Texte de la QUESTION :
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Mme Chantal Robin-Rodrigo appelle l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les problèmes posés par la toxicomanie dans les prisons. A. Tracqui, P. Kintz et B. Ludes de la faculté de médecine de Strasbourg ont publié un article intitulé : « La prison, la drogue et la mort... à propos de deux décès par overdose en milieur carcéral » dans le Journal de médecine légale, droit médical, victimologie, dommage corporel de juin-juillet 1998, n° 3-4, vol. 41, pages 184 à 192. Les deux observations illustrent de façon dramatique un phénomène intéressant probablement l'ensemble des établissements français et étrangers, mais jusqu'alors très généralement méconnu. Pour le médecin légiste épisodiquement confronté à des décès survenant en milieu carcéral, il importe de retenir que le suicide ne constitue pas la seule manière de mourir en prison : dans tous les cas des investigations toxicologiques complémentaires devront être menées sur les prélèvements autopsiques, et ce qu'une façon d'autant plus poussée que les composés impliqués peuvent être extrêmement variés. Elle lui demande donc s'il ne serait pas possible de diligenter une enquête sur ce problème avec éventuellement une inspection générale conjointe des deux ministères concernés afin d'avoir une vue précise et actualisée de la question dans nos prisons. Par ailleurs, les études statistiques citées par les auteurs étant très inquiétantes pour la santé publique (notamment en ce qui concerne les décès dus à la méthadone et ceux dus à la buprénorphine en association avec l'alcool et d'autres substances psychotropes), elle lui demande si ne serait pas justifiée la mise au point de nouvelles mesures de prévention d'origine ministérielle en milieu carcéral sur ce sujet.
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Texte de la REPONSE :
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Le garde des sceaux, ministre de la justice, informe l'honorable parlementaire que tout décès en détention est porté à la connaissance de l'autorité judiciaire, qui diligente une enquête en recherche des causes de la mort. Dans ce cadre juridique, des expertises toxicologiques sont ordonnées. L'administration pénitentiaire a en charge un nombre important de détenus toxicomanes. Une étude réalisée en 1997 sur la santé à l'entrée en prison faisait apparaître que 32 % des entrants déclaraient une utilisation prolongée et régulière d'au moins une drogue - produits illicites et médicaments - dans l'année précédant l'incarcération. La moitié d'entre eux consomme des opiacés. Cette étude sera renouvelée en 2003 afin d'actualiser ces données. Cette situation génère une forte demande de substances licites (médicaments, produits de substitution) ou illicites (cannabis, héroïne, etc.) à l'intérieur de la détention et peut favoriser des trafics de ces différents produits. En dépit des précautions prises par les services médicaux et des mesures de contrôle effectuées par les services pénitentiaires, des usages détournés ou abusifs de produits licites et la consommation de produits illicites restent possibles en détention et sont dangereux pour les personnes détenues. Cependant, les décès par intoxication médicamenteuse (suicides) sont en nombre limité : 3 en 2001, 5 en 2002. Quant aux décès par overdose, ils restent exceptionnels : en 2001, 2 décès de cette nature - intervenus en détention - sont à déplorer et 1 seul - intervenu en cours de permission de sortie - a été recensé en 2002. Compte tenu des travaux déjà réalisés ou des dispositifs mis en oeuvre sur ces questions d'intoxication, une inspection conjointe des deux ministères n'apparaît pas pour l'instant nécessaire. S'agissant des actions de prévention, les services pénitentiaires et sanitaires sont mobilisés sur le sujet. Des mesures de contrôle sont mises en place pour lutter contre l'entrée ou la circulation illicite de ces produits à l'intérieur des établissements pénitentiaires. Une circulaire de la direction des affaires criminelles et des grâces du 27 janvier 1997 encourage les procureurs de la République à organiser des opérations de contrôle lors du déroulement des parloirs. Préparées et coordonnées entre les services de police et les services pénitentiaires, ces mesures de contrôle ont un impact variable. Les quantités saisies sont souvent faibles mais l'effet dissuasif, lui, est important. A ce dispositif de lutte contre l'entrée des drogues en prison s'ajoutent des contrôles réguliers effectués par les surveillants au sein de la détention : fouilles de cellules, fouilles corporelles des détenus. Parallèlement, une politique de réduction des risques et d'amélioration de la prise en charge des détenus toxicomanes a été mise en oeuvre pour mieux lutter contre les intoxications et les décès par overdose. La note interministérielle du 9 août 2001 justice-santé-mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, coordonnant la prise en charge des personnes dépendantes d'un produit psychoactif sous son aspect sanitaire à l'échelon local, prévoit notamment un dépistage systématique de situations d'abus ou de dépendance, une proposition de prise en charge adaptée à chaque détenu et un renforcement des actions de prévention au sein des établissements pénitentiaires. S'agissant de la délivrance en milieu pénitentiaire de produits de substitution (méthadone, buprénorphine), et afin de prévenir d'éventuels mésusages aux conséquences parfois mortelles, une réflexion est actuellement engagée par la Commission nationale consultative des traitements de substitution. Un guide des bonnes pratiques est en cours de rédaction dans un souci d'adaptation des pratiques des professionnels soignants au contexte pénitentiaire. Par ailleurs, l'administration pénitentiaire a rappelé son attachement au respect strict des textes fixant le principe d'une remise quotidienne des traitements de substitution aux détenus toxicomanes afin de limiter les risques d'intoxication et de trafic.
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