FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1347  de  M.   Desallangre Jacques ( Député-e-s Communistes et Républicains - Aisne ) QOSD
Ministère interrogé :  santé et solidarités
Ministère attributaire :  santé et solidarités
Question publiée au JO le :  20/12/2005  page :  11646
Réponse publiée au JO le :  21/12/2005  page :  8494
Rubrique :  institutions sociales et médico-sociales
Tête d'analyse :  Croix Rouge française
Analyse :  restructuration. conséquences
Texte de la QUESTION : M. Jacques Desallangre appelle l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur le retrait de la Croix Rouge dans les quartiers sensibles et auprès des populations frappées par le chômage et la misère. Ce désengagement intervient alors que la Croix Rouge est dans une situation financière enviable avec en 2004 un excédent de plus de 10 millions d'euros (8 + 2,4) en sus des 50 millions d'euros non utilisés et mis en réserve issus des dons « Tsunami ». L'essentiel des ressources et des dépenses (80 %) proviennent du fonctionnement des établissements (675 millions) qui ont soigné plusieurs milliers de personnes et formé 14 000 élèves en 2004. Les 750 centres et établissements qui ont pour activités principales les soins, l'action médico-sociale et la formation professionnelle, sont reconnus pour leur savoir-faire et leur caractère non lucratif. Selon les documents internes, l'importance des bénéfices réalisés depuis 2003 (et surtout en 2004) aurait dû permettre à la Croix Rouge « d'amplifier son engagement partout où la dignité est menacée et en tous lieux ou des besoins ne sont pas couverts ». Au lieu de respecter ses engagements et sa promesse, le président Matteï a décidé de licencier 137 salariés dans le cadre de la fermeture de certains centres. C'est un plan de licenciement massif prétendument pour des motifs économiques alors que l'association dégage d'importants bénéfices. Au-delà des arguments juridiques démontrant le caractère illégal des 137 licenciements, c'est aux milliers de bénéficiaires démunis qu'il faut songer. En se comportant ainsi la Croix Rouge participe au mouvement de désertification de l'offre de soins dans certaines de nos régions. L'égalité effective d'accès aux soins ne peut être obtenue que par la proximité car les plus démunis sont aussi souvent les moins mobiles. Mais la nouvelle direction de la Croix Rouge semble avec le changement de logo et de nom, préférer la communication à l'action. Il paraît souhaitable de remettre cette institution dans le droit chemin de la légalité et de l'humanisme. En conséquence, il lui demande d'imposer à la Croix Rouge de renoncer à son plan de licenciements et de fermeture de centres en raison des besoins criant des populations fragiles en matière d'accès aux soins et d'assistance.
Texte de la REPONSE :

CONSEQUENCES DE LA RESTRUCTURATION DE LA CROIX-ROUGE

M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre, pour exposer sa question, n° 1347, relative aux conséquences de la restructuration de la Croix-Rouge.
M. Jacques Desallangre. Monsieur le ministre de la santé et des solidarités, la Croix-Rouge, association qui fait très largement appel à la générosité publique et qui exerce des activités placées sous votre tutelle, se comporte, malgré son caractère non lucratif, comme les sociétés les plus soumises aux diktats des actionnaires.
En effet, la Croix-Rouge compte se séparer très prochainement de ses activités médicales les moins rentables dans des quartiers sensibles et auprès de populations frappées par le chômage et la misère. Ce désengagement intervient alors que la Croix-Rouge est dans une situation financière enviable avec, en 2004, un excédent de plus de 10 millions d'euros - en sus des 50 millions d'euros non utilisés et mis en réserve provenant des dons " tsunami ".
L'essentiel des ressources et des dépenses - 80 % - provient du fonctionnement des établissements - 675 millions -, lesquels ont soigné plusieurs milliers de personnes et formé 14 000 élèves en 2004. Les 750 centres et établissements, qui ont pour activités principales les soins, l'action médico-sociale et la formation professionnelle, sont reconnus pour leur savoir-faire et leur caractère non lucratif. Selon les documents internes, l'importance des bénéfices réalisés depuis 2003, et surtout en 2004, aurait dû permettre à la Croix-Rouge " d'amplifier son engagement partout où la dignité est menacée et en tous lieux où des besoins ne sont pas couverts ".
Mais, au lieu de respecter ses engagements et sa promesses, le président Mattei a décidé de licencier 137 salariés dans le cadre de la fermeture de certains centres. C'est un plan de licenciements massifs prétendument pour des motifs économiques, alors que l'association dégage d'importants bénéfices. Au-delà du caractère illégal des 137 licenciements, c'est aux milliers de bénéficiaires démunis qu'il faut songer.
Il semblerait en outre que, malgré le comité central d'entreprise prévu le 11 janvier, la direction anticiperait les fermetures de centres au 27 décembre. Ces comportements sont illégitimes et illégaux. En se comportant ainsi, la Croix Rouge participe au mouvement de désertification de l'offre de soins dans certaines de nos régions. L'égalité effective d'accès aux soins ne peut être obtenue que par la proximité car les plus démunis sont aussi souvent les moins mobiles.
En fait, la nouvelle direction de la Croix-Rouge semble, avec le changement de logo, préférer la communication à l'action. La santé, les soins deviennent, pour elle, des produits comme les autres.
Dans cette logique libérale, les centres ayant une productivité inférieure aux autres sont fermés. Voilà la nouvelle philosophie économique et libérale de la Croix-Rouge ! On est bien loin de l'économie sociale et solidaire. Il paraît souhaitable de remettre cette institution dans le droit chemin de la légalité et de l'humanisme.
Monsieur le ministre, allez-vous imposer à la Croix-Rouge de renoncer à son plan de licenciements et de fermeture de centres, qui pénaliserait les populations fragiles qui ont des besoins criants en matière d'accès aux soins et d'assistance ?
M. le président. La parole est à M. le ministre de la santé et des solidarités.
M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le député, vous avez souhaité appeler mon attention sur la situation de la Croix-Rouge française et sur le projet de redéploiement de ses activités.
La Croix-Rouge est une association loi 1901 et donc une entité juridiquement autonome, même si, l'État, c'est vrai, est représenté à son conseil d'administration, sans voix délibérative, par quatre représentants des ministères de la santé et des affaires sociales, des affaires étrangères, de l'intérieur et de la défense.
Sur le fond, monsieur le député, la Croix-Rouge est une entité aux multiples missions, qui couvre de nombreux champs de l'activité sociale : près de 20 000 collaborateurs, 1 800 unités partout sur le territoire. Il est dans la logique des choses que le périmètre de ses activités évolue dans le temps et dans l'espace.
Le redéploiement que vous évoquez concerne précisément neuf unités, soit 0,5 % des unités de la Croix-Rouge et 137 personnes, et donc autant de familles. Ce n'est pas un chiffre statistique, ce sont des réalités humaines. Les unités concernées sont diverses et sont au nombre de neuf : il s'agit, par exemple, d'un centre de PMI ou d'un centre de santé. À chaque fois, les structures sont très déficitaires. Un travail a été réalisé par la Croix-Rouge pour essayer de déterminer les causes de ce déficit et voir dans quelles conditions il était possible de changer les choses. Dans certains cas, la mission comme le financement de ces unités ont été remis en cause par un changement de leur environnement, par exemple le déconventionnement d'un centre de PMI.
La Croix-Rouge, qui veut adapter son organisation à ses missions, envisage de lancer un plan de sauvegarde pour l'emploi de ces 137 personnes, de façon à bien prendre en compte leur situation et leurs perspectives. D'ores et déjà, je peux vous indiquer que ces personnes seront prioritaires pour un reclassement au sein de l'association : plus de 200 postes aujourd'hui vacants leur seront proposés en priorité. Le comité central d'entreprise aura l'occasion d'examiner ce plan de sauvegarde en janvier prochain.
Je précise que nous parlons de la situation de centres et que, même si la situation de la Croix-Rouge, notamment dans les années passées, a été rendue plus favorable grâce aux dons récoltés en faveur du tsunami, il n'est pas possible d'affecter ces fonds à ces structures.
Je crois qu'il faut remettre les choses à leur juste mesure : dans le domaine social plus que dans un autre, pour être efficace et remplir ses missions, il faut aussi savoir s'adapter. C'est ce que fait la Croix-Rouge. Je prendrai un exemple qui concerne les Axonais et plus spécifiquement votre circonscription. La délégation locale de la Croix-Rouge de Chauny avait demandé une subvention pour aider au démarrage d'un service d'hospitalisation à domicile. Eh bien, l'agence régionale d'hospitalisation a, à ma demande, décidé d'apporter un soutien budgétaire, au titre de l'enveloppe " Aide à la contractualisation ", d'un montant de 33 000 euros, car je crois à l'avenir de l'hospitalisation à domicile. Ce nouveau service qui va donc se mettre en place dans un département qui nous est cher montre que la Croix-Rouge reste bien fidèle à sa vocation humaniste et sociale.
M. le président. La parole est à M. Jacques Desallangre.
M. Jacques Desallangre. Je souhaite, monsieur le ministre, que votre optimisme soit récompensé. La Croix-Rouge doit être très attentive au sort des 137 personnes qui vont être licenciées. J'espère qu'elle va leur offrir des postes, qu'elles pourront effectivement occuper.
M. le ministre de la santé et des solidarités. Des perspectives.
M. Jacques Desallangre. Dans le cas contraire, constatant que la Croix-Rouge se comporte mal, l'opinion pourrait en tirer des conséquences qui ne seraient pas favorables à la mobilisation de la générosité publique.

CR 12 REP_PUB Picardie O