AVENIR DE L'AGRICULTURE FRANÇAISE
M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe socialiste.
M. Germinal Peiro. Monsieur le Premier ministre, à la veille de l'ouverture du Salon international de l'agriculture, je veux vous faire part de l'angoisse et du désarroi du monde agricole. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) L'inquiétude règne dans les filières de la production viticole, dans celles du lait, de la viande, du tabac et des céréales. L'inquiétude est aussi de mise dans le monde paysan, qui se sent abandonné par votre gouvernement (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), lequel conduit depuis deux ans une politique qui va accélérer la disparition des exploitations et la désertification du monde rural.
Dans le seul département de la Dordogne, chaque jour disparaît une exploitation agricole. A ce rythme, dans notre pays, des communes entières se retrouveront bientôt sans aucun agriculteur.
Au plan européen, votre gouvernement a signé en catimini à l'aube du 26 juin 2003 un accord désastreux portant sur la réforme de la politique agricole commune. Les premiers effets n'ont pas tardé à se faire sentir. La réduction des prix d'intervention de la poudre de lait et du beurre à partir du 1er juillet prochain conduit d'ores et déjà les industriels laitiers à vouloir imposer immédiatement une baisse drastique des prix qui provoquera la disparition d'un tiers des exploitations laitières. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) A plus long terme, le découplage des aides ôte toute légitimité aux aides directes et prépare le démantèlement de la PAC, démantèlement négocié par le Président de la République et le Chancelier allemand.
M. François Goulard. Vous l'aviez accepté !
M. Germinal Peiro. Au plan national, votre gouvernement a supprimé les contrats territoriaux d'exploitation,...
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Bravo !
M. Germinal Peiro. ... qui permettaient de rémunérer les services qu'apporte l'agriculture à notre société sur les plans économique, social et environnemental et sur celui de l'aménagement du territoire.
M. François Goulard. Les paysans ne sont pas des fonctionnaires.
M. Germinal Peiro. Plus de 50 000 exploitations ont bénéficié des contrats territoriaux, alors qu'à ce jour vous n'avez signé que 233 contrats d'agriculture durable qui étaient censés les remplacer.
Dans le même temps, votre gouvernement freine la conversion à l'agriculture biologique. Vous nous annoncez un objectif de 13 % de l'enveloppe des CAD, soit 50 millions d'euros, alors que les 4 000 CTE de conversion en agriculture biologique signés entre 2000 et 2001 représentaient un engagement de 280 millions d'euros, soit près de six fois plus.
M. le président. Veuillez poser votre question, monsieur Peiro.
M. Germinal Peiro. Dans un contexte aussi difficile, monsieur le Premier ministre, ma question est double : quelles initiatives concrètes allez-vous prendre pour défendre notre modèle d'agriculture familiale présent sur l'ensemble du territoire, dont la loi portant diverses dispositions d'ordre rural ne comporte aucune trace ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Monsieur Peiro, veuillez terminer.
M. Germinal Peiro. Quelles mesures allez-vous prendre pour poursuivre la revalorisation des petites retraites agricoles et faire bénéficier les conjoints et les aides familiaux de la retraite complémentaire obligatoire, comme vous le réclamiez lorsque vous étiez dans l'opposition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales.
M. Hervé Gaymard, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de
la pêche et des affaires rurales. Monsieur le député, vous devez être amnésique puisque vous dénoncez ce que vous avez soutenu. (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Qui a décidé la baisse du prix des céréales et de la viande en 1992 ? Le gouvernement que vous souteniez ! Qui a décidé la baisse d'intervention sur le prix du lait en 1999 à Berlin ? Le gouvernement que vous souteniez ! (« Oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M.
Julien Dray. Et en 1515 ?
Mme Martine David. Nous sommes en 2004 !
M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. De grâce, cessez de caricaturer !
A Luxembourg, l'année dernière, nous avons obtenu - nous en avons eu confirmation hier - le maintien du budget de la politique agricole commune jusqu'en 2013. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Nous avons obtenu la prolongation des quotas laitiers jusqu'en 2015, alors qu'à Berlin, en 1999, vous aviez accepté leur suppression en 2008. (Huées sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Robert Lamy. Ils ne connaissent pas les paysans !
M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Nous avons obtenu le découplage partiel des aides pour permettre la gestion des marchés et la politique d'aménagement du territoire agricole.
Sur le plan interne, vous devriez me féliciter pour les crédits que j'ai mis sur les CTE. Lorsque nous sommes arrivés, 70 millions d'euros figuraient sur la ligne de crédits CTE. Or, nous avons dépensé 200 millions d'euros en 2002 et 300 millions d'euros en 2003. (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
En ce qui concerne les retraites agricoles, nous avons financé les mesures que vous n'aviez pas financées. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons financé la mise en oeuvre de la retraite complémentaire obligatoire. Nous mettons en oeuvre cette année la mensualisation des retraites agricoles. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Mais il est vrai, monsieur le député, que l'agriculture française connaît des difficultés climatiques et économiques.
M. François Hollande. Le Gouvernement aussi !
M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Personne ne conteste aujourd'hui le travail que nous avons fait pour lutter contre le gel et la sécheresse l'année dernière.
Mme Martine David. Tout va bien !
M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. De même, nous avons pris les mesures appropriées en faveur des filières du porc, de la volaille et du lait, qui connaissent des crises difficiles.
Mme Martine David. Bref, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes !
M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. Enfin, tant sur le plan européen que mondial, à l'OMC, nous défendons notre modèle agricole européen, fondé sur une agriculture familiale,...
Mme Martine David. A qui le ferez-vous croire ?
M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales. ... économiquement forte et écologiquement responsable. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire dont de nombreux membres se lèvent. - Applaudissements sur les bancs du groupe Union pour la démocratie française.)