Texte de la REPONSE :
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PERSPECTIVES DE REFORME DE LA COOPERATION INTERCOMMUNALE M. le président. La parole est à M. Thierry
Lazaro, pour exposer sa question, n° 1381, relative aux perspectives de réforme
de la coopération intercommunale. M. Thierry Lazaro.
Monsieur le ministre, le récent rapport de la Cour des Comptes, rendu public le
23 novembre dernier par son président Philippe Séguin, a mis en évidence les
difficultés que nous connaissons à faire vivre l'intercommunalité en
France. Nos collègues députés, très souvent titulaires de mandats exécutifs
locaux, seront d'accord pour constater en effet que nos communes adhèrent à de
multiples structures intercommunales aux compétences aussi nombreuses que
diverses : SIVOM, SIVU, SIRIOM pour le ramassage et l'incinération des ordures
ménagères, syndicats mixtes, communautés urbaines, de communes ou
d'agglomération, syndicats d'agglomération nouvelle, et j'en passe. Nous devons
admettre, ce que je fais souvent en tant que maire, que les élus ont parfois du
mal à appréhender le fonctionnement de la coopération intercommunal, et plus
encore les administrés qui se demandent souvent en toute bonne foi qui fait quoi
et dans quelles conditions. Des avancées législatives ont pourtant eu lieu et
elles ont permis d'entrevoir une intercommunalité de projet reposant sur
l'affirmation d'une identité territoriale plutôt qu'une simple intercommunalité
de moyens. Toutefois, le rapport de la Cour des comptes aboutit à un constat
préoccupant, s'agissant de la relation que les élus locaux sont censés
entretenir avec les populations mais aussi de nos institutions. Les
structures intercommunales existantes, et notamment celles qui disposent de
l'autonomie financière, n'ont pu en effet intégrer la totalité des compétences
gérées par les anciennes structures. Elles ne se sont pas non plus développées à
l'intérieur de périmètres cohérents caractéristiques de leur identité
culturelle, géographique, environnementale et correspondant à leur bassin de
vie. Je n'évoquerai pas davantage les difficultés qu'elles ont à entrevoir une
stratégie pour mettre en oeuvre leurs compétences fiscales. Je relève enfin que
le foisonnement de structures diverses, constitue, dans de nombreux cas, une
source d'opacité et de coût, pour ne pas dire de surcoût. Monsieur le
ministre, le Gouvernement envisage-t-il une adaptation de notre législation pour
rendre définitivement cohérent, comme c'est la cas ailleurs en Europe, notre
paysage intercommunal jusqu'à présent caractérisé par un enchevêtrement de
structures de coopération et une dilution des compétences ? Le travail des
élus locaux sur le terrain, leur participation aux efforts entrepris en faveur
de la cohésion nationale mais aussi les aspirations de chacun à l'amélioration
de notre démocratie locale exigent de nouvelles mesures. L'une des mesures
phares préconisées par le rapport " Séguin " consiste à confier aux préfets le
soin d'établir dans chaque département un schéma de simplification de la
coopération intercommunale, soumis à la commission départementale de coopération
intercommunale. Cette première mesure va assurément dans le bon sens et elle
conduira à mon sens à la suppression de structures inopérantes dont les
compétences pourraient être reprises par les structures à fiscalité
propre. Redéfinition des périmètres, redistribution des compétences, mais
aussi nouvelle dénomination des EPCI, telles sont en effet les mesures qui
peuvent être envisagées. Aux dénominations législatives de communauté de
communes, d'agglomération ou de communautés urbaines, ne pourrait-on pas y
substituer par exemple, quelle que soit d'ailleurs l'importance de l'entité
concernée, la nouvelle dénomination de " communauté territoriale "
? L'intercommunalité est également confrontée à un problème d'identité et de
lisibilité qu'il va bien falloir prendre en compte. Je vous remercie de la
réponse que vous voudrez bien nous apporter. M. le
président. La parole est à M. le ministre délégué aux collectivités
territoriales. M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux
collectivités territoriales. Monsieur le député, vous avez évoqué un sujet
d'actualité très important. Nous en avons débattu, notamment à l'occasion du
congrès de l'Association des maires. Si je ne partage pas totalement votre
pessimisme, je comprends et partage certaines de vos interrogations. Le
constat est clair : en quinze ans, l'intercommunalité à fiscalité propre s'est à
l'évidence imposée dans le paysage administratif. À l'origine, elle paraissait
très prometteuse pour parvenir à une nouvelle structuration du
territoire. Vous avez évoqué plusieurs rapports importants qui ont signalé
des dysfonctionnements, notamment le rapport du Conseil économique et social,
celui, tout récent, de la Cour des comptes, celui d'Hervé Mariton, et celui,
plus récent encore, de Patrick Beaudouin et de Philippe Pemezec. Ces rapports
ont souligné les limites ou le caractère inachevé de la mise en place de
l'intercommunalité. Plusieurs réponses ont d'ores et déjà été apportées par
le ministère de l'intérieur. Des instructions très précises, signées par le
ministre d'État ou par moi-même, ont été adressées aux préfets : elles portent
notamment sur quatre améliorations auxquelles procéder dans les meilleurs délais
et dans le cadre d'un dialogue efficace et constructif avec les élus locaux. Ces
améliorations consistent dans un effort de cohérence en matière de périmètres,
dans la définition de l'intérêt communautaire - j'ai accordé un délai
supplémentaire d'un an, qui s'achèvera le 18 août 2006 et n'ira pas au-delà -,
dans la clarification des relations financières entre les établissements publics
et les communes membres et dans des transferts de patrimoine et, j'insiste sur
ce dernier point, de personnels, afin d'éviter toute redondance et de dégager
des économies d'échelle. Je rappellerai que la fonction publique communale est
passée, si je me souviens bien, ces trois dernières années, de 1,041 million à
1,096 million de personnes et que les personnels employés par les établissements
publics sont passés durant la même période de 116 000 à 162 000 : ces chiffres
révèlent un gonflement manifeste des effectifs des deux fonctions publiques
communale et intercommunale, alors qu'il était légitime de s'attendre au
phénomène inverse. Les préfets élaboreront pour la fin du premier semestre
2006 un schéma d'orientation de l'intercommunalité dans leur département, schéma
qui affichera les ambitions de simplification à mettre en oeuvre à court terme.
Je souhaite, monsieur le député, que les préfets travaillent étroitement avec
les élus membres des CDCI. Pour le démontrer, je participerai moi-même à une de
ces commissions dans quelques jours à Angers. En ce qui concerne les
éventuelles modifications législatives, je ne veux, là encore, aucune
autocensure. Toutes les dispositions qui apparaîtront indispensables pour
rationaliser le mouvement intercommunal devront être recensées - je vous
remercie d'y contribuer - et évaluées afin d'alimenter, si cela se révèle
nécessaire, une initiative du Gouvernement ou du Parlement dans ce
domaine. Je souhaite, pour ma part, engager plusieurs réflexions. La
première, de nature politique, vise à garantir un fonctionnement plus
démocratique des EPCI à fiscalité propre. Pour ce faire, il faut tout d'abord
faciliter l'accès des citoyens à l'information sur la fiscalité cumulée des
communes et des EPCI lorsque ceux-ci sont à fiscalité additionnelle. Ce point
n'a pas constitué un sujet de préoccupation majeur lors de débat qui a précédé
les élections municipales de 2001 : je suis persuadé qu'il n'en sera pas de même
en 2008 pour le citoyen usager et électeur contribuable. Il faut également
mettre en place une présentation consolidée par fonction, qui apporte une vue
budgétaire d'ensemble, c'est-à-dire relative à toutes les dépenses et à toutes
les recettes de la communauté et des communes membres. La deuxième réflexion,
de nature institutionnelle, vise à faciliter le retrait d'une commune en cas de
blocage du fonctionnement normal d'un EPCI - je pourrais vous citer un exemple
dans le Puy-de-Dôme - ou à proposer de nouvelles compétences obligatoires,
notamment pour les affaires scolaires - entretien des bâtiments, transports,
gestion des personnels hors éducation nationale, gestion de la carte scolaire -
ou encore, c'est d'actualité, pour le déneigement des routes pour les EPCI
situées en zone de montagne. Ma troisième réflexion est de nature financière
: elle vise à apporter des réponses concrètes à la question des charges de
centralité, ce qui pourrait nous conduire à recommander la mise en oeuvre à
titre expérimental d'une DGF " territoriale " - vous avez proposé le mot,
monsieur le député, pour dénommer certains niveaux de collectivités -, laquelle
regrouperait dans une seule enveloppe les dotations des communes membres et la
dotation de fonctionnement de la communauté. Ces réflexions ne constituent
pas encore des intentions mais, si vous y êtes favorable, monsieur le député,
elles pourraient préfigurer les contours des solutions à retenir à plus ou moins
long terme - il convient d'être prudent.
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