FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1453  de  M.   Cinieri Dino ( Union pour un Mouvement Populaire - Loire ) QOSD
Ministère interrogé :  intérieur et aménagement du territoire
Ministère attributaire :  intérieur et aménagement du territoire
Question publiée au JO le :  28/02/2006  page :  1951
Réponse publiée au JO le :  01/03/2006  page :  1222
Rubrique :  eau
Tête d'analyse :  politique de l'eau
Analyse :  gestion. perspectives
Texte de la QUESTION : M. Dino Cinieri appelle l'attention de M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, sur les risques de sécheresse. Alors que notre pays s'apprête à faire face cet été à un nouvel épisode de sécheresse, la gestion des ressources en eau s'affirme comme un enjeu majeur de la solidarité entre collectivités territoriales. En raison de la topographie et de la géologie, les ressources en eau sont en effet réparties inégalement sur le territoire. Certaines collectivités disposent d'un potentiel de production d'eau supérieur à la consommation de leurs habitants, tandis que d'autres, au contraire, doivent importer de l'eau potable pour faire face à leurs besoins. Cette situation ne va pas sans confronter les collectivités à certains dilemmes. En l'occurrence, la question concerne les collectivités qui disposent déjà des capacités de production nécessaires pour faire face à leur consommation propre, et qui pourraient contribuer à alimenter en eau des collectivités voisines moyennant des investissements leur permettant de développer leurs capacités de production d'eau potable. Ces investissements peuvent se révéler particulièrement lourds, et s'amortissent en règle générale sur des durées prolongées : vingt ans, cinquante ans, voire plus pour certains ouvrages. Avant de procéder à de tels investissements, les collectivités ont donc besoin de garanties leur assurant à long terme que les volumes vendus aux collectivités voisines et le prix pratiqué produiront des recettes équivalentes à l'amortissement de ces investissements. Sans une telle garantie, les collectivités craignent en effet que leurs usagers ne se retrouvent en situation de payer une redevance d'eau potable qui ne correspondrait plus au service qui leur est rendu, puisqu'une partie de cette redevance serait liée à l'amortissement d'investissements qui ne répondraient pas aux besoins en eau propres de la collectivité. Des collectivités pourtant disposées à faire preuve de solidarité pourraient, à cause de cet aléa, décider de renoncer à ces investissements, ce qui aboutirait à une sous-exploitation du potentiel de production d'eau potable tout à fait regrettable dans un contexte général de raréfaction de la ressource. L'article 83 du code des marchés publics a prévu que les dispositions du code des marchés publics ne s'appliquent pas aux marchés pour la fourniture de l'eau par les producteurs ou les distributeurs d'eau dès lors qu'il s'agit de fournir un service au public. Si en règle générale les contrats de vente d'eau sont qualifiés de contrats administratifs, certaines situations conduisent le juge à y voir des contrats privés. Dans ce contexte, la question s'articule en trois points complémentaires : comment une collectivité susceptible de réaliser les investissements nécessaires pour alimenter en eau potable une ou des communes voisines peut-elle s'assurer auprès de ces communes des conditions tarifaires et d'un volume minimum annuel de ventes d'eau suffisants pour équilibrer l'amortissement de ces investissements ? Dans le cas où une collectivité ne pourrait pas bénéficier d'une telle garantie et souhaiterait par conséquent renoncer à augmenter sa capacité de production d'eau potable, pourrait-elle néanmoins être contrainte à réaliser ces investissements, par exemple sur réquisition du préfet ? Si une telle situation devait se présenter, quelles mesures le Gouvernement envisagerait-il afin de permettre la résorption du déséquilibre qui pourrait apparaître entre le coût des investissements supporté par la collectivité exportatrice d'eau et les recettes perçues auprès des collectivités importatrices ? Il le remercie de sa réponse.
Texte de la REPONSE :

GESTION DES RESSOURCES EN EAU
PAR LES COLLECTIVITES TERRITORIALES

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour exposer sa question, n° 1453.
M. Dino Cinieri. J'associe à ma question l'ensemble des parlementaires de la Loire et de la Haute-Loire.
Monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, la ville de Firminy, quatrième commune du département de la Loire, est propriétaire de deux barrages, dont le barrage des Plats, situé sur le territoire voisin de Saint-Genest-Malifaux. Ce barrage est implanté dans la partie amont de la Semène et permet l'alimentation en eau potable de quatorze communes, représentant 50 000 habitants environ.
Ce barrage a permis de créer une retenue d'eau d'une capacité de plus d'un million et demi de mètres cubes sur une superficie de vingt-six hectares. Cette réalisation relève du classement des ouvrages intéressant la sécurité publique - circulaire ministérielle 70-15 du 14 août 1970 - et est de fait soumise à l'obligation d'une vidange décennale.
Bien que construit en 1958, le barrage n'a jamais été vidangé pour la simple raison que celui-ci représentait, jusqu'à l'été 2005, l'unique ressource en eau du syndicat des eaux de la Semène situé en Haute-Loire.
La commune de Firminy, répondant à ses obligations de maître d'ouvrage, a, depuis le 30 septembre 2005, ordonné la vidange du barrage des Plats afin d'en permettre l'auscultation complète et d'effectuer d'éventuels travaux. À cette fin, elle a provisionné 500 000 euros, somme qu'elle estimait amplement suffisante au vu des informations dont elle disposait. Malheureusement, à ce jour, les premiers examens effectués par les bureaux d'études spécialisés révèlent des désordres très importants sous forme de fissures et de mouvements anormaux de la voûte du barrage.
Ces constatations sans équivoque conduisent à affirmer que la voûte constituant l'ouvrage n'est plus en conformité avec les normes de sécurité actuelles. Aujourd'hui, une première estimation du montant des travaux se situe entre 3 et 4 millions d'euros, dépense qui, vous en conviendrez, monsieur le ministre, n'est pas compatible avec le budget d'une commune de 19 500 habitants.
Bien que la situation soit très préoccupante, la municipalité de Firminy refuse la solution de facilité qui consisterait à détruire partiellement le barrage, pour le voir déclassé. En effet, compte tenu de la période de sécheresse que traverse notre pays, du rôle essentiel que joue le barrage pour les habitants de la vallée de l'Ondaine et de la proche Haute-Loire, mais aussi pour l'agglomération de Saint-Étienne au cas où le barrage voisin de La Valette serait à son tour vidangé, l'assèchement n'est pas une option envisageable. La ville de Firminy, soucieuse de la gestion des ressources en eau, a parfaitement intégré l'enjeu que représente le maintien du barrage des Plats.
Dans ce contexte, je vous serais reconnaissant, monsieur le ministre, de bien vouloir m'indiquer si votre ministère peut, à titre exceptionnel, envisager un financement pour cette opération, et si oui, dans quel délai. L'urgence est extrême.
M. François Rochebloine. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le député, dans la perspective d'un nouvel épisode de sécheresse qui pourrait affecter notre pays au cours de l'été prochain, vous vous préoccupez de la gestion en eau potable, notamment par les communes disposant d'un potentiel de production d'eau supérieur à la consommation de leurs habitants et susceptibles d'aider des collectivités voisines moins bien dotées. En tant que maire de Firminy, vous abordez le cas des communes de la Loire et de la Haute-Loire, et associez à votre question l'ensemble des parlementaires de ces départements. Je salue ceux qui sont présents dans l'hémicycle.
M. Jean Proriol et M. François Rochebloine. Merci, monsieur le ministre.
M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire. Vous vous interrogez en premier lieu sur les garanties dont les collectivités concernées disposeraient pour assurer l'amortissement dans le temps des investissements supplémentaires réalisés.
Lorsqu'une commune conclut un contrat d'achat d'eau en gros avec une collectivité voisine, sous la forme d'une convention prévue par l'article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales, la convention qui lie les deux parties peut prévoir des clauses spécifiques de nature à sécuriser l'approvisionnement : préavis de résiliation, indemnités à verser lors de la résiliation unilatérale... Ces dispositions permettent au fournisseur de se garantir contre le risque financier lié à une résiliation de la convention avant que les investissements supplémentaires aient été complètement amortis.
La mise en place d'une intercommunalité permet également de répondre de manière pérenne aux préoccupations que vous avez exprimées. Plusieurs collectivités peuvent s'associer dans un groupement auquel elles transfèrent la production d'eau potable et qui assume la production et l'approvisionnement de toutes les collectivités adhérentes. Les charges de fonctionnement et d'investissement liées à la production d'eau sont alors financées par l'ensemble des bénéficiaires, via le paiement de la facture d'eau. Ce dispositif permet la diversification des financements ainsi qu'une meilleure prévention des risques de rupture d'approvisionnement en multipliant les points de captage potentiels.
Vous vous interrogez également sur l'obligation qui pourrait être faite à la collectivité de réaliser des investissements pour subvenir aux besoins extérieurs. Cette hypothèse apparaît contraire au principe de libre administration des collectivités locales. Ainsi, le pouvoir de réquisition prévu à l'article L. 2215-1 du code général des collectivités locales est strictement limité aux cas d'urgence, " lorsque l'atteinte au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publiques l'exige et que les moyens dont le préfet dispose ne lui permettent plus de poursuivre les objectifs pour lesquels il détient des pouvoirs de police ". Il n'a pas vocation à s'appliquer aux investissements des collectivités.
Quant à votre dernière interrogation, le Gouvernement s'attache à une juste répartition des charges des investissements entre collectivités. Il n'a pas connaissance de l'apparition de déséquilibres, normalement prévenue par la mise en oeuvre des voies institutionnelle ou conventionnelle évoquées. Néanmoins, monsieur le député, le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, a demandé une étude transversale pour trouver la réponse la plus efficace possible. En ma qualité de ministre délégué à l'aménagement du territoire, je suis en train d'examiner avec la délégation interministérielle à l'aménagement et à l'attractivité des territoires comment vous accompagner au mieux et je m'engage à vous apporter, ainsi qu'à l'ensemble de celles et ceux concernés par le problème, la réponse la plus efficace et la plus rapide possible.

UMP 12 REP_PUB Rhône-Alpes O