FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 14964  de  M.   Voisin Gérard ( Union pour un Mouvement Populaire - Saône-et-Loire ) QE
Ministère interrogé :  justice
Ministère attributaire :  justice
Question publiée au JO le :  24/03/2003  page :  2170
Réponse publiée au JO le :  12/05/2003  page :  3716
Rubrique :  impôts et taxes
Tête d'analyse :  intérêt de retard
Analyse :  réglementation
Texte de la QUESTION : M. Gérard Voisin attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les modalités de paiement des dommages-intérêts consécutifs au retard de paiement de sommes dues. En application de l'article 1153 du code civil, ces intérêts moratoires sont calculés à partir de la date de la sommation à payer. Ainsi, une personne qui serait victime d'une erreur de l'administration ne pourrait percevoir des intérêts que sur les sommes dues à partir de l'instant où elle réclame formellement une régularisation financière, et cela bien qu'un jugement ait été rendu obligeant son créditeur. De plus, cette demande n'intervient parfois qu'après de longues procédures visant à la réintégrer dans ses droits (par exemple, rectification d'erreurs matérielles commises par l'administration). En conséquence, elle peut être privée d'une grande partie des intérêts moratoires qu'elle serait fondée à attendre en raison du retard de versement de sommes dues. Cette situation est bien évidemment très mal ressentie par le débiteur qui a le sentiment, à juste titre, d'être doublement pénalisé. Il lui demande donc s'il entend étudier une évolution législative qui permettrait que les créanciers ne soient pas ainsi lésés.
Texte de la REPONSE : Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qui a bien voulu l'interroger sur le point de savoir quelle pourrait être l'évolution législative concernant les modalités de computation des délais qui président au versement d'intérêts moratoires, qu'il est pratiquement exclu que le règlement des dommages-intérêts consécutifs au paiement de sommes dues puisse faire l'objet d'un versement sans délai, soit dès la naissance du droit à réparation. Il importe en revanche de préciser que la loi garantit, en droit administratif comme en droit civil, conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil, la réparation du préjudice résultant du retard dans le versement de sommes dues, selon les modalités suivantes. La modalité de paiement la plus usuelle concernant des dommages-intérêts consécutifs à un retard dans le versement de sommes dues réside dans l'allocation d'intérêts moratoires, au taux légal, produits par la créance principale. Ils représentent le « prix du temps » (pretium temporis), qui consiste en l'allocation des intérêts qu'aurait rapportés l'indemnité principale, si elle avait fait l'objet d'un placement financier rémunéré au taux légal du loyer de l'argent. C'est par conséquent la somme représentant le total des intérêts qui auraient dû être perçus entre la date où l'indemnité principale aurait dû lui être versée et celle où elle lui a été effectivement payée, que recevra le créancier. L'état du droit actuel pour la détermination du taux des intérêts moratoires résulte de la loi n° 89-421 du 23 juin 1989 sur la protection du consommateur (les dispositions de son article 12 modifient la loi n° 75-619 de 1975, relative au taux de l'intérêt légal, qui alignait le taux des intérêts moratoires sur le taux d'escompte de la Banque de France). Le taux des intérêts est désormais fixé par décret pour chaque année civile, par référence au taux de rendement moyen de certaines adjudications de bons du Trésor. En outre, depuis l'entrée en vigueur des dispositions de la loi de 1975 précitée, soit au 1er août 1992, le taux des intérêts moratoires est majoré de cinq points, à compter de l'expiration des deux mois suivant la date à laquelle le jugement de condamnation est devenu exécutoire, du fait de sa notification aux parties. Il est rappelé à l'honorable parlementaire que si le droit aux intérêts moratoires est en matière civile, comme en matière administrative, institué par l'article 1153 du code civil, déclaré « applicable devant la juridiction administrative » par le Conseil d'Etat, tout en l'interprétant d'une façon qui lui est propre, il convient d'établir le départ suivant que les intérêts ont été ou non demandés, afin de connaître les modalités selon lesquelles ce droit est satisfait. Si les intérêts moratoires ont été demandés, ils sont alloués par le juge à compter du jour où la demande d'indemnité principale a été reçue par l'autorité administrative, saisie en vue d'une décision préalable, ou même par le fait de son assignation devant un tribunal judiciaire compétent. Quand la règle de la décision préalable ne s'applique pas et que le tribunal est directement saisi, les intérêts moratoires sont alloués à compter de la date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif des conclusions (même irrecevables) tendant à l'obtention de l'indemnité principale. Le régime applicable est peu contraignant : en effet, quelle que soit la date de la demande, elle est toujours sans incidence sur le point de départ des intérêts. Elle peut être présentée à la fin de l'instance de premier ressort, comme en appel, ou même au cours d'une instance postérieure visant à obtenir le paiement des intérêts. La date à laquelle le montant des sommes réclamées a été chiffré est également indifférente. En revanche, si les intérêts n'ont pas été demandés, ils courent de plein droit à compter du prononcé du jugement allouant l'indemnité principale. Il en est ainsi, tant en vertu de la loi que de la jurisprudence. Par ailleurs, les dispositions de l'article 1154 du code civil permettent au créancier de l'indemnité principale d'obtenir les intérêts des intérêts, soit leur capitalisation, pour couvrir la période pendant laquelle ils ne lui ont pas été payés. Cette demande sera satisfaite si les intérêts étaient dus pour au moins douze mois consécutifs. Elle n'a d'effet qu'à compter de la date de sa présentation et doit, le cas échéant, être répétée à l'expiration de chaque nouvelle période de douze mois. Enfin, pour compléter ce dispositif, il est rappelé à l'honorable parlementaire qu'une demande d'allocation d'intérêts compensatoires, introduite dans le cadre d'une instance particulière, permet d'établir, aux termes des dispositions de l'article 1153 alinéa 4 du code civil, qu'un préjudice distinct de celui auquel se rapportent les intérêts moratoires a été causé au demandeur par un retard anormal à verser l'indemnité principale, et que ce même retard préjudiciable est imputable à la mauvaise foi du débiteur. En pareille hypothèse, les intérêts sont dus. La combinaison de l'ensemble de ces dispositions, de nature à garantir la situation des créanciers, ne justifie pas que soit envisagée, en l'état du droit positif, une évolution législative.
UMP 12 REP_PUB Bourgogne O