autant que ces cinq années peuvent s'avérer cruciales au regard des engagements qui pourront y être souscrits. Le conseil d'administration, lourd de quarante-quatre membres, représentant pour la plupart des institutions ou des personnes morales, sera vraisemblablement assez peu doté de souplesse pour constituer une contre-poids efficace garantissant la transparence et la réactivité nécessaires pour que la population conserve la certitude que les décisions sont bien arbitrées selon l'intérêt général de long terme. Par ailleurs, comme l'ont mis en exergue les débats à l'Assemblée nationale sur la réforme de la loi de 1960 et l'instauration du cadre législatif pour la création du parc amazonien de Guyane, l'accès aux ressources génétiques doit faire l'objet de la plus grande vigilance et d'un cadre juridique plus propice à la protection des ressources et des savoirs traditionnels. Les nombreux litiges liés aux pratiques de biopiraterie confirment la nécessité d'un dispositif normatif qui redresse les déséquilibres constatés entre les multinationales des industries pharmaceutiques, agroalimentaires et cosmétiques d'un part et les usagers et dépositaires des ressources et des savoirs d'autre part. S'agissant d'un patrimoine considérable et commun à l'ensemble des Guyanais, le pouvoir ultime de disposition ou d'autorisation d'accès ne saurait relever de simples procédures techniques ou administratives. Enfin, les réclamations concernant l'harmonisation des statuts et surfaces des espaces protégés qui relèvent actuellement d'une grande disparité et d'une grande dispersion ne peuvent ainsi être évacuées par un silence dilatoire. Á refuser de répondre à des préoccupations de forme, le Gouvernement fragilise le processus de création et l'acceptabilité du parc. Toute désinvolture dans l'instruction des observations recueillies lors de l'enquête publique serait coupable et aurait principalement pour effet de décrédibiliser ces procédures et de démotiver aussi bien les usagers désireux de s'exprimer que les commissaires-enquêteurs soucieux d'oeuvrer avec rigueur et d'y investir une grande disponibilité et une forte capacité d'écoute. L'État, dans sa continuité, porte largement la responsabilité des malentendus sur ce projet pour avoir, à plusieurs reprises, y compris lorsque ses services déconcentrés avaient amélioré sur le terrain les conditions de dialogue, instrumentalisé le territoire guyanais dans ses pourparlers internationaux et des déclarations souvent opportunistes. En 1999, déjà, elle avait dénoncé l'hypocrisie qui consistait à modifier le contour du projet de parc au gré des titres d'exploitation minière accordés à des entreprises multinationales intéressées par la prospection d'or primaire de profondeur ou de diamant de type gemme kimberley. Elle prie le Gouvernement de faire droit à sa demande d'une note d'explication à l'intention des grands élus de Guyane aux fins de leur exposer les avis gouvernementaux sur les questions soulevées lors de l'enquête publique. Elle estime que cette note doit précéder la décision du Conseil d'État attendue pour la fin janvier 2007.
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Texte de la REPONSE :
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La ministre de l'écologie et du développement durable a pris connaissance avec intérêt de la question relative à la création du parc amazonien de Guyane. Elle constate avec satisfaction que le projet soumis à l'enquête publique a suscité une large adhésion des populations locales, 74 % des observations recueillies étant favorables tandis que les rejets de principe ont été rares. Le rapport des commissaires enquêteurs et leurs recommandations ont été examinés avec la plus grande attention et le travail avec le Conseil d'État a permis de prendre en compte et d'apprécier les résultats de l'enquête publique. Le décret n° 2007-266 du 27 février 2007 créant le parc amazonien de Guyane a été publié le 28 février 2007. Concernant le zonage, des positions contradictoires s'étaient exprimées qui ont amené le Gouvernement à conserver le périmètre proposé dans le projet soumis à enquête publique. En dépit des recommandations émises, il n'aurait pas été justifiable de ne pas maintenir dans le coeur du parc national la montagne de Bellevue de l'Inini, pour l'ouvrir à l'activité minière en zone d'adhésion, alors même que la présence d'un patrimoine naturel tout à fait exceptionnel y est établie et dûment répertoriée en zone naturelle d'intérêt faunistique et floristique de type 1. A contrario, le Gouvernement a choisi de ne pas répondre à la demande d'extension du coeur sur le secteur sud-ouest du haut Maroni, provenant de la communauté Wayana, dans le souci notamment de préserver au mieux leur bassin de vie, même s'il n'y est bien évidemment pas opposé. Les modifications proposées, qui consistaient à étendre le coeur sur une superficie supplémentaire de l'ordre de 19 %, étaient en effet trop importantes et auraient bouleversé l'économie générale du projet. Cette volonté d'extension n'est en effet pas partagée par l'ensemble des communautés et acteurs locaux. La remise en cause du périmètre actuel aurait fortement fragilisé les équilibres obtenus au cours de l'année 2006, qui ont permis une prise en considération du projet par le Premier ministre, après quatorze ans de discussions. Pour faire droit dès la création du parc national à cette proposition, il aurait fallu nécessairement reprendre les discussions locales puis organiser une nouvelle enquête publique, au risque, très réel, de décourager tous ceux qui attendaient avec impatience la création du parc. Ç'aurait été prendre le risque de faire échouer définitivement le projet. Le parc national étant aujourd'hui créé, rien n'interdit en revanche, à court ou moyen terme, aux responsables locaux de proposer cette extension. La loi a prévu une procédure simplifiée pour cela, qui respecte le principe de concertation qui a prévalu jusqu'à présent et continuera de prévaloir. Dans le même esprit, la ministre est tout à fait à l'écoute des demandes concernant le transfert de propriété de l'État vers les communes souhaitant adhérer à la charte du parc, mais elle précise qu'il n'appartient pas au décret de création du parc amazonien de Guyane d'aborder cette question. En revanche, elle est consciente qu'il s'agit là d'un point sensible et compte bien contribuer aux réflexions lancées par les ministères compétents pour faire progresser ce dossier. La ministre a bien noté les recommandations faites par les commissaires enquêteurs sur les prérogatives supposées du directeur. Néanmoins, elles relèvent d'un malentendu, car elles ont été émises à la seule lecture du projet de décret de création du parc amazonien. Or l'un des fondements de la réforme de 2006 est précisément d'avoir posé les bases d'une meilleure gouvernance des parcs nationaux, en permettant une plus large participation du conseil d'administration aux décisions et en favorisant une meilleure représentation de la société civile, à travers la mise en place d'un comité de vie locale notamment. Ce principe est fortement inscrit dans la loi du 14 avril 2006, d'une part, et dans le décret général du 28 juillet 2006, d'autre part, qui donnent à la charte la faculté d'encadrer les pouvoirs du directeur et mettent le conseil d'administration en capacité d'exercer un très réel contrôle des décisions. Ainsi est-il important de retenir que l'application de la réglementation vise à préserver et valoriser des espaces exceptionnels et que, compte tenu des limites apportées à l'exercice de ses missions, le directeur se doit pour y parvenir d'établir les conditions d'un dialogue constructif avec l'ensemble des acteurs concernés. Par ailleurs, pour répondre aux inquiétudes exprimées, la ministre indique que les dispositions transitoires prévues dans la loi montrent toute l'importance dévolue à la charte, puisqu'en son absence il revient au conseil d'administration de prendre les décisions. Au-delà de ces précisions, il est cependant essentiel de rappeler que les pouvoirs réglementaires du directeur ne s'exercent que sur le coeur du parc national, contrairement à ce qui est avancé dans la question écrite. Ainsi dans l'aire d'adhésion, dont le tracé résultera de la libre adhésion des communes à la charte, seul le droit commun prévaudra, à côté de la dynamique contractuelle qui pourra se mettre en place autour d'une politique exemplaire de développement durable. Concernant le contrôle de l'accès aux ressources génétiques, la ministre reconnaît que cette question mérite une mobilisation de tous pour poursuivre les réflexions sur un domaine dont les enjeux sont considérables et les réponses juridiques insuffisantes. Les nouvelles dispositions prévues spécifiquement pour le parc amazonien de Guyane par la réforme des parcs nationaux constituent de ce point de vue une première avancée dans le droit français, puisque, pour la première fois, l'accès aux ressources génétiques est soumis à autorisation. Le rôle du congrès des élus départementaux et régionaux dans la définition des orientations à prendre dans la gestion des ressources génétiques est de ce fait très intéressant car ils auront toute latitude pour donner du contenu à des procédures qui ne peuvent être simplement administratives. Ils pourront ainsi contribuer à la mise en place d'actions innovantes et potentiellement génératrices de ressources, dans un domaine qui reste à explorer dans sa complexité. Par ailleurs, dans un tout autre registre, la ministre est tout à fait consciente des problèmes d'harmonisation et de lisibilité qui affectent le réseau des espaces protégés de l'État. C'est d'ailleurs pour y répondre qu'une inspection a été diligentée sur les réserves naturelles et des pistes de progrès vont être proposées. Pour conclure, les résultats de l'enquête publique témoignent des nécessaires débats qui ont accompagné la création du parc amazonien de Guyane mais traduisent aussi l'impérative nécessité qu'il y avait à le créer en conciliant protection de milieux naturels remarquables et préservation de modes de vie communautaires. La ministre de l'écologie et du développement durable, qui a tenu à ce qu'une large concertation soit organisée tout au long de l'élaboration des grandes orientations du projet, estime que les conditions d'un dialogue fructueux entre les différents acteurs de ce territoire sont aujourd'hui réunies. Les Guyanais disposent, avec le parc amazonien de Guyane, d'un outil de tout premier ordre pour contribuer tout à la fois à la protection sur le long terme d'une richesse biologique et écologique absolument exceptionnelle, à une valorisation qu'ils pourront maîtriser de cette richesse et au développement social et économique des communes du sud de la Guyane et de tous leurs habitants.
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