FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 116989  de  Mme   Andrieux Sylvie ( Socialiste - Bouches-du-Rhône ) QE
Ministère interrogé :  sécurité sociale, personnes âgées, personnes handicapées et famille
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  30/01/2007  page :  997
Réponse publiée au JO le :  24/04/2007  page :  3981
Date de changement d'attribution :  13/03/2007
Rubrique :  famille
Tête d'analyse :  divorce
Analyse :  résidence alternée des enfants. jeunes enfants. conséquences
Texte de la QUESTION : Mme Sylvie Andrieux souhaite interpeller M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille sur la question de la garde alternée paritaire et de ses conséquences sur la santé mentale des très jeunes enfants. En effet, une résidence alternée est le passage d'un enfant d'un foyer à l'autre. Elle peut se faire à des rythmes variés, et non systématiquement une semaine chez un parent, une semaine chez l'autre. On distingue les résidences alternées organisées à l'amiable par les parents (les plus nombreuses) des résidences alternées imposées par des juges aux affaires familiales. Ce sont ces dernières qui posent le plus de problèmes, et des problèmes graves, notamment en termes de rythmes d'alternance inadéquats imposés à des enfants de zéro à neuf ans. Les décisions de justice ne prennent alors que marginalement en compte l'âge de l'enfant, la nature du conflit parental et la non-communication entre les parents. Dans ce contexte, la résidence alternée paritaire est exigée par les pères le plus souvent. Selon les associations, cette situation a deux types de conséquences suivant l'âge de l'enfant : de zéro à huit ans, ils présentent des symptômes divers et variés, parfois très importants, en fonction de leur sensibilité propre, qui ont été observés et décrits dans la littérature scientifique lors des séparations mère-enfant et dont on sait que les conséquences possibles n'apparaîtront qu'à l'adolescence sous des formes diverses : angoisse flottante, états dépressifs et tentatives de suicide, troubles du comportement, difficulté à s'attacher aux autres de façon profonde et durable, etc. Au-delà et jusqu'à huit-neuf-dix ans, ils ont un comportement de mal-être avec repli sur soi, tristesse, dépression, lassitude, grande fatigue, colère agressive, etc. Certains menacent de fuguer ou de se suicider, alors qu'ils n'ont que sept ou huit ans. Or il est impossible de faire reconnaître à la justice la détresse de ces enfants : les médecins, pédiatres ou pédopsychiatres qui examinent ces enfants ne peuvent faire de certificat sous peine de sanctions du conseil de l'ordre. Par ailleurs, certains arguments contre la garde alternée permettent de s'interroger sur l'équilibre maintenu autour de l'enfant grâce à cette mesure. Dans un cas de violences conjugales, une résidence alternée rend mère et enfants otages de l'agresseur ; les mères ne peuvent accepter un emploi qui les éloigne du domicile paternel ; si la résidence alternée exempte souvent les pères de la pension alimentaire, ces derniers laissent, dans nombre de cas, la mère payer l'entretien complet de l'enfant et assumer toutes les tâches se rapportant à ce dernier (visites médicales, achats le concernant). Dans ces conditions, elle souhaite qu'il lui indique les mesures qu'il entend prendre afin de mieux prendre en compte les situations de souffrance psychologique des jeunes enfants dans les cas de garde alternée paritaire. Elle lui précise par ailleurs que si un tel mode de garde peut paraître adapté au bien-être de l'enfant qui grandit avec ses deux parents, il peut devenir un vecteur de souffrance dans le cas de séparation difficile et/ou de violences conjugales dans le couple. - Question transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que la loi n° 2002-305 du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale, en introduisant la possibilité de fixer la résidence d'un mineur en alternance au domicile de chacun de ses parents, a élargi l'éventail des modalités d'organisation de la vie de l'enfant et ainsi permis de mieux adapter les décisions à la diversité des réalités familiales. Pour autant, le législateur n'a pas entendu introduire une quelconque préférence pour telle ou telle modalité de résidence. La résidence alternée, en particulier, ne saurait être la conséquence d'une revendication purement égalitaire des droits entre le père et la mère au mépris de l'examen des situations individuelles et de la recherche des solutions les plus adaptées aux besoins spécifiques des mineurs et, en particulier, des très jeunes enfants. En effet, après la séparation, il importe à la fois de préserver les liens des deux parents avec leurs enfants et de protéger ces derniers contre tout risque d'instabilité. Dans la recherche de cet équilibre délicat, le seul critère qui doit être retenu est celui de l'intérêt de l'enfant. Cette appréciation suppose dans tous les cas un examen le plus exhaustif possible de l'ensemble des éléments propres à une affaire. C'est pourquoi, il apparaît nécessaire de maintenir dans ce domaine un large pouvoir d'appréciation aux magistrats, étant précisé que ces derniers ont régulièrement recours, face à des situations complexes ou conflictuelles, à des mesures d'investigation (enquête sociale, expertise médico-psychologique) leur permettant de statuer au vu d'une analyse particulièrement détaillée du contexte familial. Par ailleurs, les dernières statistiques recueillies par le ministère de la justice sur le mode de résidence et l'âge des enfants pour l'année 2005 révèlent que la proportion des enfants faisant l'objet d'une résidence en alternance en vertu d'une décision de justice se situe autour de 11 %, tous âges confondus. Ces données font également apparaître que la résidence alternée n'est que peu mise en oeuvre à l'égard des enfants de moins de trois ans, les trois quarts des enfants concernés par ce mode d'organisation de la vie familiale (76,8 %) étant âgés de six à onze ans. Ces statistiques montrent que le nombre et l'âge des enfants en situation de résidence alternée a peu évolué depuis l'enquête qui avait été menée au cours du dernier trimestre 2003 auprès de l'ensemble des juges aux affaires familiales, afin de disposer d'un bilan sur les conditions d'application de cette nouvelle modalité de résidence. Cette étude avait révélé que seules 10 % des procédures mettant en cause la résidence des enfants mineurs donnent lieu à une demande d'alternance, qu'elle émane des deux parents ou d'un seul et que, dans plus de 80 % des cas, la demande de résidence alternée est formée conjointement par les deux parents. Cette enquête avait également mis en évidence qu'en cas de conflit entre les père et mère les juges n'imposent la résidence alternée qu'après avoir recueilli des informations précises sur la situation familiale, ou encore, après avoir fait application de l'article 373-2-9 alinéa 2 du code civil qui permet le prononcé d'une résidence en alternance à titre provisoire. Au vu de ces éléments, il n'apparaît pas nécessaire de modifier l'état du droit en interdisant la mise en oeuvre de la résidence alternée dans certaines situations, sauf à introduire une inutile rigidité dans des procédures très majoritairement consensuelles.
SOC 12 REP_PUB Provence-Alpes-Côte-d'Azur O