CONDITIONS D'ATTRIBUTION DE LA MÉDAILLE
D'HONNEUR RÉGIONALE, DÉPARTEMENTALE
ET COMMUNALE
Mme la présidente. La
parole est à M. Yves Fromion, pour exposer sa question n° 149,
relative aux conditions d'attribution de la médaille d'honneur régionale,
départementale et communale.
M. Yves Fromion.
Monsieur le ministre délégué aux libertés locales, ma question concerne les
centaines de milliers d'élus locaux.
Pour reconnaître leurs mérites et
saluer leur dévouement, la République a créé une distinction très recherchée, la
médaille d'honneur régionale, départementale et communale. Je précise que cette
distinction est également destinée aux agents des collectivités
territoriales.
Il s'avère,
monsieur le ministre - et j'avais appelé l'attention de votre prédécesseur
sur ce sujet, sans succès d'ailleurs, dois-je le souligner ? -, que les
conditions d'attribution de cette médaille sont en déphasage grandissant avec la
pratique des mandats électifs locaux.
Qu'on en juge : pour obtenir la
médaille d'argent, il faut avoir siégé pendant vingt ans dans une collectivité
locale, c'est-à-dire, pour une commune, l'équivalent de quatre mandats. La
médaille de vermeil exige trente ans, soit l'équivalent de cinq mandats, et la
médaille d'or, trente-huit ans, soit sept mandats. Est-il raisonnable
aujourd'hui, monsieur le ministre, de maintenir des critères aussi sélectifs -
Et le mot est faible ?
Aujourd'hui, on privilégie le
rajeunissement et le renouvellement des élus, on favorise la féminisation, ce
qui a conduit un certain nombre d'élus masculins à devoir céder la place,
parfois d'ailleurs avec quelque aigreur. Par ailleurs, la mobilité
professionnelle ne favorise pas le maintien dans un même lieu d'habitation
suffisamment longtemps pour pouvoir continuer à être élu et prétendre un jour à
la médaille vermeil ou, plus modestement, celle d'argent. De plus, le poids et
la complexité grandissante des responsabilités locales ne renforcent pas la
volonté et le goût de poursuivre très longtemps les responsabilités
électives.
Pour conserver à cette
distinction très recherchée, et vous le savez bien, tout son sens, il faut
redéfinir de façon plus raisonnable les critères d'attribution. J'ai proposé
que, par exemple, pour la médaille d'argent, douze ans suffisent, c'est-à-dire
deux mandats ; pour la médaille de vermeil, dix-huit ans, dont un mandat de
maire ; pour la médaille d'or, dix-huit ans ou six ans plus deux mandats de
maire. Je pense qu'il serait en effet judicieux de valoriser la fonction de
maire qui est une lourde responsabilité, et qui n'est pas suffisamment prise en
compte dans les critères d'attribution de cette médaille.
Monsieur le ministre, la médaille
d'honneur régionale, départementale et communale est souvent la seule marque de
reconnaissance reçue par des élus qui se sont dévoués pendant de très nombreuses
années à leurs concitoyens. Il serait en outre anormal, in fine, que ces conditions d'attribution très
restrictives conduisent à réserver cette distinction aux agents des
collectivités territoriales, les élus ne pouvant plus, faute de pouvoir
atteindre les critères requis, y prétendre. Je ne pense pas que ce soit l'esprit
de la loi républicaine.
Que
comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour faire évoluer les choses ?
Mme la
présidente. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés
locales.
M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales.
Monsieur le député, quant à moi, je vous accorde bien volontiers la médaille de
la constance. (Sourires.)
M. Philippe Auberger.
Le tableau d'honneur !
M. le ministre délégué aux libertés
locales. Tant il est vrai que c'est à plusieurs reprises que vous vous
êtes préoccupé des conditions d'attribution de la médaille d'honneur régionale,
départementale et communale.
Vous
avez rappelé les durées d'ancienneté de services concernant les différents
échelons de la médaille d'honneur régionale, départementale et communale : vingt
ans pour l'échelon « argent », trente pour l'échelon « vermeil » et trente-huit
ans pour l'échelon « or ». Vous en déduisez que ces durées sont finalement des
incitations à conserver, peut-être au-delà du raisonnable, certains mandats.
Je ne suis pas absolument convaincu
que les élus qui ont prolongé au-delà du raisonnable leur carrière d'élu local
l'aient fait uniquement dans le but de recevoir une médaille.
M. Yves Fromion. Soit
! (Sourires.)
M. Philippe Auberger.
Nous sommes même certains du contraire !
M. le ministre délégué aux
libertés locales. Je ne suis donc pas sûr que le raccourcissement des
durées requises ait un effet réel sur le rajeunissement.
(Sourires.)
Le décret du
17 octobre 2000 a modifié les durées d'ancienneté exigées pour la
médaille d'honneur du travail, en ramenant de trente-huit à trente-cinq ans
l'ancienneté requise pour l'échelon « or ». Aussi, pour respecter un certain
parallélisme des formes, un projet de décret visant à modifier de façon
identique les durées d'ancienneté pour la médaille d'honneur régionale,
départementale et communale a-t-il été adressé au Premier ministre. La
modification envisagée permettrait de rationaliser et d'harmoniser les
conditions exigées pour récompenser les services du secteur privé, qui relèvent
de la médaille d'honneur du travail, et les services publics locaux, qui
relèvent de la médaille d'honneur régionale, départementale et communale.
Comme vous l'avez vous-même précisé,
cette distinction honorifique est attribuée indifféremment aux fonctionnaires
territoriaux et aux élus locaux, quelle que soit leur origine
professionnelle.
Il convient de
relever qu'il n'est prévu de réductions d'ancienneté particulières que pour les
activités à caractère pénibles reconnues par la médaille d'honneur du travail et
pour les services insalubres récompensés par la médaille d'honneur régionale,
départementale et communale.
A
l'heure actuelle, il n'est pas envisagé d'introduire une distinction entre les
élus et les personnels des collectivités territoriales.
Cela dit, monsieur le député, je
suis tout à fait prêt, dans le cadre de mes fonctions de ministre délégué aux
libertés locales, à étudier avec vous la possibilité d'aménager ces
dispositions, encore que je sois sceptique sur l'effet d'un tel aménagement.
M. Philippe Auberger.
Voilà une bonne ouverture !
Mme la présidente. La
parole est à M. Yves Fromion.
M. Yves Fromion.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir apporté une réponse qui, à défaut
d'être totalement favorable, laisse entrevoir quelques perspectives.
On fait un parallèle entre la
médaille du travail et la médaille d'honneur régionale départementale et
communale. J'admets ce parallèle pour ce qui concerne les fonctionnaires
territoriaux, cela va de soi. Mais chacun sait que le mandat électif ne doit pas
être assimilé à un travail professionnel. C'est tout à fait autre chose.
D'ailleurs, les élus exercent très souvent une profession d'un côté et leur
mandat local de l'autre. Ce parallèle ne me paraît donc pas, ainsi que je
l'avais dit à votre prédécesseur, d'une pertinence très convaincante.
Quoi qu'il en soit, je vous remercie
de cette ouverture et accepte volontiers l'invitation que vous m'avez faite.
Le sujet est beaucoup plus important
qu'il n'y paraît. En effet, il ne s'agit pas simplement de la volonté ou du goût
que pourraient avoir certains élus de poursuivre indéfiniment une carrière pour
obtenir des médailles : la médaille d'honneur régionale, départementale et
communale est souvent la seule récompense qu'ils puissent avoir de la République
et de leurs concitoyens en retour de ce qu'ils ont apporté à notre
collectivité.