Texte de la QUESTION :
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M. Daniel Paul attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur la situation de Port 2000. Avec Port 2000, notre pays a fait, dès 1997, le choix du développement du transport conteneurisé ; sa mise en service, dans quelques mois, verra sans doute le trafic dépasser le cap des 3 millions de conteneurs. C'est un immense enjeu pour notre pays, comme pour tous les salariés de la région havraise qui espèrent que cet investissement public sera synonyme d'emplois qualifiés. Pourtant l'inquiétude est aujourd'hui réelle. D'une part, la directive portuaire serait à nouveau à l'ordre du jour, avec pour objectif la concurrence interne, sur chaque service, dans chaque port, faisant des salariés la variable d'ajustement. D'autre part, l'incertitude demeure pour l'exploitation des voies ferrées de port, celles qui sont sur le domaine portuaire et qui vont sur les quais, au plus près des navires. Il semble que le choix de l'entreprise ferroviaire, chargée d'intervenir sur ces voies, ferait l'objet d'un appel d'offres dans lequel la SNCF serait mise en concurrence avec des opérateurs privés... Ainsi, on pourrait voir arriver des opérateurs étrangers ou des filiales spécialisées de groupes privés cherchant à se positionner sur des niches assurées de rentabilité ou même une filiale de la SNCF dont la caractéristique est de n'avoir que des personnels de droit privé. Ainsi, Port 2000, investissement public, d'intérêt national, servirait à mettre à mal l'opérateur ferroviaire public et ses personnels, à ouvrir la voie au privé, au dumping social, à l'insécurité. Une telle perspective est insupportable ! Alors que Port 2000 devait dynamiser l'emploi, c'est une pression permanente qui est exercée sur les salariés avec les menaces constantes de réductions de postes. Ainsi, la SNCF prévoit-elle la suppression de l'atelier de réparation de wagons sur le site de Soquence, ce qui signifierait, si ces deux mauvais coups étaient confirmés, la perte de près de 150 emplois de cheminots sur Le Havre ! En permettant à la concurrence de s'installer sur les niches rentables, en cassant les prix, ce serait la remise en cause de la péréquation nécessaire à l'équilibre du fret ferroviaire, ce qui serait lourd de conséquences ! Port 2000 ne saurait devenir synonyme de dumping social pour les salariés du public et du privé. Il lui demande ce que compte faire le Gouvernement pour qu'il n'en soit pas ainsi et que la SNCF et ses cheminots ne soient pas écartés de l'exploitation de Port 2000.
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Texte de la REPONSE :
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CONDITIONS D'EXPLOITATION DE PORT 2000 DU HAVRE Mme la
présidente. La parole est à M. Daniel Paul, pour exposer sa question,
n° 1227, relative aux conditions d'exploitation de Port 2000 du Havre. M. Daniel Paul.
Monsieur le secrétaire d'État, avec Port 2000, notre pays avait fait dès 1997 le
choix du développement du transport conteneurisé. Sa mise en service dans
quelques mois - on parle du premier semestre 2006 - verra le trafic de
conteneurs dépasser sans doute le cap des 3 millions de " boîtes ", comme nous
disons chez nous. C'est un immense enjeu pour notre pays, comme pour tous les
salariés de la région havraise qui espèrent que cet investissement public sera
synonyme d'emplois, surtout qualifiés. Pourtant
l'inquiétude est aujourd'hui réelle. D'une part, la directive portuaire serait à
nouveau à l'ordre du jour, avec pour objectif la concurrence interne, sur chaque
service, dans chaque port, faisant des salariés la variable d'ajustement.
D'autre part - c'est l'objet de ma question -, l'incertitude demeure quant à
l'exploitation des voies ferrées de port, celles qui sont sur le domaine
portuaire et qui conduisent, sur les quais, au plus près des navires. Il semble
que le choix de l'entreprise ferroviaire, chargée d'intervenir sur ces voies,
ferait l'objet d'un appel d'offres mettant en concurrence la SNCF avec des
opérateurs privés. Ainsi on pourrait voir arriver des opérateurs étrangers,
notamment britanniques, dont l'expérience dans le domaine du fret ferroviaire
est particulièrement édifiante, ou des filiales spécialisées de groupes privés,
comme la Connex, cherchant à se positionner sur des niches assurées de
rentabilité, voire une filiale de la SNCF, VFLI - Voies ferrées locales et
industrielles -, dont la caractéristique est de n'avoir que des personnels de
droit privé. Port 2000, investissement public,
d'intérêt national, servirait ainsi à mettre à mal l'opérateur ferroviaire
public et ses personnels, à ouvrir la voie au privé, au dumping social et à
l'insécurité. Une telle perspective n'est pas admissible ! Alors que Port 2000 devait dynamiser l'emploi, les menaces
constantes de réductions de postes exercent une pression permanente sur les
salariés. La SNCF prévoit déjà la suppression de l'atelier de réparation de
wagons sur le site de Soquence, premier mauvais coup que M. Gallois vient de me
confirmer : la confirmation de ce second mauvais coup signifierait la perte de
près de 150 emplois de cheminots sur Le Havre ! M. François Goulard, secrétaire d'État aux transports et à la mer. Mais non
! M. Daniel Paul.
Permettre à la concurrence de s'installer sur les niches rentables et de casser
les prix, ce serait remettre en cause la péréquation nécessaire à l'équilibre du
fret ferroviaire, avec toutes les conséquences que l'on peut craindre ! Port 2000, je le répète, projet d'intérêt national, ne
saurait devenir synonyme de dumping social pour les salariés du public ou du
privé. Que compte faire le Gouvernement pour qu'il n'en soit pas ainsi et que la
SNCF et ses cheminots ne soient pas écartés de l'exploitation de Port 2000 ? Mme la présidente. La
parole est à M. le secrétaire d'État aux transports et à la mer. M. François Goulard,
secrétaire d'État aux transports et à la mer.
Monsieur le député, comme vous venez de le rappeler, le projet Port 2000
constitue un enjeu majeur du développement des ports français de la façade ouest
de notre continent avec, en hinterland, des régions fortement industrialisées.
Ces ports ont, de par leur situation exceptionnellement favorable, vocation à
être les points privilégiés d'entrée et de sortie pour les marchandises du
continent européen. Le Gouvernement est tout à fait
conscient, croyez-le bien, monsieur le député, de l'importance et des enjeux du
projet Port 2000. Croyez-vous que l'État aurait investi près d'un milliard
d'euros, s'il ne croyait pas en ce projet ? Il n'y a
donc pas lieu de s'inquiéter, bien au contraire : un tel investissement sera
générateur d'activités et d'emplois. Quant à la
directive portuaire que vous citez, elle fait l'objet d'une nouvelle proposition
de la Commission, qui est en cours de discussion entre les différents États
membres. C'est ainsi que j'ai pu m'entretenir hier, à Berlin, avec mon homologue
allemand pour confronter nos points de vue : nous avons en effet quelques
critiques contre ce projet de directive, et le Gouvernement veillera à ce que
soient garanties les conditions sociales et de sécurité du travail pour
l'ensemble des services portuaires. Je relève, au demeurant, que le projet
prévoit qu'une autorisation administrative doit être délivrée à toute entreprise
intervenant dans les ports : on ne saurait qualifier cette disposition
d'ultralibérale ! Le sujet des voies ferrées portuaires,
pour sa part, n'entre pas dans le champ du projet de directive. Je vous
rappelle, monsieur Paul, que les voies ferrées portuaires ne font pas partie du
réseau ferré national. Elles appartiennent aux ports, qui disposent d'une
certaine latitude pour choisir le prestataire effectuant les opérations
ferroviaires sur ces voies, en tenant compte des contraintes particulières du
transport maritime. S'il est vrai que la SNCF assure actuellement la plus grande
partie des dessertes portuaires, elle ne dispose pour autant - et n'a jamais
disposé - d'aucun monopole sur ces voies. J'en viens à
la question générale de l'introduction de la concurrence en matière de transport
ferroviaire de marchandises. Comme vous le savez, le transport international de
fret est déjà ouvert à la concurrence du fait de la transposition des directives
dites du " premier paquet ferroviaire ". La transposition en droit interne du
second paquet conduira à une mise en concurrence des autres segments du fret
ferroviaire, qui sera effective l'année prochaine. En conséquence, la SNCF doit
se battre pour conserver une place importante dans le trafic ferroviaire,
notamment à caractère portuaire. Cela ne doit pas être vu de manière négative,
mais au contraire comme une incitation forte à parfaire son organisation et à
améliorer ses performances. Nous avons la conviction qu'elle en a les capacités.
L'exemple de l'Allemagne, où la concurrence a été introduite plus tôt que chez
nous pour le fret ferroviaire, montre que l'apparition de nouveaux opérateurs
peut parfaitement s'accompagner d'un développement de l'activité de l'opérateur
principal, en l'occurrence la Deutsche Bahn. Le plan "
fret ", que le Gouvernement soutient et auquel il consacre des crédits très
importants - 800 millions d'euros -, permettra de donner des bases saines à
cette activité et lui fera prendre un nouvel essor. Sur le terrain du transport
international de voyageurs, la SNCF n'a pas à craindre la concurrence. Nous
souhaitons que cette entreprise confirme sa place d'acteur majeur du fret
ferroviaire non seulement en France, mais aussi dans toute l'Europe. Enfin, pour ce qui concerne l'atelier de réparation des
wagons de Soquence, il s'agit d'un projet qui n'est pas confirmé. Quoi qu'il en
soit, en pareilles circonstances, la SNCF prend toutes les mesures pour assurer
le reclassement des agents en tenant compte de leurs souhaits. Là encore, le
développement du trafic portuaire entraînera celui du trafic ferroviaire. La
SNCF y prendra toute sa part, si bien que c'est à une augmentation des
effectifs, et non à une réduction, que l'on peut s'attendre. Mme la présidente. La
parole est à M. Daniel Paul. M. Daniel Paul. Je ne peux vous laisser dire,
monsieur le secrétaire d'État, que ce qui se passe actuellement dans le port du
Havre, avec la mise en place de Port 2000, est synonyme d'augmentation des
effectifs, en particulier dans le domaine ferroviaire. En outre, si augmentation
il y a dans certains secteurs, comme celui de la logistique, la chambre
patronale elle-même constate avec désespoir qu'elle concerne à 99 % des emplois
non qualifiés ou de niveau 5. Ce pourcentage, qui concerne le domaine de la
logistique, a été établi fin 2004. On est en train de tirer vers le bas les
qualifications des salariés : c'est ce que je voulais souligner par ma
question. S'agissant des voies ferrées portuaires, il
est exact que nous sommes hors du champ habituel de la SNCF. Mais vous livrez
l'opérateur national à la concurrence pour un projet dont vous dites vous-même -
en exagérant quelque peu - qu'il bénéficie de un milliard d'euros
d'investissement public. Et cela pour encourager le dumping en faisant appel à
une entreprise comme la Connex ou à des entreprises extérieures ! Je l'ai déjà
dit, on connaît les compétences dont les Britanniques font preuve depuis
quelques années dans le domaine ferroviaire... Qui plus est, de l'aveu même de
M. Gallois, on ferait aussi appel à VFLI, filiale de la SNCF ne comportant pas
un seul cheminot statutaire, pour obliger la SNCF à " revoir ", comme vous dites
pudiquement, ses modes de fonctionnement, c'est-à-dire, au bout du compte, à
remettre en cause non seulement le statut et les acquis des personnels, mais
aussi la sécurité ferroviaire qui en dépend. Cela, les personnels ne peuvent
l'accepter - certains, au demeurant, sont présents dans les tribunes du public
et ont écouté votre réponse, monsieur le ministre : je suppose qu'ils l'auront
appréciée à sa juste valeur ! Le plan " fret ", ce n'est
pas seulement ce que vous avez dit : c'est aussi une diminution du nombre
d'emplois et la fin de l'activité de fret dans certaines gares. Je pourrais vous
lire, si j'en avais le temps, toutes les protestations que j'ai collectées. Enfin, pour ce qui concerne l'atelier de Soquence, j'ai
reçu il y a huit jours une lettre de M. Gallois - je vous en ai envoyé une
copie, mais vous ne m'avez pas répondu - m'indiquant que la décision était déjà
prise. Mme la
présidente. Vous avez dépassé votre temps de parole, monsieur Paul. M. Daniel Paul. J'en
termine, madame la présidente. L'atelier de réparation
sera supprimé. Là encore, monsieur le ministre, vous répondez fort pudiquement
que la SNCF s'occupera de relocaliser les salariés qui auront perdu leur emploi
sur d'autres sites, comme celui de la région rouennaise. Ce n'est pas une
solution. Nous n'avions pas envisagé, en 1997, que le développement portuaire du
Havre se traduirait par la perte de ces emplois au profit du privé !
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