FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 12022  de  M.   Lang Pierre ( Union pour un Mouvement Populaire - Moselle ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  17/02/2003  page :  1170
Réponse publiée au JO le :  06/01/2004  page :  147
Erratum de la Réponse publié au JO le :  27/01/2004  page : 
Rubrique :  consommation
Tête d'analyse :  sécurité des produits
Analyse :  responsabilités. politiques communautaires
Texte de la QUESTION : M. Pierre Lang attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'impact négatif d'une jurisprudence communautaire récente sur notre droit de la responsabilité. Par trois arrêts du 25 avril 2002, la Cour de justice des Communautés européennes a condamné la façon dont la France a transposé la directive du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux. La loi du 19 mai 1998 avait retenu une conception large du nouveau régime institué par la directive, tout en maintenant l'application du droit commun des responsabilités contractuelle et délictuelle. Ce cumul était donc particulièrement favorable aux victimes, conformément à l'esprit de notre droit. Cependant, la Cour de justice veut imposer un alignement strict sur le texte communautaire. Ainsi, la France est sanctionnée pour ne pas avoir introduit la franchise de 500 euros, limitant l'indemnisation des dommages aux biens. Elle est également condamnée pour avoir soumis le fournisseur au même régime de responsabilité que le producteur, et subordonné l'exonération pour « risque de développement » et pour « fait du prince » au respect, par le professionnel, de son « obligation de suivi ». Surtout, la Cour de justice estime que le régime spécial de responsabilité du fait des produits défectueux est d'application exclusive. Par conséquent, il évince la responsabilité de droit commun. Or, ces évolutions ne sont pas favorables aux victimes, et force est de constater une diminution préoccupante de leurs droits. Ainsi, l'interdiction d'assimiler le fournisseur au producteur rendra les recours plus difficiles, notamment en matière médicale. La responsabilité du fournisseur ne pourra plus être engagée qu'à titre subsidiaire. En outre, la condamnation par la Cour de l'obligation de suivi ouvre la possibilité, au producteur soupçonné de négligence après la mise en circulation de son produit, de s'exonérer en invoquant le « risque de développement » ou le « fait du prince ». Cette solution apparaît pour le moins choquante et inéquitable. Enfin, le régime spécial étant désormais d'application exclusive, les victimes ne pourront plus se placer sur le terrain du droit commun, afin d'échapper à l'exonération pour risque de développement. Dès lors, les arrêts du 25 avril 2002 de la Cour de justice des Communautés européennes risquent de modifier en profondeur notre droit de la réparation. De nombreuses incertitudes en découlent, car les concepts de la directive (produit, défaut, mise en circulation) sont souvent peu clairs et mal définis. Les victimes, qui bénéficiaient en France de la loi du 19 mai 1998 et d'une construction jurisprudentielle protectrice, subissent une régression de leurs droits et voient leurs intérêts sacrifiés à l'autel de l'harmonisation communautaire. Cette situation milite en faveur d'une révision urgente de la directive du 25 juillet 1985, relative à la responsabilité du fait des produits défectueux. La jurisprudence communautaire récente accentue en effet la menace de nivellement par le bas de notre système de réparation. En particulier, l'introduction de l'exonération pour risque de développement apparaît tout à fait contestable, en l'absence de l'obligation de suivi qu'avait ajoutée la loi française. Il souhaiterait donc connaître les initiatives que le Gouvernement entend prendre pour préserver le sort des victimes et obtenir la révision des multiples imperfections et contresens juridiques contenus dans la directive de 1985.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que le Gouvernement va très prochainement déposer devant le Parlement un projet de loi d'habilitation l'autorisant à prendre par ordonnance des dispositions de modification du titre IV du livre troisième du code civil au sein duquel a été transposée la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 relative à la responsabilité du fait des produits défectueux. Cette intervention est en effet rendue nécessaire par les trois arrêts prononcés le 25 avril 2002 par la cour de justice des Communautés européennes, dont l'un a condamné la France pour mauvaise transposition. Afin de mettre le droit français en conformité avec la directive précitée, telle qu'interprétée par la cour de justice des Communautés européennes, les articles 1386-2 et 1386-7 du code civil seront modifiés. La franchise de 500 euros pour les dommages résultant des atteintes à un bien, conformément à la directive, sera introduite à l'article 1386-2. Une étude de la jurisprudence a permis de constater que cette insertion sera sans incidences pratiques, les dommages déclarés étant toujours supérieurs à cette somme. L'article 1386-7 sera modifié afin que la responsabilité des professionnels ne puisse être engagée dans les mêmes conditions que celle du producteur que si ce dernier demeure inconnu. Il est extrêmement peu probable toutefois, s'agissant de médicaments, que ni le producteur ni le fournisseur ne puissent être identifiés. Enfin, l'obligation de suivi visée au dernier alinéa de l'article 1386-12 sera supprimée. Il convient cependant de relever à cet égard que la directive 2001/95/CE du 3 décembre 2001 relative à la sécurité générale des produits sera transposée au sein du code de la consommation par voie d'ordonnance également au titre de la loi d'habilitation précitée. Cette directive prévoit à la charge des responsables de la mise sur le marché une obligation de suivi des produits. Ces opérateurs économiques devront en conséquence informer les consommateurs des risques que peuvent créer les produits qu'ils mettent sur le marché pour leur santé ou leur sécurité. Ils devront également adopter les mesures proportionnées aux produits commercialisés qui leur permettront d'assurer ce suivi. A ce titre, ils devront, en fonction des caractéristiques des produits, notamment rendre possible leur traçabilité et, si nécessaire, engager les actions de retrait ou de rappel pour répondre à un problème de sécurité. Dans ces conditions, la suppression du dernier alinéa de l'article 1386-12 précité est donc sans portée réelle. En outre, les victimes d'un produit défectueux pourront toujours intenter une action pour faute sur le fondement délictuel de l'article 1382 du code civil ou une action en garantie des vices cachés. Ainsi, ces arrêts du 25 avril 2002 n'emportent pas modification en profondeur de notre droit de la responsabilité. Pour autant, s'agissant de la protection des consommateurs contre les produits défectueux, le Gouvernement considère que son action ne peut être pleinement pertinente que dans le cadre communautaire. Si le processus d'évaluation par la commission de l'impact effectif de la directive 85/374/CEE, actuellement en cours, conduisait à la révision de cette dernière, le Gouvernement prendrait alors toutes les mesures nécessaires afin de permettre une meilleure protection des victimes.
UMP 12 REP_PUB Lorraine O