FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1243  de  M.   Dosne Olivier ( Union pour un Mouvement Populaire - Val-de-Marne ) QOSD
Ministère interrogé :  équipement
Ministère attributaire :  transports, équipement, tourisme et mer
Question publiée au JO le :  31/05/2005  page :  5455
Réponse publiée au JO le :  22/06/2005  page :  3775
Date de changement d'attribution :  07/06/2005
Rubrique :  transports aériens
Tête d'analyse :  sécurité
Analyse :  fret. réglementation
Texte de la QUESTION : M. Olivier Dosne attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer sur les difficultés suscitées par l'étendue actuelle de la responsabilité civile des agents habilités en matière de sûreté du fret aérien. Les commissionnaires de transport aérien représentent près de 10 000 emplois directs en France et assurent l'acheminement d'environ 25 % du commerce extérieur français en valeur. C'est volontairement que cette profession s'est engagée dans le processus de sécurisation des expéditions aériennes qui, à 50 %, embarquent dans les soutes des appareils passagers : l'État a délégué cette mission de sûreté aux opérateurs privés, compagnies aériennes ou commissionnaires de transport et il apparaît que les entreprises concernées remplissent leurs obligations avec rigueur et professionnalisme. À l'époque, l'État n'avait souhaité ni encadrer la responsabilité civile encourue par ces entreprises privées, les renvoyant vers le marché de l'assurance, ni réglementer le financement des mesures de sûreté mises en oeuvre. Cela signifie qu'en France ; la prestation de sécurisation des expéditions de fret embarquées dans les appareils passagers est parfaitement négociable par le client chargeur. Cette négociabilité fragilise grandement le dispositif réglementaire et, dès lors, n'est acceptable ni par les entreprises concernées, ni par les citoyens que nous représentons ; les entreprises « agents habilités » qui assurent concrètement cette prestation encourent une responsabilité civile d'environ 1,5 milliard USD alors que leur couverture d'assurance ne dépasse pas 50 millions USD. Elles accomplissent donc une mission d'intérêt général en engageant leur propre existence. Certaines de ces entreprises sont filiales de grands groupes français - Bolloré, Peugeot, SNCF - dont les fondations seraient sérieusement ébranlées en cas d'engagement de responsabilité. Quelles que soient les conditions juridiques de sa démarche, l'État a délégué une mission de service public à des entreprises privées sans protéger la responsabilité de ces dernières et sans leur donner la possibilité de garantir une recette susceptible de couvrir leurs coûts. La France étant, sur le plan de sûreté du fret aérien, très en avance sur ses voisins européens, cette situation génère en outre des distorsions de concurrence préjudiciables à nos entreprises nationales, à l'emploi, et enfin à la compétitivité des aéroports français. Cela fait maintenant plusieurs années que le SNAGFA, organisation professionnelle représentative, membre de TLF, interpelle les pouvoirs publics sur ce sujet. Le partenariat entre l'État et les opérateurs privés est clairement déséquilibré et ces difficultés de responsabilité et de financement sont susceptibles de mettre en danger non seulement les entreprises représentées au sein du SNAGFA, mais également tout le processus de sûreté aérienne tel qu'il a été engagé. C'est pourquoi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer quelles actions il entend mettre en oeuvre afin de répondre aux légitimes préoccupations de ces entreprises et sous quel délai.
Texte de la REPONSE :

CONDITIONS DE SECURITE JURIDIQUE
DU FRET AERIEN

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Dosne, pour exposer sa question, n° 1243.
M. Olivier Dosne. Monsieur le ministre délégué aux collectivités territoriales, ma question porte sur les difficultés suscitées par l'étendue actuelle de la responsabilité civile des agents habilités en matière de sûreté du fret aérien.
Les commissionnaires de transport aérien représentent près de 10 000 emplois directs en France et assurent l'acheminement d'environ 25 % du commerce extérieur français en valeur.
C'est volontairement que cette profession s'est engagée dans le processus de sécurisation des expéditions aériennes qui, à 50 %, embarquent dans les soutes des appareils passagers : l'État a délégué cette mission de sûreté aux opérateurs privés, compagnies aériennes ou commissionnaires de transport, et il apparaît que les entreprises concernées remplissent leurs obligations avec rigueur et professionnalisme.
À l'époque, l'État n'avait souhaité ni encadrer la responsabilité civile encourue par ces entreprises privées, les renvoyant vers le marché de l'assurance, ni réglementer le financement des mesures de sûreté mises en oeuvre. Cela signifie que la prestation de sécurisation des expéditions de fret embarquées dans les appareils passagers est parfaitement négociable par le client chargeur. Cette négociabilité fragilise grandement le dispositif réglementaire français et, dès lors, n'est acceptable ni par les entreprises concernées, ni par les citoyens que nous représentons.
Aujourd'hui, en France, les entreprises " agents habilités " qui assurent concrètement cette prestation encourent une responsabilité civile d'environ 1,5 milliard de dollars, alors que leur couverture d'assurance ne dépasse pas 50 millions de dollars. Elles accomplissent donc une mission d'intérêt général en engageant leur propre existence. J'ajoute que certaines de ces entreprises sont filiales de grands groupes français - Bolloré, Peugeot, SNCF - dont les fondations seraient sérieusement ébranlées en cas d'engagement de responsabilité.
Quelles que soient les conditions juridiques de sa démarche, l'État a délégué une mission de service public à des entreprises privées sans protéger la responsabilité de ces dernières et sans leur donner la possibilité de garantir une recette susceptible de couvrir leurs coûts. La France étant, sur le plan de sûreté du fret aérien, très en avance sur ses voisins européens, cette situation génère en outre des distorsions de concurrence préjudiciables à nos entreprises nationales, à l'emploi, et enfin à la compétitivité des aéroports français.
Cela fait maintenant plusieurs années que le Syndicat national des agents et groupeurs de fret aérien, organisation professionnelle représentative membre de TLF, interpelle les pouvoirs publics à ce sujet. Le partenariat entre l'État et les opérateurs privés est clairement déséquilibré et ces difficultés de responsabilité et de financement sont susceptibles de mettre en danger non seulement les entreprises représentées au sein du SNAGFA, mais également tout le processus de sûreté aérienne tel qu'il a été engagé. Quelles actions pourraient être mises en oeuvre afin de répondre aux légitimes préoccupations de ces entreprises, et sous quel délai ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.
M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur Dosne, je vais vous communiquer la réponse que M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer, souhaite vous apporter.
La réglementation en matière de sûreté du fret et des passagers trouve son fondement dans le règlement européen n° 2320/2002 du Parlement européen et du Conseil relatif à l'instauration de règles communes dans le domaine de la sûreté de l'aviation civile. Ce texte s'impose à tous les États membres.
Ainsi que vous le soulignez, les compagnies aériennes sont tenues, pour assurer la sécurité du fret embarqué, d'avoir recours à des " agents habilités " ou de mettre en place elles-mêmes des procédures de sûreté spécifiques. Dans la pratique, les compagnies aériennes font généralement appel aux services des " agents habilités ", qui sont donc des acteurs importants de la chaîne de sécurisation des expéditions. Ceux-ci doivent disposer d'un agrément attestant qu'ils mettent en oeuvre des procédures de contrôle appropriées.
Sur le plan de la responsabilité de cette catégorie d'entreprises, l'article L. 321-7 du code de l'aviation civile précise, d'ores et déjà, qu'en cas d'acte malveillant, la responsabilité des agents de fret n'est engagée qu'en raison de l'inobservation des procédures de sûreté. Il s'agit bien là d'une obligation de moyens et non pas d'une obligation de résultat. Je rappelle également que l'ensemble de ces procédures sont appliquées sous le contrôle des préfets, détenteurs des pouvoirs de police sur les aérodromes, et des services de l'État qui sont mis à leur disposition.
Les entreprises adhérentes du Syndicat national des agents et groupeurs de fret aérien connaissent, malgré tout, les difficultés en matière d'assurance que vous avez à juste titre rappelées. Ces difficultés, rencontrées également par d'autres acteurs du transport aérien, sont la conséquence des événements survenus aux États-Unis en septembre 2001.
Dans ce contexte, le SNAGFA a fait part à la direction générale de l'aviation civile de son souhait relatif à un cadrage plus précis de la situation des " agents habilités " en matière de responsabilité. Une évolution du code de l'aviation civile semble possible, mais elle ne saurait toutefois aller jusqu'à une limitation de responsabilité, le principe de la réparation des fautes commises résultant de l'article 1382 du code civil ayant été consacré comme " exigence à valeur constitutionnelle " par le Conseil constitutionnel.
Il s'agit donc là d'une question difficile pour laquelle la concertation entre l'administration et l'ensemble des professionnels concernés est en cours, afin de trouver des solutions de nature à faciliter l'activité des agents de fret.

UMP 12 REP_PUB Ile-de-France O