Texte de la QUESTION :
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M. Daniel Garrigue attire l'attention de Mme la ministre de la défense sur les difficultés de l'établissement Eurenco de Bergerac. Il lui rappelle en effet que l'établissement SNPE de Bergerac appartient depuis janvier 2004 à la Société Eurenco France, filiale de la Société Eurenco, elle-même détenue à 60,2 % par la SNPE Matériaux énergétiques. En application des accords passés entre les actionnaires d'Eurenco, tous les sites concernés doivent rester en activité, notamment les deux sites de Bergerac et de Sorgues tout en accentuant progressivement la spécialisation de leur activité : c'est ainsi que le site de Bergerac devrait se spécialiser à terme dans la production d'objets combustibles pour les besoins français et scandinaves ainsi que pour l'exportation. Pour Bergerac, deux questions se trouvent aujourd'hui posées. D'une part, le délai de réalisation des équipements nécessaires à cette spécialisation et, d'autre part, le niveau du plan de charges de l'établissement jusqu'à ce que sa nouvelle activité soit effective. Or, les commandes actuelles de munitions ne paraissent pas assurer un plan de charges suffisant pour l'année 2005 et pour certaines des années suivantes. En conséquence, il lui demande quelles dispositions elle compte prendre pour renforcer le plan de charges de cet établissement par un niveau de commandes suffisant et pour que cet accord de coopération européenne en matière d'armement puisse devenir pleinement opérationnel aux échéances prévues.
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Texte de la REPONSE :
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SITUATION DE LA SOCIETE EURENCO DE BERGERAC Mme la présidente. La parole est à M. Daniel
Garrigue, pour exposer sa question, n° 1274, relative à la situation de la
société Eurenco de Bergerac. M. Daniel Garrigue. Madame la
ministre de la défense, ma question porte sur l'établissement Eurenco de
Bergerac. Cet ancien établissement des poudres, dépendant directement du
ministère de la défense, a été rattaché en 1972 à la SNPE. Depuis janvier 2004,
il appartient à la société Eurenco France, filiale de la société Eurenco,
elle-même issue d'un accord intervenu entre la SNPE, le finlandais Patria et le
suédois Saab en matière de fabrication de munitions. Aux termes de cet
accord, chacun des établissements existants, c'est-à-dire ceux de Bergerac et de
Sorgues en France, de Karlskoga en Suède et de Vihtavuori en Finlande,
continuerait de fonctionner, celui de Bergerac devant cesser son activité de
production de poudres à la fin de l'année 2007 pour se spécialiser dans celle
des charges modulaires à partir de 2008. Pour ce dernier établissement, deux
questions restent aujourd'hui posées. La première porte sur les
investissements nécessaires à cette spécialisation. Le marché de réalisation des
charges modulaires doit en effet être en principe notifié au premier semestre
2005, après une concertation entre la SNPE et GIAT Industries. La seconde
question, qui est beaucoup plus préoccupante, a trait au plan de charges des
prochaines années. Outre que celui-ci est très faible en 2005, il est à ce jour
quasiment nul pour 2006, et ce n'est qu'à partir de 2007 qu'il s'améliorerait.
Différentes solutions ont à cet égard été discutées entre la SNPE et le
ministère de la défense. L'une consisterait à reconstituer le stock de
douilles combustibles avant que les installations permettant de les produire ne
soient démantelées. Une autre reviendrait à anticiper la production de
certaines catégories de poudres - notamment celle destinée au canon de marine de
100 millimètres - dont l'envoi dans un site nordique aboutirait à des coûts
assez élevés de requalification. Enfin, une dernière solution reposerait sur
une anticipation des commandes de charges modulaires destinées au futur César,
armement nouveau de 155 millimètres. Quelles dispositions envisagez-vous de
prendre, madame la ministre, pour résoudre rapidement ce problème de plan de
charges ? Les responsables de la SNPE et d'Eurenco s'inquiètent beaucoup. Ils
en sont à se demander s'ils ne vont pas devoir interrompre l'activité, voire
fermer éventuellement ces établissements. Une telle décision serait
particulièrement regrettable. Elle serait très dommageable localement, mais
aussi pour l'Europe de la défense que vous défendez dont l'accord Eurenco, qui
constitue un bel exemple de coopération en matière d'armement, est une bonne
illustration. Mme la présidente. La parole est à Mme la
ministre de la défense. Mme Michèle Alliot-Marie,
ministre de la défense. Monsieur Garrigue, comme vous l'avez rappelé, le
site de Bergerac, au sein d'Eurenco, est un élément essentiel de la vaste
coopération entre la France et les pays nordiques - la Suède et la Finlande,
principalement. Cette coopération est vitale à notre industrie des poudres. Elle
seule peut lui donner une taille critique face à des marchés en décroissance et
à la concurrence étrangère. Depuis un an, mes équipes ont travaillé avec vous
sur les enjeux à long et court terme du site de Bergerac. Je souhaite saluer à
cet égard votre engagement durant ces travaux et votre esprit pragmatique et
ouvert. Ma première priorité a été d'assurer à ce site des perspectives dans
la durée : c'est dans cet esprit de responsabilité que j'ai décidé de financer
le développement des charges modulaires, produit sur lequel reposent son avenir
et sa spécialisation. Je vous confirme mes intentions sur ce dossier, et le
processus de contractualisation suit son cours. En attendant ce nouveau
produit, le site de Bergerac connaît un creux de charges dans les poudres et
objets combustibles. Pour répondre aux difficultés inhérentes à cette baisse, le
ministère de la défense a déjà anticipé plusieurs commandes. Je vous
confirme, comme je m'y étais engagée, mon intention de commander en 2006, 20 000
douilles combustibles de 155 mm pour l'AUF1. Vous comprendrez, néanmoins, que je
ne saurais commander au-delà des besoins de nos armées. Pour autant, mes
services restent très vigilants quant aux possibilités de commandes qui peuvent
encore apparaître, notamment dans la perspective de la fermeture de certaines
activités de poudres. Ainsi, l'essentiel, à savoir l'évolution vers un
nouveau produit, et donc l'avenir du site, est assuré. Soyez certain que je
serai très attentive à accompagner la transition et à chercher avec vous et les
équipes de mon ministère toutes les solutions dans cette période. Mme
la présidente. La parole est à M. Daniel Garrigue. M. Daniel
Garrigue. Madame la ministre, je suis sensible à l'attention que vous
portez au site de Bergerac. Simplement, les commandes prévues en 2006 risquent
de bénéficier beaucoup plus à GIAT Industries qu'aux établissements
Eurenco. Face aux inquiétudes qui pèsent sur le plan de charges, plusieurs
pistes sont en cours d'évaluation. Il faudrait parvenir à des commandes
significatives pour passer le cap jusqu'en 2007. Localement, l'enjeu est
fort, comme toujours dans les régions où l'industrie d'armement représente un
outil d'aménagement du territoire. Il est vrai que les commandes de munitions
sont souvent considérées en cas de difficultés budgétaires comme la variable
d'ajustement des budgets militaires. Mais il est vrai aussi, d'un point de vue
stratégique, qu'en période de crise la maîtrise des munitions est essentielle.
Certains pays voisins en ont fait l'expérience un peu amère lors de la première
guerre du Golfe. Enfin, je le répète, il est un autre enjeu, celui de la
constitution de l'Europe de la défense à laquelle je sais que vous êtes, comme
moi, très attachée. Un échec de l'accord Eurenco, qui serait un échec pour la
France, serait à cet égard très mal ressenti par nos partenaires suédois et
finlandais.
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