Texte de la REPONSE :
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AVENIR DE LA FILIERE DE RECUPERATION TEXTILE M. le président. La parole est à M. François
Rochebloine, pour exposer sa question, n° 1369, relative à l'avenir de la
filière de récupération textile. M. François Rochebloine.
Monsieur le président, madame la ministre déléguée au commerce extérieur, mes
chers collègues, lors de la discussion du projet de loi de finances
rectificative pour 2005, la représentation nationale a été amenée à débattre de
l'avenir de la filière de récupération textile, dont les difficultés sont
désormais notoires. À la faveur des discussions autour de l'amendement, adopté
par notre assemblée puis par le Sénat, visant à instituer une " contribution
environnementale textile " de quelques centimes d'euros par article, vite
baptisée " taxe Emmaüs ", différentes interrogations ont pu être formulées,
attestant qu'il existe là un vrai sujet de préoccupation, tant d'un point de vue
économique et social que d'un point de vue environnemental. Comment enrayer
en effet la crise actuelle de la filière de récupération textile ? Cette crise
se traduit déjà par l'abandon, dans certaines communes, de la collecte des vieux
vêtements par des organismes d'insertion spécialisés, les entreprises n'étant
pas en mesure de prendre le relais, toujours pour des motifs
économiques. Aujourd'hui, au-delà du secteur de l'insertion, des
collectivités locales et leurs habitants s'interrogent sur cette situation
nouvelle qui est complète contradiction avec les discours sur le tri sélectif et
le développement durable. Plusieurs explications ont été avancées : la baisse
de la qualité des textiles récupérés, qui limite l'intérêt du réemploi, ou
encore l'augmentation des coûts de collecte, de transformation et d'élimination.
Les facteurs de baisse de la rentabilité économique de cette activité, s'ils
devaient perdurer, poseraient à terme la question de la survie des entreprises
et des associations, et ce faisant condamneraient une filière de recyclage et de
valorisation, avec pour conséquence inévitable un transfert de volume sur les
ordures ménagères. On le voit, les données du problème se compliquent. Si
j'admets volontiers que ce dossier doit faire l'objet d'une concertation
approfondie avec l'ensemble des acteurs concernés - producteurs industriels,
représentants de la distribution, structures d'insertion, collectivités locales
-, il est néanmoins essentiel de ne pas perdre trop de temps, car il y a une
certaine urgence à traiter un problème qui met en jeu plusieurs milliers
d'emplois. Certes, les difficultés du secteur du textile-habillement ont
largement pesé dans le retrait de l'amendement relatif à la contribution
spécifique du secteur textile lors de la seconde délibération demandée par le
Gouvernement. Cependant, conscient de l'importance du problème, le ministre a
pris l'engagement ferme de réunir dès ce mois de janvier un groupe de travail
chargé de proposer un dispositif adapté dans les six mois. Nous ne pouvons
qu'encourager une telle démarche, sachant que la contribution environnementale
textile proposée par Emmaüs France s'inspirait d'autres dispositifs en vigueur
ou en plein essor et qui ont d'ores et déjà permis de pérenniser le financement
de filières de recyclage et de valorisation de déchets. Aussi, considérant
les engagements pris par le Gouvernement, je souhaiterais savoir, madame la
ministre, dans quelle direction vous entendez conduire les réflexions et faire
porter les efforts en vue de l'obtention d'un dispositif compatible avec les
différents intérêts en présence. Il est indispensable de ne pas laisser se
dégrader davantage la situation de ce secteur : des mesures de soutien
s'imposent. M. le président. La parole est à Mme la ministre
déléguée au commerce extérieur. Mme Christine Lagarde,
ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le député, vous avez
appelé l'attention du Gouvernement sur le financement du recyclage des textiles
usagés, notamment par des entreprises d'insertion au premier rang desquelles
figure Emmaüs. La discussion budgétaire a donné lieu à des débats denses sur
ce sujet, notamment lors de l'examen des amendements visant à instituer une taxe
nouvelle sur les distributeurs de textiles afin de financer la collecte des
produits textiles usagés. Cependant, il n'était pas possible de prendre une
décision dès le projet de loi de finances pour 2006 pour des raisons tant de
forme que de fond. Sur la forme, à aucun moment l'ensemble des acteurs
concernés n'ont été réunis pour évoquer le financement du recyclage des
textiles. Prétendre taxer un secteur économique entier sans jamais en avoir
rencontré préalablement les acteurs pour en débattre, c'est une démarche qui n'a
plus grand-chose à voir, me semble-t-il, avec le principe qui veut que, dans une
démocratie moderne, tous ceux qui sont concernés soient entendus. Sur le
fond, j'appelle votre attention sur deux points. Tout d'abord, le secteur de
l'industrie textile - tout comme celui de l'électroménager, évoqué dans la
question précédente -, est actuellement l'un de ceux qui se battent le plus
courageusement dans le contexte d'une concurrence mondiale accrue. Nous sommes,
les uns et les autres, responsables de la préservation de nos activités dans
tous les secteurs économiques et sur tous les territoires : ce n'est pas vous,
monsieur le député, qui me contredirez. L'argument selon lequel l'industrie ne
sera pas touchée car c'est la distribution qui est taxée ne tient pas : les
distributeurs risquent en effet d'en répercuter le coût directement sur les
producteurs, ce qui pourrait se traduire par de nouvelles suppressions d'emplois
en France. Ensuite, dans sa décision sur le projet de loi de finances pour
2006, le Conseil constitutionnel a réaffirmé fermement les conditions très
strictes permettant l'affectation d'une taxe. En effet, aux termes de l'article
2 de la LOLF - notre nouvelle constitution budgétaire -, " les impositions de
toute nature ne peuvent être directement affectées à un tiers qu'à raison des
missions de service public confiées à lui et sous les réserves prévues par les
articles 34, 36 et 51 ". Le Conseil constitutionnel confirme donc sa décision du
25 juillet 2001, qui disposait que " la loi ne peut affecter directement à un
tiers des impositions de toutes natures qu'à raison des missions de service
public confiées à lui ". Ces conditions n'étaient manifestement pas réunies pour
affecter directement une taxe aux mouvements de solidarité concernés. C'est
pourquoi M. Jean-François Copé - que je ne représente pas ici, puisque je vous
réponds au nom de Mme Olin - a pris l'engagement dans cet hémicycle, le 21
décembre dernier, de travailler en concertation avec tous les acteurs du secteur
pour trouver la meilleure formule possible. Cet engagement sera tenu : M. Copé
réunira très prochainement les différents acteurs économiques de la filière
textile : producteurs, distributeurs, consommateurs et récupérateurs. Des
parlementaires et des représentants des collectivités territoriales seront
naturellement associés à ce groupe de travail, qui tiendra ses réunions dans les
délais prévus. M. le président. La parole est à M. François
Rochebloine. M. François Rochebloine. Je vous remercie pour
les précisions que vous avez bien voulu apporter, madame la ministre. Je me
permets toutefois de rappeler qu'en l'occurrence il ne s'agit pas d'une taxe,
mais d'une " contribution environnementale textile ", ce qui est sensiblement
différent. De nombreuses filières, tels le verre, les pneus, les piles, les
déchets d'équipements électriques et électroniques, font l'objet d'une
reconnaissance de ce type. Je prends acte de la concertation prévue par M.
Jean-François Copé. J'espère qu'elle aura lieu le plus rapidement possible et
qu'une solution sera trouvée. N'oublions pas qu'avec Emmaüs, ce sont 2 000
emplois qui sont en jeu !
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