FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1349  de  M.   Chossy Jean-François ( Union pour un Mouvement Populaire - Loire ) QOSD
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  20/12/2005  page :  11647
Réponse publiée au JO le :  21/12/2005  page :  8490
Rubrique :  donations et successions
Tête d'analyse :  droits de succession
Analyse :  réforme. perspectives. handicapés
Texte de la QUESTION : M. Jean-François Chossy s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la mise en place d'un pacte successoral prévu dans le projet de loi sur la réforme du droit des successions. Ce pacte permettrait à des frères et soeurs de renoncer à la succession de leur père et mère, aussi bien sur la quotité disponible que sur la réserve héréditaire, au profit de l'un d'entre eux qui serait handicapé. A ce jour, l'adulte handicapé vivant en foyer est tenu à contribution aux frais d'hébergement, puis à son décès, l'État exerce un droit à récupération sur succession, ce qui n'est pas le cas si le même handicapé était placé en MAS ou en hôpital psychiatrique. Cette contribution et cette récupération sont mal connues et il ne faudrait pas que des parents et des fratries soient attirés par un pacte successoral qui, au final, déposséderait toute la fratrie, alors que celle-ci pensait préserver le plus faible d'entre eux. Aussi, il souhaiterait savoir comment il envisage de concilier la mise en place du pacte successoral avec la situation actuelle, qui ne semble pas avoir été modifiée.
Texte de la REPONSE :

MISE EN PLACE DU PACTE SUCCESSORAL
EN FAVEUR DES HANDICAPES

M. le président. La parole est à M. Jean-François Chossy, pour exposer sa question, n° 1349, relative à la mise en place du pacte successoral en faveur des handicapés.
M. Jean-François Chossy. Si le garde des sceaux avait été présent dans notre hémicycle, je lui aurais d'abord posé une question concernant le département de la Loire. Permettez-moi néanmoins de la formuler et je vous excuserai, monsieur le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, de ne pouvoir y répondre.
J'ai eu le plaisir d'entendre M. le garde des sceaux dans une récente émission télévisée : je l'ai trouvé brillant, pertinent, percutant - et j'espère que cela lui sera rapporté par le Journal officiel. J'ai toutefois noté avec étonnement qu'il estimait envisageable, dans son département, de rapprocher les juridictions de Roanne, Saint-Étienne et Montbrison. J'aurais voulu profiter de l'occasion pour dire à M. le ministre de la justice que je tiens particulièrement - et je ne suis pas le seul - à ce que la juridiction de Montbrison soit maintenue en l'état. Il serait même souhaitable, autant que faire se peut, d'y nommer un juge d'instance supplémentaire pour que la justice de proximité y soit rendue de façon plus efficace encore.
Je souhaitais cependant poser une autre question à M. le garde des sceaux, et je ne doute pas, monsieur le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, que vous saurez y répondre. Elle m'a été inspirée par une famille que M. le garde des sceaux connaît personnellement et qui vit un problème particulier concernant la mise en place d'un pacte successoral prévu dans le projet de loi sur la réforme du droit des successions. Ce pacte permettrait à des frères et soeurs de renoncer à la succession de leur père et mère, aussi bien sur la quotité disponible que sur la réserve héréditaire, au profit de l'un d'entre eux qui serait handicapé. À ce jour, l'adulte handicapé vivant en foyer est tenu à contribution aux frais d'hébergement. À son décès, l'État exerce un droit à récupération sur succession, ce qui n'est pas le cas si le même handicapé était placé en maison d'accueil spécialisée ou en hôpital psychiatrique.
M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Absolument !
M. Jean-François Chossy. Cette contribution et cette récupération sont mal connues et il ne faudrait pas que des parents et des fratries soient attirés par un pacte successoral qui, au final, déposséderait toute la fratrie, alors que celle-ci pensait préserver le plus faible d'entre eux. Aussi, je souhaiterais savoir comment M. le garde des sceaux envisage de concilier la mise en place du pacte successoral avec la situation actuelle, qui ne semble pas avoir été modifiée.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche.
M. le ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le député, M. le garde des sceaux, qui ne pouvait être présent ce matin, vous prie de l'excuser. Je lui rapporterai vos propos sur la juridiction de Montbrison, et votre souhait d'y voir affecté un juge d'instance supplémentaire. Je suis persuadé qu'il sera attentif à cette demande.
Vous posez par ailleurs une question très pertinente - je me permets de le dire pour avoir également rencontré des cas particuliers où ce problème juridique se posait et pouvait revêtir une importance cruciale.
Le projet de réforme du droit des successions et des libéralités, qui sera examiné par votre assemblée le mois prochain, prévoit notamment la reconnaissance du pacte successoral. Permettez-moi d'abord de rappeler en quelques mots l'économie du dispositif. Il s'agit d'une innovation importante qui permettra à un héritier réservataire de renoncer à l'avance à remettre en cause une libéralité, faite au profit d'une ou de plusieurs personnes déterminées, et qui porterait atteinte à leurs droits d'héritiers réservataires.
Comme vous le savez, la prohibition générale des pactes sur succession future interdit actuellement de telles opérations, sans dérogation possible. La réforme permettra donc de donner un fondement légal aux pactes de famille qui, aujourd'hui, s'exposent à l'interdiction de la loi.
Comme vous le soulignez, ce dispositif novateur permettra en particulier à la famille d'une personne handicapée d'organiser à l'avance la succession en tenant compte de la situation particulière. Ainsi, les parents d'un enfant vulnérable pourront préparer avec davantage de sérénité l'avenir de leur enfant. Avec l'accord des autres héritiers réservataires, c'est-à-dire les frères et soeurs, ils pourront décider d'avantager l'enfant handicapé, sans prendre le risque que cet accord soit remis en cause ultérieurement.
Vous craignez, monsieur le député, que le droit de recours sur succession de l'aide sociale ne vienne grever totalement la succession de l'enfant handicapé et ne prive de façon définitive les frères et soeurs de la possibilité de récupérer l'avantage qu'ils avaient consenti à leur frère ou à leur soeur handicapé sa vie durant. Le garde des sceaux tient à vous rassurer : il n'en est rien.
Tout d'abord, si le pacte successoral a été conclu pour avantager l'enfant handicapé, c'est précisément pour lui permettre de bénéficier de ressources supplémentaires sa vie durant et, ainsi, lui épargner d'être un jour à la charge de la collectivité. De tels pactes doivent donc en principe éviter que l'enfant handicapé ne soit pris en charge au titre de l'aide sociale.
Par ailleurs, vous savez - je connais le rôle que vous avez joué dans l'examen de ce texte - que la prestation de compensation créée par la loi du 11 février 2005 sur les droits des personnes handicapées n'ouvre pas droit à un recours sur succession. Seules les sommes exposées au titre de l'aide sociale ouvrent droit à un tel recours.
Enfin, même s'il devait rester une créance de l'aide sociale sur la succession, la réforme des successions permettra de protéger les frères et soeurs contre le risque de perdre définitivement l'avantage qu'ils avaient consenti. En effet, la réforme consacre la notion de " libéralité résiduelle ", qui permettra notamment de prévoir que, au décès de l'enfant handicapé, les biens qui lui ont été donnés ne feront pas partie de sa succession, mais seront transmis directement aux frères et soeurs.
Ainsi, le mécanisme du pacte successoral, adjoint à celui d'une libéralité résiduelle, permettra d'une part de protéger l'enfant handicapé sa vie durant, d'autre part de garantir aux frères et soeurs que la part successorale à laquelle ils ont renoncé pour favoriser l'enfant handicapé ne sera pas absorbée par les dettes de sa succession.
Sans doute cette réforme est-elle de nature à vous satisfaire totalement.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Chossy.
M. Jean-François Chossy. Monsieur le ministre, autant j'apprécie les réponses précises et apaisantes du garde des sceaux s'agissant du pacte successoral, autant j'espère avoir les mêmes apaisements concernant l'attribution du juge d'instance. (Sourires.)
M. le président. Le garde des sceaux sera certainement sensible à votre remarque, mon cher collègue.

UMP 12 REP_PUB Rhône-Alpes O