Texte de la REPONSE :
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LICENCIEMENTS A LA SOCIETE NEXANS A CHAUNY DANS L'AISNE M. le président. La parole est à M. Jacques
Desallangre, pour exposer sa question, n° 1387, relative aux licenciements à la
société Nexans à Chauny dans l'Aisne. M. Jacques
Desallangre. Monsieur le ministre, plus de cinquante employés de
l'usine Nexans de Chauny seront licenciés dans quelques semaines. La raison
officielle en serait que " la crise mondiale du cuivre affecte la rentabilité de
l'entreprise et menace son avenir ". La réalité est bien différente : Nexans est
le leader mondial de l'industrie des câbles et systèmes de câblage, avec 20 000
emplois, 4 900 millions d'euros de chiffre d'affaires et un bénéfice net
distribuable de 73 441 090 euros. Cette année, cette entreprise a racheté une
partie de ses actions au plus haut cours, pour augmenter, bien entendu, le
profit de ses actionnaires. Depuis exactement trois ans, l'entreprise Nexans a
multiplié par 400 % sa capitalisation boursière. Ses actionnaires ont vu leur
dernier dividende multiplié par 150 %. pourtant Nexans ; tirant les
conséquences de la monstrueuse inspiration de l'arrêt de la cour de cassation du
11 janvier dernier, sera l'une des deux premières entreprises en France à
pratiquer le licenciement " préventif ", surfant sur le flou du nouveau concept
jurisprudentiel de licenciement destiné à " prévenir les difficultés économiques
à venir ". Selon cet arrêt, la réorganisation de l'entreprise n'a pas à être
subordonnée à des difficultés économiques à la date du licenciement. Ainsi il
n'est plus besoin pour l'employeur de prouver des difficultés économiques
réelles, d'établir leur intensité ou leurs conséquences financières. Il lui
suffit de prétendre qu'il se pourrait que, dans un avenir indéterminé,
l'entreprise doive s'adapter aux évolutions du marché et connaisse des
difficultés. Que d'incertitudes, alors que les licenciements seront, eux, bien
réels. L'objet de cette nouvelle offensive libérale est en fait de faire
peser sur les salariés le risque de perdre leur emploi même si les conditions
sont favorables. Ainsi, grâce à cette nouvelle contrainte, le salarié devra
accepter servilement le durcissement des conditions de travail et la réduction
de là masse salariale destinés à accroître encore la rentabilité du capital
investi. Monsieur le ministre, face à une telle décision, qui conforte des
pratiques humainement insupportables, ma proposition de loi visant à empêcher la
pratique de licenciements boursiers camouflés derrière la fallacieuse
qualification de " licenciements économiques " est plus que jamais opportune.
Soit on veut interdire ces licenciements boursiers, qui se moquent des
difficultés de notre pays et des efforts nécessaires pour préserver l'emploi,
dont vous nous assurez qu'ils sont votre priorité, soit on supporte que les
détenteurs du capital, maîtres de la gouvernance économique, accumulent toujours
plus de profits, sans un regard pour la misère humaine qu'engendre leur égoïsme
irresponsable. Et si on veut interdire ces licenciements boursiers, on doit
accepter la discussion de ma proposition de loi, exacte réplique à cet arrêt,
qui abandonne encore plus le sort des salariés à l'appétit du capital ? Le
mot de justice aura-t-il encore un sens, monsieur le ministre, si personne ne se
lève pour défendre, sans retard et sans faiblesse, les salariés contre la
férocité des appétits financiers ? M. le président. La
parole est à M. le ministre délégué à la promotion de l'égalité des
chances. M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion
de l'égalité des chances. Monsieur le député, vous appelez l'attention du
Gouvernement sur la réorganisation de l'entreprise Nexans basée à Chauny, dont
le plan de sauvegarde de l'emploi envisagerait la suppression de 51 postes, sur
les 208 que compte le site. Vous estimez que cette restructuration est
scandaleuse, alors que Nexans réalise des profits considérables, et demandez au
Gouvernement d'interdire les licenciements boursiers. La société Nexans est
spécialisée dans la production et la commercialisation des fils de cuivre nu,
sur un site qu'elle partage avec son fournisseur, la société de Coulée Continue
de Cuivre. Elle doit faire face aux nouvelles pressions qui s'exercent sur un
marché géographiquement limité, et qui se traduisent par des prix de vente en
décrue permanente et une concurrence atomisée. Dans ce contexte, courant
2005, l'entreprise a dû recourir ponctuellement à la mise en chômage partiel de
ses salariés de production. Elle doit donc adapter sa structure à ces
contraintes externes qui provoquent un effondrement de son chiffre d'affaires
sans que les perspectives pour 2006 permettent d'envisager un redressement. Dans
le même temps, elle doit également procéder à un redéploiement de ses activités
sur de nouveaux segments de marché tout en réduisant ses frais fixes. Ce
projet a été présenté en septembre 2005 au comité d'entreprise, qui a validé en
novembre le plan de sauvegarde de l'emploi. Celui-ci comprend de nombreuses
mesures d'accompagnement des cinquante et un salariés touchés et facilite
notamment les départs volontaires en retraite anticipée ainsi qu'en mobilité
interne au groupe. La dynamique engagée par ce plan de sauvegarde a déjà permis
de réduire à vingt-quatre le nombre des licenciements, dont les départs, au
terme du déploiement des différentes mesures, se dérouleront jusqu'à la fin de
cette année. Comme vous le voyez, les services de l'État, en particulier la
Direction départementale du travail de l'emploi et de la formation
professionnelle de l'Aisne, ont suivi et continue à suivre avec grande attention
ce dossier. Cette vigilance a porté sur la qualité des mesures sociales
proposées, qui devaient être à la hauteur des moyens financiers du groupe. Le
Gouvernement attache la plus grande importance au respect de la responsabilité
sociale d'entreprise de tels groupes. C'est ce qui l'a conduit l'été dernier à
intervenir fermement auprès de la direction de la société Hewlett-Packard qui
avait annoncé la suppression de 1 240 postes, chiffre ramené dernièrement à
890. En ce qui concerne votre proposition d'interdire les licenciements
boursiers, le Gouvernement, qui comme vous veut favoriser les entreprises qui
emploient en France plutôt que celles qui licencient, va ouvrir prochainement, à
la demande du Président de la République, le chantier du financement de la
protection sociale, afin de basculer une fraction des cotisations patronales sur
une cotisation assise sur l'ensemble de la valeur ajoutée des entreprises, au
lieu des seuls salaires actuellement. M. le président. La
parole est à M. Jacques Desallangre. M. Jacques Desallangre.
Vous allez avoir beaucoup de mal, monsieur le ministre, car Mme Laurence Parisot
vous a déjà répondu en qualifiant cette idée d'" imbécile " ou " sotte " - je ne
me rappelle plus le terme exact qu'elle a employé, mais elle a jugé très
durement la proposition du Président de la République. Ma question visait à
attirer votre attention sur la notion floue et très extensive de " sauvegarde de
la compétitivité ", que la loi ne prévoit pas. Devant un tel jugement, il est
temps de rappeler le juge à la loi. Pour ce faire, nous ne disposons que de la
loi. Puisque le MEDEF déplore " l'insécurité juridique régnant autour du
licenciement ", je vous propose donc de lui répondre avec une loi qui brise
l'arbitraire de l'interprétation extensive dont témoigne l'arrêt du 11 janvier
2006 - qui, j'en suis certain, le ravit. À titre personnel, permettez-moi de
vous dire, monsieur le ministre, que je suis peiné, car je vous admire beaucoup
pour d'autres choses, de vous voir contraint de défendre un aussi mauvais
dossier.
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