FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1239  de  M.   André René ( Union pour un Mouvement Populaire - Manche ) QOSD
Ministère interrogé :  agriculture, alimentation et pêche
Ministère attributaire :  écologie
Question publiée au JO le :  31/05/2005  page :  5454
Réponse publiée au JO le :  22/06/2005  page :  3779
Date de changement d'attribution :  21/06/2005
Rubrique :  chasse et pêche
Tête d'analyse :  oiseaux
Analyse :  réglementation
Texte de la QUESTION : M. René André souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité sur les dates d'ouverture et de fermeture des périodes de chasse au gibier d'eau. Le précédent ministre de l'environnement s'était engagé à demander la modification de la directive européenne 79-409, notamment de son article 7-4, et de son interprétation par la Cour de justice des Communautés européennes. L'insatisfaction des chasseurs de gibier d'eau français est grande. Il lui demande quand il compte engager avec la commission. Les discussions afin d'obtenir cette modification qui, seule, permettra d'apporter une solution à ce problème récurent. Il souhaite attirer également son attention sur les procédures de consultation concernant les délimitations des périmètres des zones de protection spéciale en cours. Au titre des perturbations ou des dérangement envers les oiseaux, les activités humaines dans les zones Natura 2000 sont menacées, qu'elles soient économiques ou récréatives. Il lui demande quelles dispositions il compte prendre pour assurer la poursuite de ces acttivités selon les règles actuelles. Enfin, dans le projet de loi réglementant l'usage des appeaux et appelants pour la chasse du gibier d'eau, les hybrides des espèces européennes ne sont pas expressément autorisées. Si un oiseau ne présente pas un plumage conforme au standard de l'espèce, il y aura un risque nouveau de verbalisation pour les chasseurs. Pour éviter ces nouveaux contentieux, il lui demande s'il serait possible d'autoriser l'usage des ces hybrides comme appelants.
Texte de la REPONSE :

REGLEMENTATION DE LA CHASSE AU GIBIER D'EAU

Mme la présidente. La parole est à M. René André, pour exposer sa question, n° 1239.
M. René André. Madame la ministre de l'écologie et du développement durable, permettez-moi d'abord de vous saluer dans vos nouvelles fonctions et de vous souhaiter un plein succès dans une charge qui n'est pas très facile.
Ma question portera sur trois points, qui concernent essentiellement la baie du Mont-Saint-Michel et ses habitants.
Il s'agit tout d'abord d'un problème ancien, récurrent, mais qu'il faut aborder à nouveau, celui de la période de chasse et de la directive Oiseaux. Si le " non " l'a emporté au référendum du 29 mai dernier, c'est aussi parce qu'un certain nombre de chasseurs sont mécontents de la façon dont ils sont traités. Alors qu'ils demandent depuis longtemps que les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au canard soient modifiées, on leur oppose la directive Oiseaux et la jurisprudence de la Cour de justice européenne pour limiter ces périodes de chasse en France, alors que dans d'autres pays, et je pense notamment à l'Écosse qui compte beaucoup de chasseurs au gibier d'eau, elles sont plus longues.
Votre prédécesseur avait promis d'engager des procédures pour tenter de réviser cette directive. Chacun sait bien que ce ne sera pas facile, mais le moment n'est-il pas venu de rallumer la flamme européenne, de redonner aux Françaises et aux Français le goût de l'Europe en faisant en sorte qu'elle soit plus proche ?
Le deuxième point est un point de détail mais il est important. Un projet de loi de votre prédécesseur prévoyait de réglementer l'usage des appelants. Allez-vous, pour votre part, madame la ministre, autoriser l'usage des appelants hybrides européens ? Ce point ne figure pas dans votre projet de loi. Il est important de lever toute d'ambiguïté pour éviter que les chasseurs qui utilisent des appelants hybrides européens ne soient pas soumis à des tracasseries administratives. Ils en subissent suffisamment !
J'en viens maintenant à la directive Natura 2000, qui s'applique désormais à l'ensemble de la baie du Mont-Saint-Michel.
Selon un proverbe normand, " une grande confiance n'exclut pas une petite méfiance ".
Mme la présidente. Voilà une formule bien normande, en effet ! (Sourires.)
M. René André. Si nous faisons pleinement confiance à la DIREN, nous nous méfions tout de même quelque peu. Selon un document édité par la DIREN, la préfecture de région et la préfecture de la Manche, et qui concerne la zone de protection spéciale de la baie du Mont-Saint-Michel, " il apparaît nécessaire de garantir, tant sur les zones d'alimentation que sur les principaux reposoirs, une tranquillité suffisante aux espèces. Il conviendra de tenir compte de cet objectif afin d'offrir aux diverses activités professionnelles pratiquées - conchyliculture, pêche, extraction de matériaux, encadrement de tourisme-découverte - des conditions d'exercice favorables. " De quoi s'agit-il ?
D'un côté, il ne faut pas gêner les oiseaux ; de l'autre, il faut préserver l'élevage, la chasse et la pêche. Oui ou non, la directive Natura 2000 permettra-t-elle encore de chasser, de pêcher et d'élever les moutons de pré salé qui font la gloire de notre région ?
Ne parvenant pas à obtenir de réponse, je me tourne vers vous, madame la ministre, pour vous demander d'être claire. L'ambiguïté n'est plus de mise et, à cet égard, le référendum nous le montre. Cessons donc, nous autres Français, d'ajouter des réglementations aux réglementations. Sur ce point, nous sommes particulièrement doués et je compte sur vous, madame la ministre, pour qu'une petite méfiance ne ternisse pas cette grande confiance.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, vous avez appelé l'attention de M. le ministre de l'agriculture sur plusieurs questions.
M. René André. La vôtre aussi, madame la ministre.
Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Il se trouve qu'elles sont toutes de ma compétence. Je me sens donc pleinement responsable.
Le sujet n'est pas facile et je remercie Mme la présidente d'avoir accepté de m'accorder un peu plus de temps.
Mme la présidente. M. André a lui-même bénéficié de cette faveur !
Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Je vais m'efforcer d'être aussi rapide que possible.
Concernant la détermination des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d'eau et la révision de la directive Oiseaux, sachez que, dès 1994, le chantier a été ouvert à l'initiative de la France et interrompu de la même manière à cause de l'orientation restrictive prise par les discussions au sein du Parlement européen. Le débat n'a pas été repris depuis en raison des aléas auquel il était exposé.
Dans ces conditions, l'effort en 2002 a d'abord porté sur l'argumentaire scientifique, la création de l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats ayant pour but de faire évoluer le cadre jurisprudentiel sur la base d'éléments d'appréciation scientifiquement validés.
Par ailleurs, l'accord conclu le 12 octobre 2004 entre l'association Bird Life International et la Fédération des associations de chasse européennes rapproche chasseurs et protecteurs de la nature sur deux principes. Premièrement, " les deux organisations conviennent que la priorité est d'appliquer la directive suivant les indications du guide sur la chasse en application de la directive 79/409/CEE du Conseil concernant la conservation des oiseaux sauvages. " Ce guide, couramment appelé, vous le savez, monsieur le député, " guide interprétatif ", a été établi par la Commission en 2004. Deuxièmement, " aucune des deux organisations n'entend prendre ou soutenir des initiatives visant à modifier le texte de la directive Oiseaux.
Dans ce cadre, deux voies complémentaires sont désormais explorées. Mon prédécesseur ayant lui-même sollicité le commissaire à l'environnement, le Premier ministre a écrit au président de la Commission pour que soit intégré dans l'annexe V de la directive Oiseaux le guide interprétatif de la chasse. Ainsi, le Conseil d'État pourrait en tenir compte dans sa jurisprudence - à l'heure actuelle, c'est impossible car il est lié par un avis préjudiciel de la Cour de justice des Communautés européennes datant de 1994, fondé sur la seule directive Oiseaux - et les dates de chasse de certaines espèces seraient susceptibles d'évoluer d'une ou deux décades, selon des analyses convergentes. Un avis favorable unanime du comité ORNIS - comité de suivi de la directive - a accueilli le 21 avril dernier le projet d'engager la révision de l'annexe qui devrait être présentée en comité scientifique à l'automne. Le comité ORNIS de fin d'année votera définitivement sur la question après consultation écrite des États membres.
La réalisation d'études scientifiques et leur validation contradictoire au sein de l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats permettront de faire évoluer les connaissances sur la biologie des espèces. Ainsi, les dernières données concernant la nidification durant l'été 2004 sur le domaine public maritime issues d'une enquête conjointe de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et des fédérations de chasseurs ont été examinées par l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats et il en sera tenu compte pour établir les dates d'ouverture de la chasse en 2005.
Enfin, il faut rappeler que la France a déjà ratifié l'accord sur les oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique et d'Eurasie, l'AEWA, et qu'elle a encouragé l'adhésion de l'Union européenne à cet accord qui substitue une gestion dynamique des populations à une approche plus rigide des dates d'ouverture et de fermeture.
Quant aux activités humaines dans les zones Natura 2000, - nous risquons d'être bientôt condamnés par Bruxelles parce que nous ne sommes pas encore arrivés à une pleine conformité -, la question des perturbations éventuelles causées aux oiseaux par certaines activités humaines exercées dans les zones de protection spéciale a fait l'objet de nombreuses concertations, notamment dans le cadre du comité national de suivi de Natura 2000 où les chasseurs sont représentés. Elles ont abouti, en 2000, à l'adoption par ce comité d'un document de cadrage national consensuel qui établit en particulier que la chasse, dans le respect des règles générales existantes, ne constitue pas une perturbation. Ces conclusions ont permis de nourrir le débat sur Natura 2000 qui s'est tenu au Parlement lors de l'adoption de la loi d'habilitation du 3 janvier 2000 pour transposer la directive par ordonnance. Cette loi précise et garantit, dans son article 3-6, la compatibilité de la chasse pratiquée selon les lois et règlements en vigueur avec le statut des sites Natura 2000.
C'est au cours de l'élaboration du document d'objectifs propre à chaque zone de protection spéciale que doit être débattue localement la question d'une éventuelle incompatibilité entre certaines pratiques de chasse et la conservation de telle ou telle espèce ayant justifié la désignation du site en zone de protection spéciale. C'est localement aussi que seront débattues et arrêtées les mesures de gestion propres à garantir à la fois la pérennité des espèces sur le site et celle des activités qui y sont pratiquées.
L'expérience des quelque 500 sites où un document d'objectifs est achevé ou en voie d'achèvement démontre que les problèmes d'incompatibilité sont très marginaux et qu'ils trouvent, dans l'immense majorité des situations, une solution négociée. Sur certains sites, où les intérêts cynégétiques étaient particulièrement forts, c'est la fédération départementale des chasseurs qui a été chargée de la rédaction du document d'objectifs. Des " cahiers d'habitats " pour les espèces d'oiseaux sont en cours d'élaboration. Ils fourniront notamment des recommandations pour éviter les perturbations éventuelles mentionnées dans le rapport. La concertation engagée autour de ces cahiers est prometteuse et produira les mêmes effets, je l'espère, que la concertation engagée sur les 800 sites Natura 2000 qui préparent en ce moment leurs documents de gestion.
Enfin, l'autorisation des hybrides utilisés comme appelants renvoie au problème du développement des hybrides dans les milieux naturels. Pour ma part, monsieur le député, je ne souhaite pas prendre de mesure qui pourrait favoriser, même indirectement, la pollution génétique des espèces sauvages.
J'espère qu'en travaillant ensemble, la confiance que je vous remercie de me témoigner dissipera la petite méfiance dont vous m'avez fait part.
Mme la présidente. La parole est à M. René André.
M. René André. Je vous remercie, madame la ministre. Si j'ai posé la question au ministre de l'agriculture, c'est qu'à l'époque où je l'ai rédigée, je souhaitais voir ces compétences transférées du ministère de l'environnement à celui de l'agriculture. Vous me comprenez.
Mme la ministre de l'écologie et du développement durable. Très bien.

UMP 12 REP_PUB Basse-Normandie O