Texte de la QUESTION :
|
M. Jean-François Chossy s'adresse à M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la mise en place d'un pacte successoral prévu dans le projet de loi sur la réforme du droit des successions. Ce pacte permettrait à des frères et soeurs de renoncer à la succession de leur père et mère, aussi bien sur la quotité disponible que sur la réserve héréditaire, au profit de l'un d'entre eux qui serait handicapé. A ce jour, l'adulte handicapé vivant en foyer est tenu à contribution aux frais d'hébergement, puis à son décès, l'État exerce un droit à récupération sur succession, ce qui n'est pas le cas si le même handicapé était placé en MAS ou en hôpital psychiatrique. Cette contribution et cette récupération sont mal connues et il ne faudrait pas que des parents et des fratries soient attirés par un pacte successoral qui, au final, déposséderait toute la fratrie, alors que celle-ci pensait préserver le plus faible d'entre eux. Aussi, il souhaiterait savoir comment il envisage de concilier la mise en place du pacte successoral avec la situation actuelle, qui ne semble pas avoir été modifiée.
|
Texte de la REPONSE :
|
MISE EN PLACE DU PACTE SUCCESSORAL EN FAVEUR DES HANDICAPES
M. le président. La parole est à M.
Jean-François Chossy, pour exposer sa question, n° 1349, relative à la mise en
place du pacte successoral en faveur des handicapés. M. Jean-François
Chossy. Si le garde des sceaux avait été présent dans notre hémicycle,
je lui aurais d'abord posé une question concernant le département de la Loire.
Permettez-moi néanmoins de la formuler et je vous excuserai, monsieur le
ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche, de ne pouvoir y
répondre. J'ai eu le plaisir d'entendre M. le garde des sceaux dans une
récente émission télévisée : je l'ai trouvé brillant, pertinent, percutant - et
j'espère que cela lui sera rapporté par le Journal officiel. J'ai
toutefois noté avec étonnement qu'il estimait envisageable, dans son
département, de rapprocher les juridictions de Roanne, Saint-Étienne et
Montbrison. J'aurais voulu profiter de l'occasion pour dire à M. le ministre de
la justice que je tiens particulièrement - et je ne suis pas le seul - à ce que
la juridiction de Montbrison soit maintenue en l'état. Il serait même
souhaitable, autant que faire se peut, d'y nommer un juge d'instance
supplémentaire pour que la justice de proximité y soit rendue de façon plus
efficace encore. Je souhaitais cependant poser une autre question à M. le
garde des sceaux, et je ne doute pas, monsieur le ministre délégué à
l'enseignement supérieur et à la recherche, que vous saurez y répondre. Elle m'a
été inspirée par une famille que M. le garde des sceaux connaît personnellement
et qui vit un problème particulier concernant la mise en place d'un pacte
successoral prévu dans le projet de loi sur la réforme du droit des successions.
Ce pacte permettrait à des frères et soeurs de renoncer à la succession de leur
père et mère, aussi bien sur la quotité disponible que sur la réserve
héréditaire, au profit de l'un d'entre eux qui serait handicapé. À ce jour,
l'adulte handicapé vivant en foyer est tenu à contribution aux frais
d'hébergement. À son décès, l'État exerce un droit à récupération sur
succession, ce qui n'est pas le cas si le même handicapé était placé en maison
d'accueil spécialisée ou en hôpital psychiatrique. M. François
Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la
recherche. Absolument ! M. Jean-François Chossy. Cette
contribution et cette récupération sont mal connues et il ne faudrait pas que
des parents et des fratries soient attirés par un pacte successoral qui, au
final, déposséderait toute la fratrie, alors que celle-ci pensait préserver le
plus faible d'entre eux. Aussi, je souhaiterais savoir comment M. le garde des
sceaux envisage de concilier la mise en place du pacte successoral avec la
situation actuelle, qui ne semble pas avoir été modifiée. M. le
président. La parole est à M. le ministre délégué à l'enseignement
supérieur et à la recherche. M. le ministre délégué à l'enseignement
supérieur et à la recherche. Monsieur le député, M. le garde des
sceaux, qui ne pouvait être présent ce matin, vous prie de l'excuser. Je lui
rapporterai vos propos sur la juridiction de Montbrison, et votre souhait d'y
voir affecté un juge d'instance supplémentaire. Je suis persuadé qu'il sera
attentif à cette demande. Vous posez par ailleurs une question très
pertinente - je me permets de le dire pour avoir également rencontré des cas
particuliers où ce problème juridique se posait et pouvait revêtir une
importance cruciale. Le projet de réforme du droit des successions et des
libéralités, qui sera examiné par votre assemblée le mois prochain, prévoit
notamment la reconnaissance du pacte successoral. Permettez-moi d'abord de
rappeler en quelques mots l'économie du dispositif. Il s'agit d'une innovation
importante qui permettra à un héritier réservataire de renoncer à l'avance à
remettre en cause une libéralité, faite au profit d'une ou de plusieurs
personnes déterminées, et qui porterait atteinte à leurs droits d'héritiers
réservataires. Comme vous le savez, la prohibition générale des pactes sur
succession future interdit actuellement de telles opérations, sans dérogation
possible. La réforme permettra donc de donner un fondement légal aux pactes de
famille qui, aujourd'hui, s'exposent à l'interdiction de la loi. Comme vous
le soulignez, ce dispositif novateur permettra en particulier à la famille d'une
personne handicapée d'organiser à l'avance la succession en tenant compte de la
situation particulière. Ainsi, les parents d'un enfant vulnérable pourront
préparer avec davantage de sérénité l'avenir de leur enfant. Avec l'accord des
autres héritiers réservataires, c'est-à-dire les frères et soeurs, ils pourront
décider d'avantager l'enfant handicapé, sans prendre le risque que cet accord
soit remis en cause ultérieurement. Vous craignez, monsieur le député, que le
droit de recours sur succession de l'aide sociale ne vienne grever totalement la
succession de l'enfant handicapé et ne prive de façon définitive les frères et
soeurs de la possibilité de récupérer l'avantage qu'ils avaient consenti à leur
frère ou à leur soeur handicapé sa vie durant. Le garde des sceaux tient à vous
rassurer : il n'en est rien. Tout d'abord, si le pacte successoral a été
conclu pour avantager l'enfant handicapé, c'est précisément pour lui permettre
de bénéficier de ressources supplémentaires sa vie durant et, ainsi, lui
épargner d'être un jour à la charge de la collectivité. De tels pactes doivent
donc en principe éviter que l'enfant handicapé ne soit pris en charge au titre
de l'aide sociale. Par ailleurs, vous savez - je connais le rôle que vous
avez joué dans l'examen de ce texte - que la prestation de compensation créée
par la loi du 11 février 2005 sur les droits des personnes handicapées n'ouvre
pas droit à un recours sur succession. Seules les sommes exposées au titre de
l'aide sociale ouvrent droit à un tel recours. Enfin, même s'il devait rester
une créance de l'aide sociale sur la succession, la réforme des successions
permettra de protéger les frères et soeurs contre le risque de perdre
définitivement l'avantage qu'ils avaient consenti. En effet, la réforme consacre
la notion de " libéralité résiduelle ", qui permettra notamment de prévoir que,
au décès de l'enfant handicapé, les biens qui lui ont été donnés ne feront pas
partie de sa succession, mais seront transmis directement aux frères et
soeurs. Ainsi, le mécanisme du pacte successoral, adjoint à celui d'une
libéralité résiduelle, permettra d'une part de protéger l'enfant handicapé sa
vie durant, d'autre part de garantir aux frères et soeurs que la part
successorale à laquelle ils ont renoncé pour favoriser l'enfant handicapé ne
sera pas absorbée par les dettes de sa succession. Sans doute cette réforme
est-elle de nature à vous satisfaire totalement. M. le
président. La parole est à M. Jean-François Chossy. M.
Jean-François Chossy. Monsieur le ministre, autant j'apprécie les
réponses précises et apaisantes du garde des sceaux s'agissant du pacte
successoral, autant j'espère avoir les mêmes apaisements concernant
l'attribution du juge d'instance. (Sourires.) M. le
président. Le garde des sceaux sera certainement sensible à votre
remarque, mon cher collègue.
|