SAUVEGARDE DE L'ÉDITION FRANÇAISE
M. le président. La
parole est à M. Michel Françaix, pour le groupe socialiste.
M. Michel Françaix.
Ma question s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.
En écoutant, cet été, vos déclarations étincelantes (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste) - « Je défendrai l'audiovisuel public en lui donnant les moyens de son financement », « Je rattacherai la redevance audiovisuelle à la taxe d'habitation pour en réduire considérablement les coûts de perception », « Je respecterai l'engagement du Président de la République de sanctuariser le budget de la culture », « Je suis un partisan déterminé du numérique terrestre » -...
Mme Martine David. Beaucoup de paroles !
M. Bernard Roman. Et peu d'actes !
M. Michel Françaix. ... je me disais : voilà un ministre qui se battra pour ses dossiers et n'acceptera pas d'être la bonne conscience du Gouvernement. Et, dois-je vous l'avouer ?, je m'en félicitais.
Mme Martine David. C'est raté !
M. Jérôme Lambert. Loupé !
M. Michel Françaix. Hélas, il a fallu déchanter. Nous avons vu, tour à tour, le service public de l'audiovisuel privé de moyens, le numérique terrestre reporté aux calendes grecques, les télévisions locales ramenées à la portion congrue,...
M. Michel Herbillon. A cause de vous !
M. Michel Françaix. ... la baisse notable du budget de la culture - et ce n'est pas votre technique comptable pour cacher la réalité qui rassurera les professionnels -, le statut des intermittents du spectacle remis en cause, l'avenir du cinéma français devenu incertain en raison des fragilités de Canal plus et, aujourd'hui, Lagardère s'appropriant le pôle édition français de Vivendi.
M. Michel Herbillon. Quelle mauvaise foi !
M. Michel Françaix.
Monsieur le ministre, le monde du livre est inquiet, car l'édition française se trouve dans une situation unique au monde : 60 % du livre de poche, 80 % du livre scolaire et, plus grave encore, 70 % de la distribution sont contrôlés par un seul groupe.
M. Guy Teissier. Et le monopole de la CGT ?
M. Richard Mallié. Le monopole du syndicat du livre !
M. Michel Françaix. Il n'y a pas lieu, me semble-t-il, de s'enorgueillir comme vous le faites de cette solution franco-française. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.) Vous ne pouvez pas accepter d'être le ministre de la culture qui, pour sauver la téléphonie, sacrifie l'édition française. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Un député du groupe socialiste. Fossoyeur !
M. Michel Françaix. Que comptez-vous faire pour que cet effet de concertation ne mette pas en péril les réseaux des librairies indépendantes, seules garantes du pluralisme et de la création française ?
M. François Goulard. C'est du mauvais théâtre !
M. Michel Françaix. Comment faire en sorte que l'engagement personnel de Lagardère pour la défense du pluralisme...
M. le président. Monsieur Françaix, pouvez-vous poser votre question ?
M. Michel Françaix. Je la pose, monsieur le président, et même, comme je vois que vous me suivez avec intérêt, je la repose. (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
Comment faire en sorte que l'engagement personnel de Lagardère pour la défense du pluralisme se transforme, pour Hachette, en obligation durable de ne pas abuser de sa position dominante ?
Et, puisqu'il me reste trente secondes...
M. le président. Non !
M. Michel Françaix. Si, monsieur le président ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. Richard
Mallié. Ça suffit ! Il parle depuis trois minutes !
M. Michel Françaix. Pensez-vous comme moi, monsieur le ministre, que faire de la recherche, de l'audiovisuel et de la culture les ministères les plus touchés par les économies budgétaires, alors qu'ils représentent des confettis en termes financiers, n'a pas de sens d'un point de vue économique ? C'est une hypothèque lourde sur l'avenir et sur l'intelligence. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Bernard Roman. Il va devoir ramer ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Aillagon, ministre de la culture et de la
communication. Monsieur le député, je ne pourrai répondre à toutes vos questions si diverses, mais m'attacherai à celle qui concerne les conditions de la cession par VU de sa branche édition. Dès que nous avons su - ce qui était patent - que Vivendi Universal souhaitait vendre sa branche édition, le Gouvernement a marqué sa préoccupation quant au sort des maisons françaises qui la constituaient. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Bernard Roman. Nous n'avons rien entendu !
M. Richard Mallié. Débouchez-vous les oreilles !
M. le président. Monsieur Roman, écoutez !
M. le ministre de la culture et de la communication. Nous avons dit que la solution, qui a été prise en pleine responsabilité par Vivendi Universal, devait faire en sorte que ces maisons d'édition restent dans le patrimoine industriel et culturel français.
M. Arnaud Montebourg. Comment allez-vous faire ? (Vives protestations et huées sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle.)
M. le président. Mes chers collègues, ne cédez pas à la provocation de M. Montebourg !
M. le ministre de la culture et de la communication. D'autre part, nous avons également marqué notre souci que la solution associe la compétence industrielle et la compétence financière.
VU a pris sa décision en pleine responsabilité ; nous en avons pris acte. Nous sommes néanmoins très attentifs aux conditions nouvelles que cette situation créerait dans l'édition et, surtout, dans la distribution.
C'est la raison pour laquelle j'ai pris l'initiative d'une table ronde réunissant... (« Ah ! Enfin une table ronde ! » sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Arnaud Montebourg. Ça, c'est une bonne nouvelle !
M. le ministre de la culture et de la communication. ... l'ensemble des professionnels...
M. Arnaud Montebourg. Oh là, formidable !
M. le ministre de la culture et de la communication. ... des éditeurs, des distributeurs...
M. Arnaud Montebourg. Félicitations !
M. le ministre de la culture et de la communication. ... et des librairies.
M. Arnaud Montebourg. Il fallait y penser !
M. le ministre de la culture et de la communication. Monsieur le député, les professionnels du secteur...
M. Arnaud Montebourg. Vive les tables rondes !
M. le ministre de la culture et de la communication. ... ont accueilli cette initiative avec plus d'intérêt que vous. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Enfin, je tiens à vous rappeler que, à la fin de 2001, Vivendi Universal a mis en vente son pôle de presse professionnelle, qui comprenait notamment des maisons aussi importantes que Le Moniteur ou Masson, première maison d'édition médicale française. La majorité de l'époque a-t-elle réagi ? Non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Le Gouvernement de l'époque a-t-il agit. Non ! (Mêmes mouvements.) Nous, nous réagissons et nous agissons ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la majorité présidentielle et du groupe Union pour la démocratie française. - Huées sur les bancs du groupe socialiste.)