FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1421  de  M.   Juppé Alain ( Union pour un Mouvement Populaire - Gironde ) QG
Ministère interrogé :  Premier ministre
Ministère attributaire :  Premier ministre
Question publiée au JO le :  09/06/2004  page : 
Réponse publiée au JO le :  09/06/2004  page :  4567
Rubrique :  cérémonies publiques et fêtes légales
Tête d'analyse :  60e anniversaire du débarquement en Normandie
Analyse :  bilan et perspectives
DEBAT :

COMMÉMORATION DU 6 JUIN 1944

M. le président. La parole est à M. Alain Juppé, pour le groupe de l'Union pour un mouvement populaire.
M. Alain Juppé. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et a trait à la célébration du soixantième anniversaire du débarquement allié en Normandie.
Pour les milliers de Françaises et de Français qui étaient présents sur le site, mais aussi pour les millions de téléspectateurs qui ont assisté aux cérémonies sur leur petit écran, ce fut un moment d'une exceptionnelle intensité. Plus qu'une commémoration, un moment de communion et d'espérance. J'ai pour ma part gardé en mémoire quelques temps forts, notamment le témoignage de ces vétérans ...
Un député du groupe socialiste. Quand va-t-on débarquer Raffarin ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. Alain Juppé. Ceci mériterait, me semble-t-il, que nous oubliions un instant nos divisions au profit d'une union nationale.
J'ai entendu, disais-je, le témoignage de ces vétérans qui évoquaient le sacrifice de leurs camarades et leurs propres souffrances, pour conclure : " Désormais, pour nous, l'Europe c'est la paix. " J'ai aussi en mémoire l'accolade du président Chirac et du chancelier Schröder, qui rappelait une certaine poignée de mains, naguère, à Verdun, et qui illustrait le changement radical et définitif des relations entre nos deux peuples.
M. Jean-Marc Ayrault. Quelle poignée de mains ? Citez les noms ! (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. Allons, mes chers collègues !
Poursuivez, monsieur Juppé.
M. Alain Juppé. J'ai aussi en mémoire les échanges entre le président Bush et le président Chirac, le premier rappelant que la France avait été la première amie des États-Unis, et le second affirmant que jamais la France n'oublierait que ce sont des soldats américains, avec leurs alliés, qui sont venus libérer le sol de la patrie. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Je crois qu'un tel moment ne peut pas rester sans lendemain, et je souhaiterais donc connaître, monsieur le Premier ministre, les initiatives que vous comptez prendre. D'abord, pour relancer un partenariat transatlantique serein, qui nous permette de travailler d'égal à égal, avec nos amis américains, à la paix du monde, dans le cadre du droit international. Pour convaincre, ensuite, nos partenaires de l'Union européenne que l'Union doit jouer pleinement son rôle de puissance de paix sur la scène internationale, notamment dans la résolution des conflits régionaux - je pense, entre autres, au Proche-Orient. Enfin, pour convaincre les Françaises et les Français que jamais la construction européenne n'a été ou ne sera pour eux une menace, mais qu'elle constitue au contraire une formidable promesse de liberté, de prospérité et de paix durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur Juppé, chacun a entendu, le 6 juin dernier, la douloureuse litanie des plages de la mort, où de jeunes alliés, portés par un idéal commun, se sont élancés par milliers sous la mitraille et ont payé le prix du sang pour libérer l'Europe.
Mais chacun a vu aussi, le 6 juin dernier, les dernières cicatrices de l'histoire européenne se refermer. Chacun a assisté à l'accolade émue du président Jacques Chirac et du chancelier Gerhard Schröder, scellant, avec une force renouvelée, la réconciliation des ennemis d'hier. Ces images nous en rappellent d'autres : celle du général de Gaulle et du chancelier Adenauer, celle du président Mitterrand et du chancelier Kohl, la main dans la main, celle du président Giscard d'Estaing et du chancelier Schmidt. Ces images s'inscrivent elles aussi dans l'histoire et, progressivement, effacent ces années de guerre, ces années d'horreur.
Enfin, chacun a vu de nombreux chefs d'État célébrer ensemble l'oeuvre immense accomplie depuis le Débarquement : une Europe unifiée, une Europe rassemblée, une Europe réconciliée. Mais notre mémoire doit rester vive. Oradour, le Vel d'Hiv : ce n'était pas seulement la guerre, c'était aussi la haine, le racisme, l'antisémitisme et la barbarie. Nous n'oublions ni le Vel d'Hiv ni Oradour, ces moments d'horreur de l'histoire de la France et de l'Europe. Aujourd'hui, l'antisémitisme est toujours présent, en France comme en Europe, exigeant la plus grande vigilance de tous les citoyens européens.
L'Europe doit donc affirmer ses valeurs, celle de la tolérance, celle des droits de l'homme, qui sont inspirées des valeurs de la République française. Et c'est sans doute notre première mission que de défendre les valeurs de l'Europe, ce socle qui fait aujourd'hui notre union, qui scelle l'avenir de l'Europe. C'est ce que nous faisons au niveau institutionnel européen, comme l'a montré notre démarche en faveur de la laïcité. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste.) Je vous en prie, messieurs ! Sur un tel sujet, la représentation nationale doit être capable de se rassembler et d'être à la hauteur de l'émotion des Français, du devoir de mémoire, mais aussi, en ce qui vous concerne, du devoir d'avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
La réponse à votre question, monsieur le Premier ministre, tient en quelques mots. D'abord, il faut renforcer le lien transatlantique en veillant, au sein de ce partenariat entre alliés, à faire en sorte que la règle soit celle du respect mutuel et que l'ONU demeure ce qu'elle doit être : la source du droit. Ensuite, il faut renforcer la construction européenne en accueillant avec enthousiasme les dix pays de l'élargissement et en adoptant - prochainement, je l'espère - le traité constitutionnel.
L'Europe a besoin du soutien de la France. L'Europe a besoin aussi du vote des Français. (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je vous le dis avec émotion, mesdames et messieurs les députés, comment les Français qui aspirent à une Europe de vérité pourraient-ils ne pas éprouver un sentiment de distance quand ils ont l'image de si vaines polémiques ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Chacun doit maîtriser et ses propos et ses responsabilités.
M. André Gerin. C'est nul !
M. le Premier ministre. Pour ce qui me concerne, je considère que ce qui a trait à l'Europe mérite l'union nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.- Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
M. André Gerin. Cette conclusion est inadmissible ! C'est lamentable ! (Vives protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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