FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 119098  de  M.   Artigues Gilles ( Union pour la Démocratie Française - Loire ) QE
Ministère interrogé :  culture et communication
Ministère attributaire :  culture et communication
Question publiée au JO le :  27/02/2007  page :  2013
Réponse publiée au JO le :  17/04/2007  page :  3731
Rubrique :  arts et spectacles
Tête d'analyse :  cinéma
Analyse :  coproductions internationales. nationalité des films
Texte de la QUESTION : M. Gilles Artigues attire l'attention de M. le ministre de la culture et de la communication sur le problème de l'identité nationale d'un film, issu d'une coproduction franco-maroco-algéro-belge. Le film de Rachid Bouchareb « Indigènes » est issu d'une coproduction franco-maroco-algéro-belge ; il a été sélectionné pour les prochains oscars sous la bannière de l'Algérie : il a pourtant été financé à 90 % par la France. Ce n'est pas l'un des moindres paradoxes de l'exception culturelle française : juridiquement, un film n'a pas de nationalité propre, mais celle de son réalisateur peut lui servir en quelque sorte de passeport. Ce film qui a suscité un large débat en France, sur le sort des soldats d'Afrique et d'outre-mer, représentera l'Algérie dans la catégorie « film étranger » aux prochains oscars de Los Angeles. Et il y a de fortes chances pour qu'il soit sélectionné aux Césars comme film français. Son réalisateur possède la double nationalité et il a choisi, par ce geste à la fois symbolique et politique, de porter le drapeau algérien à Hollywood. Comment un film, présenté comme une coproduction franco-maroco-algéro-belge au dernier festival de Cannes peut-il représenter un pays qui n'a qu'une faible participation dans le montage financier de l'oeuvre ? En effet, la France, via plusieurs chaînes de télévision, a participé à hauteur de 90 % dans les 14,4 millions d'euros de son budget. Sans compter les avances sur recettes, les aides pour les effets spéciaux, les aides des sociétés pour le financement du cinéma et de l'audiovisuel et les divers crédits d'impôts. L'Algérie et le Maroc se sont partagés les 10 % restants pour la logistique et quelques sociétés de production, dont celle de l'un des acteurs de ce film. La question se pose de savoir ce que signifie l'identité nationale d'un film à partir du moment où il peut changer de drapeau suivant les modalités d'un festival aussi prestigieux que Cannes ou les impératifs du règlement des oscars qui stipulent qu'un « film étranger » doit obligatoirement avoir une nationalité. Par voie de conséquence, il le remercie de bien vouloir lui préciser s'il n'estime pas qu'il y a nécessité de revoir le texte de loi sur la double nationalité en France, non seulement dans le domaine de la culture mais également dans celui des sports, largement touché par ce fait.
Texte de la REPONSE : L'honorable parlementaire a bien voulu appeler l'attention du ministre de la culture et de la communication sur le film « Indigènes », réalisé par M. Rachid Bouchareb, en évoquant la particularité pour un film financé à hauteur de 90 % par la France de pouvoir être sélectionné aux Oscars comme film algérien et comme coproduction franco-maroco-algéro-belge à Cannes et comme film français aux Césars. Le film « Indigènes », dont le scénario a été écrit par MM. Olivier Lorelle et Rachid Bouchareb, réalisé par ce dernier et produit par la société Tessalit Productions, représentée par M. Jean Bréhat, a fait l'objet d'une coproduction avec la société belge Versus Productions dans le cadre de l'accord de coproduction cinématographique signé entre les deux pays. Un contrat de coproduction a par ailleurs été conclu avec la société marocaine Taza Production dans le but de faciliter le tournage du film au Maroc, cette société devant s'occuper de la préparation et du tournage marocain. L'apport de cette société est donc exclusivement un apport en prestations évalué forfaitairement à 0,5 MEUR et donnant droit à 100 % des recettes d'exploitation du film au Maroc et à 10 % des recettes monde - hors territoires réservés - après amortissement du coût du film. Un accord du même type a été passé avec la société algérienne Tassili Films en vue de la fourniture d'images d'archives. Il est donc vrai que ce film a été financé à hauteur de 90 % par des financements français tant privés que publics. En conséquence de quoi, le film a été agréé comme une coproduction officielle franco-belge et a bénéficié comme l'indique l'honorable parlementaire, d'aides publique comme l'aide sélective à la production (avance sur recettes) à hauteur de 0,5 MEUR, l'aide aux nouvelles technologies ou encore le bénéfice du crédit d'impôt. On peut donc parler d'une double nationalité franco-belge dans la mesure où ce film bénéficie dans les deux pays des avantages réservés aux films dits « nationaux ». L'honorable parlementaire a interrogé le ministre de la culture et de la communication, au-delà du cas particulier du film « Indigènes », sur la notion de double nationalité d'une oeuvre cinématographique. Cette notion de double nationalité qui permet l'abolition des obstacles fiscaux et douaniers à la circulation des oeuvres qui en bénéficient ainsi que l'accès aux mécanismes d'aides de chaque pays est présente dans les accords de coproduction internationaux qui ont été conclus depuis les années soixante avec les pays comme la Belgique (1962), l'Autriche (1963) ou encore la Suède (1965) et l'Italie (1966) et peut s'exprimer ainsi : les films réalisés en coproduction entre deux pays et admis au bénéfice de l'accord intergouvernemental signé entre ces deux pays sont considérés comme films nationaux par les autorités de chaque pays et bénéficient de plein droit des avantages qui en résultent. Néanmoins, cette notion de nationalité ou de statut pour un film ne doit pas permettre de lui attribuer d'autres prérogatives que l'obtention des avantages nationaux (accès aux systèmes d'aides, aux quotas de production ou de diffusion, etc.). Elle n'emporte pas une protection diplomatique de l'oeuvre comme la nationalité française à une personne physique voire morale. Contrairement à certains biens comme les navires et les aéronefs, on ne peut réellement parler de la nationalité d'un film telle qu'on l'entend pour des sujets de droit comme les personnes et les sociétés. Le fait notamment que le réalisateur du film bénéficie de la double nationalité peut permettre à des organismes privés de reconnaître à l'oeuvre une nationalité autre que la nationalité française : ainsi sa sélection aux Oscars comme film algérien. Le règlement des Oscars prévoit, en effet, qu'un film peut être présenté par un pays à condition qu'une majorité des contributions artistiques (réalisateur, scénariste, producteur) ait la nationalité de ce pays.
UDF 12 REP_PUB Rhône-Alpes O