FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1227  de  M.   Paul Daniel ( Député-e-s Communistes et Républicains - Seine-Maritime ) QOSD
Ministère interrogé :  équipement
Ministère attributaire :  équipement
Question publiée au JO le :  03/05/2005  page :  4411
Réponse publiée au JO le :  04/05/2005  page :  3033
Rubrique :  transports par eau
Tête d'analyse :  ports
Analyse :  Port 2000. gestion. perspectives
Texte de la QUESTION : M. Daniel Paul attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur la situation de Port 2000. Avec Port 2000, notre pays a fait, dès 1997, le choix du développement du transport conteneurisé ; sa mise en service, dans quelques mois, verra sans doute le trafic dépasser le cap des 3 millions de conteneurs. C'est un immense enjeu pour notre pays, comme pour tous les salariés de la région havraise qui espèrent que cet investissement public sera synonyme d'emplois qualifiés. Pourtant l'inquiétude est aujourd'hui réelle. D'une part, la directive portuaire serait à nouveau à l'ordre du jour, avec pour objectif la concurrence interne, sur chaque service, dans chaque port, faisant des salariés la variable d'ajustement. D'autre part, l'incertitude demeure pour l'exploitation des voies ferrées de port, celles qui sont sur le domaine portuaire et qui vont sur les quais, au plus près des navires. Il semble que le choix de l'entreprise ferroviaire, chargée d'intervenir sur ces voies, ferait l'objet d'un appel d'offres dans lequel la SNCF serait mise en concurrence avec des opérateurs privés... Ainsi, on pourrait voir arriver des opérateurs étrangers ou des filiales spécialisées de groupes privés cherchant à se positionner sur des niches assurées de rentabilité ou même une filiale de la SNCF dont la caractéristique est de n'avoir que des personnels de droit privé. Ainsi, Port 2000, investissement public, d'intérêt national, servirait à mettre à mal l'opérateur ferroviaire public et ses personnels, à ouvrir la voie au privé, au dumping social, à l'insécurité. Une telle perspective est insupportable ! Alors que Port 2000 devait dynamiser l'emploi, c'est une pression permanente qui est exercée sur les salariés avec les menaces constantes de réductions de postes. Ainsi, la SNCF prévoit-elle la suppression de l'atelier de réparation de wagons sur le site de Soquence, ce qui signifierait, si ces deux mauvais coups étaient confirmés, la perte de près de 150 emplois de cheminots sur Le Havre ! En permettant à la concurrence de s'installer sur les niches rentables, en cassant les prix, ce serait la remise en cause de la péréquation nécessaire à l'équilibre du fret ferroviaire, ce qui serait lourd de conséquences ! Port 2000 ne saurait devenir synonyme de dumping social pour les salariés du public et du privé. Il lui demande ce que compte faire le Gouvernement pour qu'il n'en soit pas ainsi et que la SNCF et ses cheminots ne soient pas écartés de l'exploitation de Port 2000.
Texte de la REPONSE :

CONDITIONS D'EXPLOITATION
DE PORT 2000 DU HAVRE

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul, pour exposer sa question, n° 1227, relative aux conditions d'exploitation de Port 2000 du Havre.
M. Daniel Paul. Monsieur le secrétaire d'État, avec Port 2000, notre pays avait fait dès 1997 le choix du développement du transport conteneurisé. Sa mise en service dans quelques mois - on parle du premier semestre 2006 - verra le trafic de conteneurs dépasser sans doute le cap des 3 millions de " boîtes ", comme nous disons chez nous. C'est un immense enjeu pour notre pays, comme pour tous les salariés de la région havraise qui espèrent que cet investissement public sera synonyme d'emplois, surtout qualifiés.
Pourtant l'inquiétude est aujourd'hui réelle. D'une part, la directive portuaire serait à nouveau à l'ordre du jour, avec pour objectif la concurrence interne, sur chaque service, dans chaque port, faisant des salariés la variable d'ajustement. D'autre part - c'est l'objet de ma question -, l'incertitude demeure quant à l'exploitation des voies ferrées de port, celles qui sont sur le domaine portuaire et qui conduisent, sur les quais, au plus près des navires. Il semble que le choix de l'entreprise ferroviaire, chargée d'intervenir sur ces voies, ferait l'objet d'un appel d'offres mettant en concurrence la SNCF avec des opérateurs privés. Ainsi on pourrait voir arriver des opérateurs étrangers, notamment britanniques, dont l'expérience dans le domaine du fret ferroviaire est particulièrement édifiante, ou des filiales spécialisées de groupes privés, comme la Connex, cherchant à se positionner sur des niches assurées de rentabilité, voire une filiale de la SNCF, VFLI - Voies ferrées locales et industrielles -, dont la caractéristique est de n'avoir que des personnels de droit privé.
Port 2000, investissement public, d'intérêt national, servirait ainsi à mettre à mal l'opérateur ferroviaire public et ses personnels, à ouvrir la voie au privé, au dumping social et à l'insécurité. Une telle perspective n'est pas admissible !
Alors que Port 2000 devait dynamiser l'emploi, les menaces constantes de réductions de postes exercent une pression permanente sur les salariés. La SNCF prévoit déjà la suppression de l'atelier de réparation de wagons sur le site de Soquence, premier mauvais coup que M. Gallois vient de me confirmer : la confirmation de ce second mauvais coup signifierait la perte de près de 150 emplois de cheminots sur Le Havre !
M. François Goulard, secrétaire d'État aux transports et à la mer. Mais non !
M. Daniel Paul. Permettre à la concurrence de s'installer sur les niches rentables et de casser les prix, ce serait remettre en cause la péréquation nécessaire à l'équilibre du fret ferroviaire, avec toutes les conséquences que l'on peut craindre !
Port 2000, je le répète, projet d'intérêt national, ne saurait devenir synonyme de dumping social pour les salariés du public ou du privé. Que compte faire le Gouvernement pour qu'il n'en soit pas ainsi et que la SNCF et ses cheminots ne soient pas écartés de l'exploitation de Port 2000 ?
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer.
M. François Goulard, secrétaire d'État aux transports et à la mer. Monsieur le député, comme vous venez de le rappeler, le projet Port 2000 constitue un enjeu majeur du développement des ports français de la façade ouest de notre continent avec, en hinterland, des régions fortement industrialisées. Ces ports ont, de par leur situation exceptionnellement favorable, vocation à être les points privilégiés d'entrée et de sortie pour les marchandises du continent européen.
Le Gouvernement est tout à fait conscient, croyez-le bien, monsieur le député, de l'importance et des enjeux du projet Port 2000. Croyez-vous que l'État aurait investi près d'un milliard d'euros, s'il ne croyait pas en ce projet ?
Il n'y a donc pas lieu de s'inquiéter, bien au contraire : un tel investissement sera générateur d'activités et d'emplois.
Quant à la directive portuaire que vous citez, elle fait l'objet d'une nouvelle proposition de la Commission, qui est en cours de discussion entre les différents États membres. C'est ainsi que j'ai pu m'entretenir hier, à Berlin, avec mon homologue allemand pour confronter nos points de vue : nous avons en effet quelques critiques contre ce projet de directive, et le Gouvernement veillera à ce que soient garanties les conditions sociales et de sécurité du travail pour l'ensemble des services portuaires. Je relève, au demeurant, que le projet prévoit qu'une autorisation administrative doit être délivrée à toute entreprise intervenant dans les ports : on ne saurait qualifier cette disposition d'ultralibérale !
Le sujet des voies ferrées portuaires, pour sa part, n'entre pas dans le champ du projet de directive. Je vous rappelle, monsieur Paul, que les voies ferrées portuaires ne font pas partie du réseau ferré national. Elles appartiennent aux ports, qui disposent d'une certaine latitude pour choisir le prestataire effectuant les opérations ferroviaires sur ces voies, en tenant compte des contraintes particulières du transport maritime. S'il est vrai que la SNCF assure actuellement la plus grande partie des dessertes portuaires, elle ne dispose pour autant - et n'a jamais disposé - d'aucun monopole sur ces voies.
J'en viens à la question générale de l'introduction de la concurrence en matière de transport ferroviaire de marchandises. Comme vous le savez, le transport international de fret est déjà ouvert à la concurrence du fait de la transposition des directives dites du " premier paquet ferroviaire ". La transposition en droit interne du second paquet conduira à une mise en concurrence des autres segments du fret ferroviaire, qui sera effective l'année prochaine. En conséquence, la SNCF doit se battre pour conserver une place importante dans le trafic ferroviaire, notamment à caractère portuaire. Cela ne doit pas être vu de manière négative, mais au contraire comme une incitation forte à parfaire son organisation et à améliorer ses performances. Nous avons la conviction qu'elle en a les capacités. L'exemple de l'Allemagne, où la concurrence a été introduite plus tôt que chez nous pour le fret ferroviaire, montre que l'apparition de nouveaux opérateurs peut parfaitement s'accompagner d'un développement de l'activité de l'opérateur principal, en l'occurrence la Deutsche Bahn.
Le plan " fret ", que le Gouvernement soutient et auquel il consacre des crédits très importants - 800 millions d'euros -, permettra de donner des bases saines à cette activité et lui fera prendre un nouvel essor. Sur le terrain du transport international de voyageurs, la SNCF n'a pas à craindre la concurrence. Nous souhaitons que cette entreprise confirme sa place d'acteur majeur du fret ferroviaire non seulement en France, mais aussi dans toute l'Europe.
Enfin, pour ce qui concerne l'atelier de réparation des wagons de Soquence, il s'agit d'un projet qui n'est pas confirmé. Quoi qu'il en soit, en pareilles circonstances, la SNCF prend toutes les mesures pour assurer le reclassement des agents en tenant compte de leurs souhaits. Là encore, le développement du trafic portuaire entraînera celui du trafic ferroviaire. La SNCF y prendra toute sa part, si bien que c'est à une augmentation des effectifs, et non à une réduction, que l'on peut s'attendre.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Paul.
M. Daniel Paul. Je ne peux vous laisser dire, monsieur le secrétaire d'État, que ce qui se passe actuellement dans le port du Havre, avec la mise en place de Port 2000, est synonyme d'augmentation des effectifs, en particulier dans le domaine ferroviaire. En outre, si augmentation il y a dans certains secteurs, comme celui de la logistique, la chambre patronale elle-même constate avec désespoir qu'elle concerne à 99 % des emplois non qualifiés ou de niveau 5. Ce pourcentage, qui concerne le domaine de la logistique, a été établi fin 2004. On est en train de tirer vers le bas les qualifications des salariés : c'est ce que je voulais souligner par ma question.
S'agissant des voies ferrées portuaires, il est exact que nous sommes hors du champ habituel de la SNCF. Mais vous livrez l'opérateur national à la concurrence pour un projet dont vous dites vous-même - en exagérant quelque peu - qu'il bénéficie de un milliard d'euros d'investissement public. Et cela pour encourager le dumping en faisant appel à une entreprise comme la Connex ou à des entreprises extérieures ! Je l'ai déjà dit, on connaît les compétences dont les Britanniques font preuve depuis quelques années dans le domaine ferroviaire... Qui plus est, de l'aveu même de M. Gallois, on ferait aussi appel à VFLI, filiale de la SNCF ne comportant pas un seul cheminot statutaire, pour obliger la SNCF à " revoir ", comme vous dites pudiquement, ses modes de fonctionnement, c'est-à-dire, au bout du compte, à remettre en cause non seulement le statut et les acquis des personnels, mais aussi la sécurité ferroviaire qui en dépend. Cela, les personnels ne peuvent l'accepter - certains, au demeurant, sont présents dans les tribunes du public et ont écouté votre réponse, monsieur le ministre : je suppose qu'ils l'auront appréciée à sa juste valeur !
Le plan " fret ", ce n'est pas seulement ce que vous avez dit : c'est aussi une diminution du nombre d'emplois et la fin de l'activité de fret dans certaines gares. Je pourrais vous lire, si j'en avais le temps, toutes les protestations que j'ai collectées.
Enfin, pour ce qui concerne l'atelier de Soquence, j'ai reçu il y a huit jours une lettre de M. Gallois - je vous en ai envoyé une copie, mais vous ne m'avez pas répondu - m'indiquant que la décision était déjà prise.
Mme la présidente. Vous avez dépassé votre temps de parole, monsieur Paul.
M. Daniel Paul. J'en termine, madame la présidente.
L'atelier de réparation sera supprimé. Là encore, monsieur le ministre, vous répondez fort pudiquement que la SNCF s'occupera de relocaliser les salariés qui auront perdu leur emploi sur d'autres sites, comme celui de la région rouennaise. Ce n'est pas une solution. Nous n'avions pas envisagé, en 1997, que le développement portuaire du Havre se traduirait par la perte de ces emplois au profit du privé !

CR 12 REP_PUB Haute-Normandie O