Texte de la QUESTION :
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M. Yves Cochet attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur la situation de grave danger sanitaire encouru par les populations de Biélorussie dans les zones irradiées par la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Dans ce contexte, la participation de l'ambassade de France en Biélorussie (réaffirmée par M. l'ambassadeur de France dans des déclarations à des journalistes locaux le 12 décembre 2002), à des programmes dits de « réhabilitation » des terres irradiées, voire très irradiées (de 5 à 40 curies de césium 137 par kilomètre carré, soit de 185 000 à 1 480 000 Bq/m/), suscitent de nombreuses interrogations, tant quant à leurs modalités que quant à leur finalité. Les programmes dits de « réhabilitation » des terres irradiées consiste à encourager le retour de populations dans des zones irradiées en leur enseignant, de même qu'à celles qui n'en avaient pas été évacuées, des gestes quotidiens censés minimiser les risques d'exposition à la radioactivité. Ces programmes sont conduits conjointement par les autorités de Biélorussie et par le groupe ETHOS mis en place autour du Centre d'étude et d'évaluation de la protection dans le domaine nucléaire (CEPN), association regroupant les opérateurs français de l'industrie nucléaire : Electricité de France (EDF), le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et la Compagnie générale des matières nucléaires (COGEMA) du groupe AREVA. En outre, le CEPN est financé par l'organisme de contrôle IRSN (Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire) ainsi que par l'Union européenne et l'Organisation des Nations unies. Un représentant de cette dernière est venu en Biélorussie en avril 2002 dans le cadre des programmes ETHOS. Le travail de contrôle de radioprotection des habitants de Biélorussie victimes de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl par les industriels français du nucléaire par définition soucieux de donner une image favorable à leur branche d'activité commerciale, produit une situation de collusion d'intérêts quant aux informations produites sur la réalité des dangers encourus par les populations de Biélorussie. En outre, l'arrivée des acteurs des différents programmes ETHOS subventionnés sur fonds publics français et communautaires, dans le sud-est de la Biélorussie depuis 1996, s'est traduite par l'éviction de l'institut indépendant d'étude de la radioactivité de Biélorussie, le BELRAD, dirigé par les professeurs Nesterenko et Bandajevsky, de cinq centres de recherches. Or, dans sa réponse du 16 décembre 2002 à la question écrite n° 3870, M. le ministre des affaires étrangères a affirmé le soutien de la France au professeur Bandajevsky, soulignant le caractère fallacieux de son procès qui s'avère être une sanction politique des autorités de Biélorussie, pour l'empêcher de continuer ses travaux mettant en lumière l'extrême gravité en termes sanitaires de l'ingestion continuelle de petites doses de radioactivité lors de l'alimentation, à laquelle est exposée la population de Biélorussie vivant dans des zones irradiées (au moins 20 % de la population totale). Dans le même temps, les programmes européens ETHOS relayés par le pouvoir présidentiel sont très contestés, notamment par la presse de Biélorussie indépendante du pouvoir, parce qu'ils tendent à minimiser les conséquences sanitaires de la catastrophe nucléaire. Aussi, il lui demande d'expliquer, au regard de la situation exposée ci-dessus, quel est le mandat précis donné à l'ambassade de France dans sa participation aux programmes ETHOS (nouvellement rebaptisés CORE), aux côtés des opérateurs commerciaux français du nucléaire, qui peuvent nuire à l'image de la France auprès des habitants de Biélorussie.
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Texte de la REPONSE :
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Les programmes ETHOS et CORE visent à apporter une assistance directe à une partie des populations (1,8 million de personnes, soit 16 % de la population) résidant dans les territoires bélarusses contaminés par la catastrophe de Tchernobyl (47 000 km² sur lesquels les dépôts de césium 137 restent supérieurs à 1 curie au km², soit 23 % du territoire national). Ces populations sont exposées, de manière régulière (notamment par l'alimentation), à de faibles doses de radionucléides, dont les effets à long terme restent peu ou mal connus. L'objectif des programmes ETHOS était de permettre aux habitants d'un village (ETHOS I - 1996-98), puis de cinq villages (ETHOS II - 1999-2001), d'évaluer de façon autonome et de prendre en charge individuellement et collectivement leur situation radiologique (contamination des personnes, des aliments, de l'environnement). Dans ces villages a été mis en place un dispositif pratique de surveillance de la situation radiologique utilisable par les spécialistes (radiamétristes, médecins, enseignants, etc.) et par les populations dans leur vie quotidienne, s'appuyant sur les moyens de mesure officiels et indépendants. Le projet ETHOS, qui s'est achevé en novembre 2001 par un séminaire de restitution à Stolyn, a montré qu'une implication des populations dans la gestion de leur situation radiologique était possible. Les limites du projet sont également apparues, notamment la nécessité de le renforcer par la mise en place d'un suivi sanitaire et le besoin d'une prise en charge globale de la problématique des territoires contaminés, la qualité de vie dans ces territoires étant affectée non seulement sur le plan sanitaire, mais aussi économique, social, culturel, symbolique et éthique. Tenant compte de ces enseignements, le programme CORE (Coopération pour la réhabilitation des conditions de vie dans les territoires contaminés) intègre quatre domaines d'intervention : protection radiologique (sur ce point, CORE s'inspire directement de l'expérience d'ETHOS), suivi sanitaire, développement économique (notamment agricole), éducation et prise en compte de la mémoire de l'accident. Lancé par le comité Tchernobyl (structure interministérielle bélarusse disposant d'un budget annuel de 200 millions de dollars chargée de coordonner la politique de traitement des conséquences de la catastrophe), en partenariat avec des acteurs internationaux (PNUD, Banque mondiale, Commission européenne, représentations diplomatiques à Minsk, dont l'ambassade de France), le projet CORE concernera 15 villages répartis dans 4 districts contaminés (Braguin, Slavgorod, Stolyn, Tchetchersk) et verra ses premières actions débuter au premier semestre 2003. La mise en oeuvre des projets ETHOS et CORE ne saurait avoir pour effet de minimiser les conséquences sanitaires de la catastrophe de Tchernobyl, dans la mesure où ces programmes, d'une part, sensibilisent les populations concernées au risque radiologique en leur apportant une information pratique sur les procédures à suivre dans leur vie quotidienne pour limiter l'incorporation de radionucléides et, d'autre part, contribuent à une prise de conscience au niveau international de la nécessité de venir en aide à ces personnes. Loin d'encourager le retour dans les territoires contaminés, les programmes ETHOS et CORE prennent acte du fait que les populations résidant dans ces territoires ne les quitteront pas et cherchent à leur donner les moyens d'y vivre dans les meilleures conditions possibles, en réduisant leur exposition aux radionucléides au niveau le plus faible possible. En revanche, il n'est pas contestable que les autorités bélarusses, soucieuses de réduire les coûts liés à la liquidation des conséquences de la catastrophe, ont pris des mesures sujettes à caution, en reclassant, en septembre 2002, 146 villages désormais privés de l'aide de l'Etat (indemnités, repas « propres » gratuits pour les enfants et séjours en sanatorium), et se sont déclarées favorables à un repeuplement d'une partie des territoires contaminés, sans donner plus de précision. Si les organismes participant aux programmes ETHOS et CORE bénéficient de l'appui du comité Tchernobyl, sans lequel aucune politique d'assistance aux populations des zones contaminées ne serait envisageable, ils ne soutiennent pas a priori, ni ne cautionnent les mesures prises par les autorités bélarusses. Ils encouragent au contraire le comité Tchernobyl à réformer sa politique dans le sens d'une association toujours plus étroite des populations à la définition et à la mise en oeuvre des mesures qui les concernent, de manière à ce qu'elles reprennent le contrôle, même partiel, de leurs conditions de vie. Ils l'incitent également à préférer une approche globale aux approches sectorielles développées jusqu'ici, et à affecter ses ressources de manière plus efficace. Les opérateurs du programme CORE (Médecins du monde, Patrimoine sans frontière, université de Caen, Institut national d'agronomie Paris-Grignon, Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire [IRSN], Centre d'étude sur l'évaluation de la protection dans le domaine du nucléaire [CEPN], ministère de l'agriculture, Formation épanouissement renouveau de la terre [FERT], A tous vents du monde, Mutadis), très divers par leur nature et leur domaine de compétence, n'expriment nullement les intérêts des industriels français du nucléaire. La participation d'institutions dont la mission est l'évaluation du risque radiologique, notamment l'IRSN (organisme public de recherche et d'expertise) et le CEPN (association loi 1901 au conseil d'administration de laquelle siègent l'IRSN et les opérateurs industriels du nucléaire - EDF, COGEMA et le Commissariat à l'énergie atomique), se justifie par le besoin d'une expertise reconnue dans ce domaine. Par ailleurs, si les participants au projet CORE sont essentiellement français pour le moment, le programme CORE a par nature vocation à s'ouvrir à d'autres partenaires européens intéressés (via le Comité de partenariat européen). Du côté bélarusse, CORE prend soin de réunir une pluralité d'acteurs (comité Tchernobyl, ministère de l'éducation, comités exécutifs des quatre districts concernés, Belrad, Institut de radiologie de Pinsk, agence de développement de Gomel, Institut national d'agrochimie des sols - BRISSA), même ceux qui sont en délicatesse avec les autorités. S'agissant de l'institut Belrad dirigé par le professeur Nesterenko, il convient de rappeler que les experts du programme ETHOS lui ont exprimé leur soutien, en défendant le principe d'une mesure et d'une expertise indépendantes, lorsque celui-ci s'est vu retirer, en 2001, la gestion d'un certain nombre de centres locaux de contrôle radiologique. L'institut Belrad et le professeur Nesterenko sont en outre étroitement associés au volet de protection radiologique du programme CORE. En ce qui concerne le professeur Bandajevsky, dont la France continue à demander la libération indépendamment de la portée de ses travaux, les experts du volet sanitaire - dont certains aspects rejoignent les recherches du professeur sur les pathologies non cancéreuses - informent régulièrement Mme Bandajevskaya, épouse du professeur, de l'état d'avancement de leurs projets. Au regard de ce qui précède, le soutien de l'ambassade de France au projet CORE apparaît pleinement justifié, de même que l'appui financier apporté par le ministère des affaires étrangères sur fonds COCOP aux volets du programme concernant le développement agricole, l'éducation et la prise en compte de la mémoire de l'accident. Etant donné le contexte politique incertain dans lequel s'inscrivent nos relations avec le Bélarus, les actions réalisées dans le cadre du programme CORE apparaissent comme un moyen efficace d'aider directement la société civile. Loin de se révéler une source de discrédit pour la France, la mise en oeuvre des programmes ETHOS a valu aux opérateurs français une réelle reconnaissance au Bélarus, les populations concernées s'étant montrées satisfaites de la manière dont leurs problèmes avaient été pris en considération et reçu un début de traitement. Ni les inconnues sur l'impact réel de l'accident, ni les difficultés des relations internationales ne justifient que la France ou ses partenaires refusent d'apporter leur aide aux populations résidant dans les territoires contaminés au Bélarus.
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