FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1445  de  M.   Valls Manuel ( Socialiste - Essonne ) QOSD
Ministère interrogé :  Premier ministre
Ministère attributaire :  économie
Question publiée au JO le :  28/02/2006  page :  1950
Réponse publiée au JO le :  01/03/2006  page :  1231
Date de changement d'attribution :  28/02/2006
Rubrique :  industrie
Tête d'analyse :  édition et imprimerie
Analyse :  imprimerie Hélio-Corbeil. emploi et activité. Évry-Corbeil
Texte de la QUESTION : M. Manuel Valls souhaite attirer l'attention de M. le Premier ministre sur la situation de l'imprimerie Hélio-Corbeil située à Corbeil-Essonnes. Les salariés y subissent un plan social consistant en plus de 130 suppressions d'emploi, soit plus de la moitié des effectifs. Cette nouvelle restructuration prépare en fait la fermeture d'un site jugé non rentable par la société Quebecor à laquelle elle appartient. Les plans d'investissement qui auraient pu permettre une redynamisation du site sont restés lettre morte. Ils avaient pourtant fait l'objet d'un accord entre la direction et les représentants du personnel. L'industrie papetière présente à Corbeil-Essonnes depuis 1829 risque ainsi de disparaître si les orientations de la direction ne sont pas revues. Pour les salariés d'Hélio qui vivent le démantèlement de leur entreprise comme pour des milliers d'autres dans notre pays, le retour de l'investissement est essentiel. Le plan alternatif élaboré par les salariés montre qu'il est possible de conserver les savoir-faire historiques de l'entreprise tout en relevant le challenge posé par la modernité. Il souhaite donc savoir quelles sont les intentions du Gouvernement sur ce dossier très sensible pour le bassin de vie d'Évry-Corbeil et quelles mesures seront prises dans les semaines qui viennent pour relancer l'investissement, essentiel à la redynamisation de l'appareil productif et tissu industriel français.
Texte de la REPONSE :

IMPRIMERIE HELIO-CORBEIL DANS L'ESSONNE

Mme la présidente. La parole est à M. Manuel Valls, pour exposer sa question, n° 1445.
M. Manuel Valls. Madame la ministre déléguée au commerce extérieur, de nombreuses entreprises ferment en Île-de-France et des sites historiques, qui avaient structuré l'histoire économique et sociale de ces territoires, sont en voie d'extinction. Pour les salariés, les citoyens et, bien sûr, les élus des communes touchées, ces événements sont dramatiques et lourds de conséquences pour les territoires et les familles.
Ainsi, à Corbeil-Essonnes, dans la circonscription dont je suis le député, le groupe Quebecor a annoncé, voici quelques mois, un plan social conduisant à la suppression de plus de 133 emplois, soit la moitié des effectifs de l'imprimerie Hélio-Corbeil. Cette nouvelle restructuration préparait en fait la fermeture d'un site jugé non rentable par Quebecor. Les plans d'investissement qui auraient pu permettre une redynamisation de l'entreprise sont restés jusqu'à ce jour lettre morte, alors qu'ils avaient fait l'objet d'un accord entre la direction et les représentants du personnel. L'industrie papetière, présente à Corbeil depuis 1829, risque ainsi de disparaître si les orientations de la direction ne sont pas revues.
Le Gouvernement ne peut pas se contenter d'être le spectateur discret d'un déclin qui n'a pourtant rien d'inéluctable. L'exemple de Corbeil est, de ce point de vue, très intéressant. Pour les salariés d'Hélio, qui vivent évidemment avec angoisse ces annonces et cette période, l'enjeu est vital.
Un plan alternatif élaboré par les salariés montre qu'il est possible de conserver les savoir-faire historiques de l'entreprise tout en relevant le défi - le " challenge " - lancé par la modernité et la mondialisation. Ce plan, unanimement jugé sérieux et crédible, a été présenté à des centaines de citoyens qui ont également pu visiter l'imprimerie à l'occasion d'une journée portes ouvertes organisée voici quelques semaines par les salariés.
À la suite d'une table ronde organisés par le préfet, qui suit attentivement ce dossier, en présence des collectivités locales et des élus du secteur, les représentants du personnel ont proposé la création d'un pôle sérigraphique d'avenir, marqué par l'arrivée d'une plus grande machine offset et la constitution d'un centre de formation qui pourrait voir le jour en partenariat avec l'Université des métiers d'Évry, regroupant l'ensemble des CFA du centre Essonne, sous la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie et de la chambre des métiers.
Le conseil régional et le conseil général de l'Essonne sont prêts à être les partenaires actifs de ce projet, selon leurs compétences respectives dans les domaines de la formation ou des infrastructures routières. Par ailleurs, le patron de la Socpresse, qui est aussi le sénateur-maire de Corbeil-Essonnes, s'est engagé publiquement à fournir à Hélio-Corbeil, par l'intermédiaire notamment du Figaro Magazine, un plan de charge qui préserverait 230 emplois. Enfin, un autre site de la commune - sur les terrains dits Decauville ou sur les 14 hectares de l'ancienne papeterie - pourrait accueillir Hélio-Corbeil, qui a sans doute vocation à se développer et à quitter le centre-ville dense et urbain de Corbeil-Essonnes.
L'espoir renaît donc dans un secteur marqué par le départ de plusieurs entreprises, comme c'est le cas à Ris-Orangis avec Lu-Danone.
Alors que notre pays est toujours en grande difficulté sur le front de l'emploi et de la croissance, ma question est donc simple : pour contrer l'affaiblissement du tissu industriel français, quel rôle l'État-stratège et, d'une manière générale, les pouvoirs publics, entendent-ils jouer avec les collectivités locales et le monde du travail et de l'entreprise pour relancer l'investissement, redynamiser notre appareil productif et, ainsi, prévenir des drames qui affectent la vie de nos concitoyens et des territoires, notamment dans des villes qui connaissent une situation difficile avec de nombreux quartiers en renouvellement urbain, où vivent très souvent ces salariés ? Le dossier d'Hélio-Corbeil offre, madame la ministre, l'occasion de passer des paroles aux actes.
M. Bruno Le Roux. Très bonne question !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée au commerce extérieur.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur Valls, vous interrogez le Gouvernement sur les suites de la décision annoncée par Quebecor, le lundi 12 septembre 2005, de restructurer l'entreprise. Ce plan de restructuration, comme vous l'avez indiqué, prévoit la suppression de 133 postes sur un total de 256 salariés. La direction, selon la note qu'elle a communiquée, explique cette décision par la mauvaise conjoncture, des prix en forte baisse, des frais salariaux élevés et une productivité insuffisante au regard de celle constatée ailleurs dans le groupe, qui emploie environ 35 000 salariés dans le monde. L'ensemble de ces facteurs conduisent, selon les explications de la direction, à des pertes d'exploitation de 3 millions d'euros en 2005. Les représentants des salariés, quant à eux, expliquent la baisse de compétitivité du site par des volumes de production et des investissements insuffisants, comme vous l'avez souligné.
Il semble que les volumes de travail en faveur du site soient suffisants pour assurer la poursuite d'une exploitation positive après restructuration. Le Gouvernement note que des investissements d'amélioration sont d'ailleurs prévus par la direction de l'entreprise dans l'atelier de gravure d'Hélio-Corbeil afin de préserver sa pérennité.
Votre question porte sur le rôle de stratège du Gouvernement. S'agissant de la gestion d'une entreprise, il n'entend pas s'immiscer dans les décisions de la direction, même si la perte de 133 emplois est infiniment regrettable.
Quant à la restructuration annoncée, le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle et ses services suivent avec une grande attention les négociations en cours entre la direction et les représentants du personnel dans le cadre de la procédure d'information et de consultation du plan de sauvegarde de l'emploi, procédure prévue et encadrée très rigoureusement par le code du travail. Ouverte au mois de septembre, elle devrait s'achever au mois de mars. Les services ont, dès le commencement de la procédure, mené une médiation entre les deux parties afin de rapprocher leurs positions respectives. Quoiqu'il en soit, les pouvoirs publics veilleront bien entendu à ce que les mesures d'accompagnement social des salariés licenciés soient de qualité et à ce que l'entreprise respecte l'obligation de revitalisation du bassin d'emploi de Corbeil, conformément à la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005, à hauteur du nombre d'emplois disparus.
S'agissant plus généralement des problèmes structurels que connaît le secteur de l'imprimerie, le Gouvernement souhaite engager un dialogue avec l'ensemble des parties prenantes pour anticiper les mutations économiques, inéluctables dans certains secteurs d'activité, notamment ceux à haute implication de main-d'oeuvre.
Le Gouvernement note que l'investissement était plutôt bien orienté en 2005 et que cette tendance semble s'accélérer en 2006. Cette évolution témoigne de la redynamisation du tissu industriel français, dans un contexte de promotion de l'innovation par le Gouvernement au travers d'un certain nombre de mesures qui ont été annoncées, notamment celles relatives à l'Agence pour l'innovation industrielle et à l'Agence pour la recherche.
Mme la présidente. La parole est à M. Manuel Valls.
M. Manuel Valls. Je rappelle que la ville de Corbeil, dont trois quartiers sont en renouvellement urbain, a été déjà marquée par le départ de nombreuses entreprises. Et que pèsent sur elle, comme une épée de Damoclès, des bruits inquiétants concernant l'avenir d'Altis. Il est donc évident que la ville et son agglomération ont besoin de préserver leurs entreprises.
Hélio-Corbeil a un savoir-faire incontestable. Il n'y a pas beaucoup de situations dans lesquelles à la fois l'État, le maire de la commune - industriel et prêt à investir, il a d'ailleurs fait découvrir à une partie de son conseil municipal une entreprise que celui-ci ne connaissait pas -, les collectivités territoriales et la chambre de commerce veulent bâtir un projet avec les salariés. La responsabilité de ces derniers est très engagée, et ils sont très conscients du défi technologique qui est devant eux. Il faut faire passer des messages dans les jours qui viennent - plusieurs rencontres sont prévues - pour que l'on sauve non seulement 130 emplois mais une entreprise qui compte beaucoup dans l'histoire industrielle de cette ville et qui a incontestablement beaucoup d'avenir devant elle.

SOC 12 REP_PUB Ile-de-France O