Texte de la REPONSE :
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REGLEMENTATION DE LA CHASSE AU GIBIER D'EAU Mme la présidente. La parole est à M. René
André, pour exposer sa question, n° 1239. M. René André.
Madame la ministre de l'écologie et du développement durable, permettez-moi
d'abord de vous saluer dans vos nouvelles fonctions et de vous souhaiter un
plein succès dans une charge qui n'est pas très facile. Ma question portera
sur trois points, qui concernent essentiellement la baie du Mont-Saint-Michel et
ses habitants. Il s'agit tout d'abord d'un problème ancien, récurrent, mais
qu'il faut aborder à nouveau, celui de la période de chasse et de la directive
Oiseaux. Si le " non " l'a emporté au référendum du 29 mai dernier, c'est aussi
parce qu'un certain nombre de chasseurs sont mécontents de la façon dont ils
sont traités. Alors qu'ils demandent depuis longtemps que les dates d'ouverture
et de fermeture de la chasse au canard soient modifiées, on leur oppose la
directive Oiseaux et la jurisprudence de la Cour de justice européenne pour
limiter ces périodes de chasse en France, alors que dans d'autres pays, et je
pense notamment à l'Écosse qui compte beaucoup de chasseurs au gibier d'eau,
elles sont plus longues. Votre prédécesseur avait promis d'engager des
procédures pour tenter de réviser cette directive. Chacun sait bien que ce ne
sera pas facile, mais le moment n'est-il pas venu de rallumer la flamme
européenne, de redonner aux Françaises et aux Français le goût de l'Europe en
faisant en sorte qu'elle soit plus proche ? Le deuxième point est un point de
détail mais il est important. Un projet de loi de votre prédécesseur prévoyait
de réglementer l'usage des appelants. Allez-vous, pour votre part, madame la
ministre, autoriser l'usage des appelants hybrides européens ? Ce point ne
figure pas dans votre projet de loi. Il est important de lever toute d'ambiguïté
pour éviter que les chasseurs qui utilisent des appelants hybrides européens ne
soient pas soumis à des tracasseries administratives. Ils en subissent
suffisamment ! J'en viens maintenant à la directive Natura 2000, qui
s'applique désormais à l'ensemble de la baie du Mont-Saint-Michel. Selon un
proverbe normand, " une grande confiance n'exclut pas une petite méfiance
". Mme la présidente. Voilà une formule bien normande, en
effet ! (Sourires.) M. René André. Si nous faisons
pleinement confiance à la DIREN, nous nous méfions tout de même quelque peu.
Selon un document édité par la DIREN, la préfecture de région et la préfecture
de la Manche, et qui concerne la zone de protection spéciale de la baie du
Mont-Saint-Michel, " il apparaît nécessaire de garantir, tant sur les zones
d'alimentation que sur les principaux reposoirs, une tranquillité suffisante aux
espèces. Il conviendra de tenir compte de cet objectif afin d'offrir aux
diverses activités professionnelles pratiquées - conchyliculture, pêche,
extraction de matériaux, encadrement de tourisme-découverte - des conditions
d'exercice favorables. " De quoi s'agit-il ? D'un côté, il ne faut pas gêner
les oiseaux ; de l'autre, il faut préserver l'élevage, la chasse et la pêche.
Oui ou non, la directive Natura 2000 permettra-t-elle encore de chasser, de
pêcher et d'élever les moutons de pré salé qui font la gloire de notre région
? Ne parvenant pas à obtenir de réponse, je me tourne vers vous, madame la
ministre, pour vous demander d'être claire. L'ambiguïté n'est plus de mise et, à
cet égard, le référendum nous le montre. Cessons donc, nous autres Français,
d'ajouter des réglementations aux réglementations. Sur ce point, nous sommes
particulièrement doués et je compte sur vous, madame la ministre, pour qu'une
petite méfiance ne ternisse pas cette grande confiance. Mme la
présidente. La parole est à Mme la ministre de l'écologie et du
développement durable. Mme Nelly Olin, ministre de
l'écologie et du développement durable. Monsieur le député, vous avez appelé
l'attention de M. le ministre de l'agriculture sur plusieurs
questions. M. René André. La vôtre aussi, madame la
ministre. Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Il se trouve qu'elles sont toutes de ma compétence. Je me sens donc
pleinement responsable. Le sujet n'est pas facile et je remercie Mme la
présidente d'avoir accepté de m'accorder un peu plus de temps. Mme la
présidente. M. André a lui-même bénéficié de cette faveur
! Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
Je vais m'efforcer d'être aussi rapide que possible. Concernant la
détermination des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse au gibier d'eau
et la révision de la directive Oiseaux, sachez que, dès 1994, le chantier a été
ouvert à l'initiative de la France et interrompu de la même manière à cause de
l'orientation restrictive prise par les discussions au sein du Parlement
européen. Le débat n'a pas été repris depuis en raison des aléas auquel il était
exposé. Dans ces conditions, l'effort en 2002 a d'abord porté sur
l'argumentaire scientifique, la création de l'Observatoire national de la faune
sauvage et de ses habitats ayant pour but de faire évoluer le cadre
jurisprudentiel sur la base d'éléments d'appréciation scientifiquement
validés. Par ailleurs, l'accord conclu le 12 octobre 2004 entre l'association
Bird Life International et la Fédération des associations de chasse européennes
rapproche chasseurs et protecteurs de la nature sur deux principes.
Premièrement, " les deux organisations conviennent que la priorité est
d'appliquer la directive suivant les indications du guide sur la chasse en
application de la directive 79/409/CEE du Conseil concernant la conservation des
oiseaux sauvages. " Ce guide, couramment appelé, vous le savez, monsieur le
député, " guide interprétatif ", a été établi par la Commission en 2004.
Deuxièmement, " aucune des deux organisations n'entend prendre ou soutenir des
initiatives visant à modifier le texte de la directive Oiseaux. Dans ce
cadre, deux voies complémentaires sont désormais explorées. Mon prédécesseur
ayant lui-même sollicité le commissaire à l'environnement, le Premier ministre a
écrit au président de la Commission pour que soit intégré dans l'annexe V de la
directive Oiseaux le guide interprétatif de la chasse. Ainsi, le Conseil d'État
pourrait en tenir compte dans sa jurisprudence - à l'heure actuelle, c'est
impossible car il est lié par un avis préjudiciel de la Cour de justice des
Communautés européennes datant de 1994, fondé sur la seule directive Oiseaux -
et les dates de chasse de certaines espèces seraient susceptibles d'évoluer
d'une ou deux décades, selon des analyses convergentes. Un avis favorable
unanime du comité ORNIS - comité de suivi de la directive - a accueilli le 21
avril dernier le projet d'engager la révision de l'annexe qui devrait être
présentée en comité scientifique à l'automne. Le comité ORNIS de fin d'année
votera définitivement sur la question après consultation écrite des États
membres. La réalisation d'études scientifiques et leur validation
contradictoire au sein de l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses
habitats permettront de faire évoluer les connaissances sur la biologie des
espèces. Ainsi, les dernières données concernant la nidification durant l'été
2004 sur le domaine public maritime issues d'une enquête conjointe de l'Office
national de la chasse et de la faune sauvage et des fédérations de chasseurs ont
été examinées par l'Observatoire national de la faune sauvage et de ses habitats
et il en sera tenu compte pour établir les dates d'ouverture de la chasse en
2005. Enfin, il faut rappeler que la France a déjà ratifié l'accord sur les
oiseaux d'eau migrateurs d'Afrique et d'Eurasie, l'AEWA, et qu'elle a encouragé
l'adhésion de l'Union européenne à cet accord qui substitue une gestion
dynamique des populations à une approche plus rigide des dates d'ouverture et de
fermeture. Quant aux activités humaines dans les zones Natura 2000, - nous
risquons d'être bientôt condamnés par Bruxelles parce que nous ne sommes pas
encore arrivés à une pleine conformité -, la question des perturbations
éventuelles causées aux oiseaux par certaines activités humaines exercées dans
les zones de protection spéciale a fait l'objet de nombreuses concertations,
notamment dans le cadre du comité national de suivi de Natura 2000 où les
chasseurs sont représentés. Elles ont abouti, en 2000, à l'adoption par ce
comité d'un document de cadrage national consensuel qui établit en particulier
que la chasse, dans le respect des règles générales existantes, ne constitue pas
une perturbation. Ces conclusions ont permis de nourrir le débat sur Natura 2000
qui s'est tenu au Parlement lors de l'adoption de la loi d'habilitation du 3
janvier 2000 pour transposer la directive par ordonnance. Cette loi précise et
garantit, dans son article 3-6, la compatibilité de la chasse pratiquée selon
les lois et règlements en vigueur avec le statut des sites Natura 2000. C'est
au cours de l'élaboration du document d'objectifs propre à chaque zone de
protection spéciale que doit être débattue localement la question d'une
éventuelle incompatibilité entre certaines pratiques de chasse et la
conservation de telle ou telle espèce ayant justifié la désignation du site en
zone de protection spéciale. C'est localement aussi que seront débattues et
arrêtées les mesures de gestion propres à garantir à la fois la pérennité des
espèces sur le site et celle des activités qui y sont
pratiquées. L'expérience des quelque 500 sites où un document d'objectifs est
achevé ou en voie d'achèvement démontre que les problèmes d'incompatibilité sont
très marginaux et qu'ils trouvent, dans l'immense majorité des situations, une
solution négociée. Sur certains sites, où les intérêts cynégétiques étaient
particulièrement forts, c'est la fédération départementale des chasseurs qui a
été chargée de la rédaction du document d'objectifs. Des " cahiers d'habitats "
pour les espèces d'oiseaux sont en cours d'élaboration. Ils fourniront notamment
des recommandations pour éviter les perturbations éventuelles mentionnées dans
le rapport. La concertation engagée autour de ces cahiers est prometteuse et
produira les mêmes effets, je l'espère, que la concertation engagée sur les 800
sites Natura 2000 qui préparent en ce moment leurs documents de
gestion. Enfin, l'autorisation des hybrides utilisés comme appelants renvoie
au problème du développement des hybrides dans les milieux naturels. Pour ma
part, monsieur le député, je ne souhaite pas prendre de mesure qui pourrait
favoriser, même indirectement, la pollution génétique des espèces
sauvages. J'espère qu'en travaillant ensemble, la confiance que je vous
remercie de me témoigner dissipera la petite méfiance dont vous m'avez fait
part. Mme la présidente. La parole est à M. René
André. M. René André. Je vous remercie, madame la ministre.
Si j'ai posé la question au ministre de l'agriculture, c'est qu'à l'époque où je
l'ai rédigée, je souhaitais voir ces compétences transférées du ministère de
l'environnement à celui de l'agriculture. Vous me comprenez. Mme la
ministre de l'écologie et du développement durable. Très bien.
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