Texte de la QUESTION :
|
M. Pierre Albertini souhaite interroger Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur l'installation d'un centre d'enfouissement de déchets sur la commune de Pîtres. En novembre 2004, le préfet de l'Eure a proposé l'installation d'un centre d'enfouissement technique sur le territoire de la commune de Pîtres dans le département de l'Eure. Cette annonce, effectuée sans aucune concertation préalable, a suscité une levée de boucliers de la part des élus et des habitants de la vallée Galantine, lieu envisagé de l'implantation. Ce projet n'est pas nouveau, une installation comparable, finalement annulée par le tribunal administratif de Rouen puis par la cour administrative d'appel de Nantes, ayant déjà été décidée en 1997. Ces péripéties ont tellement agité la population locale que les élus sortants ont été battus par les opposants au projet litigieux en mars 2001. Ce simple rappel suffirait à montrer combien le sujet est sensible. La vallée Galantine est en effet d'exceptionnelle qualité, sur le plan écologique et paysager. La biodiversité qu'elle renferme s'explique par la présence de trois entités complémentaires : forêt, prairies et cultures dont de nombreux rapports scientifiques ont souligné l'intérêt. L'ensemble de ces éléments auraient dû convaincre l'État de renoncer définitivement à ce projet : il n'en n'est pourtant rien, le préfet ayant décidé de poursuivre le processus, en demandant une étude d'évaluation à la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement. Cette étude sera rendue publique à la fin du mois de juin. La question qui se pose est simple : peut-on envisager l'installation d'un tel centre d'enfouissement sur un territoire d'une telle qualité environnementale, contre l'avis de toute sa population et de tous ses élus ? Ce projet contre nature doit être clairement abandonné. Il attend une réponse précise à ce sujet en espérant qu'elle soit inspirée par le seul bon sens. Le déficit de l'Eure en termes de traitement des déchets ne justifie pas le sacrifice de la vallée Galantine.
|
Texte de la REPONSE :
|
PROJET DE CENTRE D'ENFOUISSEMENT DES DECHETS A PITRES DANS
L'EURE Mme la présidente. La parole est à
M. Pierre Albertini, pour exposer sa question, n° 1258. M. Pierre
Albertini. Madame la ministre de l'écologie et du développement
durable, permettez-moi d'associer à ma question François Loncle, député de
l'Eure, qui partage entièrement mon analyse. M. François
Loncle. Absolument ! M. Pierre Albertini. Le préfet
de l'Eure envisage aujourd'hui de donner suite au funeste projet de création par
la société SITA, sur une aire de stockage de 13 hectares environ, d'un centre
d'enfouissement technique permettant l'enfouissement de 1 300 000 mètres cubes
de déchets non valorisables sur une période de quatorze ans environ. Ce
projet est la résurgence d'un projet plus ancien qui avait échoué devant le
tribunal administratif puis devant la cour administrative d'appel. La vallée
Galantine, où l'on projette d'installer ce centre, est pourtant un site d'une
qualité exceptionnelle : c'est une vallée sèche largement boisée et
particulièrement fragile car constituée de coteaux crayeux, donc friables.
L'écoulement des eaux se fait très certainement dans cette couche de craie en
créant des cavités karstiques, et vous savez combien la Seine-Maritime et l'Eure
sont, hélas ! l'une et l'autre sujettes à ce fléau des marnières et des cavités
karstiques. Ce projet funeste rencontre l'opposition résolue et unanime des
élus locaux, et d'abord de ceux de la commune de Pîtres qui envisagent de créer
dans cette vallée une zone naturelle. Il rencontre aussi l'hostilité des élus
environnants, notamment de ceux de la communauté d'agglomération Seine-Eure et
du conseil général de l'Eure qui s'est prononcé à l'unanimité, toutes tendances
confondues, contre ce projet. Même si le traitement des déchets mérite que
chaque département prenne en charge ce problème de manière responsable, les
centres d'enfouissement technique ne doivent pas être créés n'importe où et dans
n'importe quelles conditions. Voilà pourquoi nous sommes très mobilisés sur ce
dossier. Nous attendons l'étude de faisabilité que M. le préfet a commandée à la
DRIRE. Les démarches que j'ai effectuées auprès de votre prédécesseur depuis
le mois de décembre sont restées jusqu'ici sans réponse. J'aimerais donc que ce
dossier soit traité avec le soin, la diligence et la capacité d'expertise dont
le ministère de l'écologie et du développement durable est
capable. M. François Loncle. Excellente question
! Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de
l'écologie et du développement durable. Mme Nelly Olin,
ministre de l'écologie et du développement durable. Messieurs Albertini
et Loncle, j'ai bien noté votre grande inquiétude sur ce projet de centre
d'enfouissement technique à Pîtres. Je sais que l'ouverture de telles
installations suscite toujours beaucoup de problèmes et que l'exercice est
difficile. Comme vous, je pense qu'il faut trouver un site adéquat, doté d'une
bonne desserte, avec une géologie adaptée, sans riverains à proximité immédiate
et où la réalisation d'un tel projet n'aura surtout pas d'impacts importants.
Évidemment, de tels sites sont rares et les projets suscitent beaucoup
d'opposition de la part des riverains, comme vous l'avez souligné. On
essaiera - car il faut garder à l'esprit que les usines d'incinération sont
nécessaires - de trouver les meilleurs sites et de faire en sorte qu'il y ait
adhésion des élus et de la population. Plusieurs études ont mis en évidence
le risque de voir un grand nombre de départements en situation de pénurie de
capacités de traitement d'ici à quelques années, car il est évident que les
projets n'aboutissent pas. Une telle perspective nous paraît très inquiétante,
car elle signifie que l'élimination des déchets risque de se concentrer sur
quelques sites seulement, avec pour conséquences un accroissement des transports
de déchets et une hausse des coûts du traitement, alors que celle-ci a déjà été
très forte au cours des dernières années. S'agissant du dossier que vous
évoquez, je vous signale qu'il ne s'agit pas d'une initiative d'État mais d'un
projet porté par un exploitant. Le préfet a pris bonne note des arguments
avancés par les opposants au projet. Il souhaite toutefois examiner la question
sous ses différents aspects et a demandé à ses services une analyse sur le
caractère stratégique du projet pour les industriels et artisans du nord de
l'Eure. Il s'agit d'apprécier les besoins réels et la pertinence du projet pour
y répondre. Cette étude, sur laquelle je veillerai personnellement et dont les
résultats devraient être disponibles prochainement, permettra en tout cas
d'éclairer le débat. Il me semble qu'une telle approche est adaptée à ce type de
situation. En outre, et vous le savez, l'exploitation d'un tel site est
soumise à autorisation préfectorale au titre des installations classées.
L'instruction du dossier de demande d'autorisation permet de s'assurer que
l'exploitant a pris les dispositions nécessaires pour prévenir les nuisances. À
ce stade, aucune demande d'autorisation n'a encore été déposée. Vous insistez
enfin sur le manque de concertation. Le porteur du projet a présenté ses
intentions au préfet en présence du maire de la commune au mois de novembre
dernier. Il me semble important d'assurer une large concertation le plus en
amont possible. Je demanderai au préfet qu'il en soit ainsi. Connaissant
votre implication personnelle dans ce dossier, je puis vous assurer que j'ai
demandé à mes services de le suivre avec une attention toute particulière et je
reste bien évidemment à votre disposition. Mme la
présidente. La parole est à M. Pierre Albertini. M. Pierre
Albertini. Madame la ministre, nous vous remercions pour les précisions
que vous venez de nous apporter. Nous notons avec satisfaction, et cela nous a
été confirmé hier, que le projet n'a pas encore été déposé. Il s'agit donc de
mettre en oeuvre une vigilance et une expertise particulières, comme vous vous y
êtes engagée à l'instant. J'insiste sur le fait que nous défendons l'intérêt
écologique et paysager, et non pas seulement la présence d'un habitat
relativement dispersé sur le site. À nos yeux, c'est vraiment l'intérêt général
qui doit primer sur toute autre considération. Je sais combien la tâche est
difficile, mais les élus sont à votre disposition pour essayer de trouver des
sites plus adaptés, chaque département devant traiter de manière responsable les
problèmes qu'il provoque lui-même.
|