DEBAT :
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OTAGES FRANÇAIS EN IRAK
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Ayrault, pour le groupe socialiste.
M. Jean-Marc Ayrault. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, il y a quarante-sept jours, Christian Chesnot, Georges Malbrunot et leur compagnon syrien ont été pris en otage en Irak. Conscients du danger qui pèse sur leur vie et convaincus que l'unité nationale est la seule attitude possible dans ces circonstances, nous avons soutenu les efforts du Gouvernement en vue de leur libération. Tant qu'ils ne sont pas libérés, aucune polémique ne doit altérer l'esprit de responsabilité et d'unité. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.) C'est donc dans cet esprit que nous voulons comprendre comment un député de l'UMP a pu prendre la liberté d'une diplomatie parallèle, qui plus est en critiquant celle du Gouvernement. L'irresponsabilité de ce député et les conditions confuses dans lesquelles il a agi traduisent un sérieux dysfonctionnement de l'État qui engage la sécurité des otages, nuit à la crédibilité de notre diplomatie (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et porte atteinte à la réputation de notre assemblée.
M. Richard Mallié. Heureusement qu'on devait éviter toute polémique !
M. Jean-Marc Ayrault. Pour toutes ces raisons, monsieur le Premier ministre, je vous demande d'éclairer la représentation nationale en répondant à quatre questions précises. Les autorités françaises, au plus haut niveau, ont-elles soutenu cette équipée ? Pourquoi avoir tardé à vous en démarquer ? Quelles suites entendez-vous donner à cette affaire ? Enfin, le plus important pour nous, comme vient de le souligner le président Accoyer, est de savoir ce qu'il advient aujourd'hui du sort de nos otages.
Monsieur le Premier ministre, nous attendons votre réponse, car elle est nécessaire. Il s'agit de recréer les conditions de la confiance et du rassemblement pour la seule cause qui vaille : la libération des otages. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)-M.
Jean-Pierre Raffarin répond en même temps à la question posée précédemment par
M. Bernard Accoyer, président du groupe UMP-
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre. Monsieur le président de l'Assemblée nationale, monsieur le président Accoyer, monsieur le président Ayrault, mesdames, messieurs les députés, depuis l'enlèvement de Christian Chesnot, de Georges Malbrunot et de leur chauffeur syrien, le 20 août dernier, depuis les quarante-huit heures qui ont suivi la revendication de cette prise d'otages par l'Armée islamique en Irak, toute l'action du Président de la République et du Gouvernement a été centrée sur un seul objectif, sur une seule priorité : la sécurité et la libération de nos compatriotes. Nous avons développé, dans une première phase, une double action diplomatique et nationale. Sur le plan diplomatique, et sous l'autorité de Michel Barnier, nous avons mobilisé l'ensemble de nos services et multiplié les contacts, notamment dans la région, pour obtenir les soutiens politiques, mais aussi religieux, nécessaires. Ces soutiens ont été massifs et la situation s'en est trouvée apaisée. Nous avons aussi, grâce à vous toutes et tous, développé une action nationale. Je voudrais remercier les responsables des formations politiques de la majorité et de l'opposition pour leur attitude particulièrement responsable en ces circonstances et saluer également l'ensemble des forces religieuses - je pense aux musulmans de France - qui ont, elles aussi, développé des attitudes responsables, affirmant ainsi le rassemblement du pays aux côtés des otages et de leurs familles.
Comme cela m'a été demandé ce matin, je ne sais quelle sera l'échéance. Nous continuerons à organiser des réunions semblables à celle qui s'est tenue à l'Hôtel Matignon de manière à partager l'information du Gouvernement sur ces sujets. Par toutes ces initiatives, dans cette première phase, nous avons pu construire un canal crédible qui nous a permis d'avoir la preuve que les otages étaient vivants et que nos intermédiaires pouvaient être fiables. Ainsi, nous avons reçu, le 22 septembre, la preuve que les deux otages étaient réellement en vie et, semble-t-il, en bonne santé.
S'est alors ouverte une deuxième phase. Du 22 au 28 septembre, nous avons multiplié les initiatives pour engager un processus progressif de libération. Ce processus nous a permis de recevoir un certain nombre de messages qui crédibilisaient la démarche et nous laissaient penser que la libération était à la fois possible et proche. Les progrès ont été brutalement et récemment interrompus. Nous prenons aujourd'hui à nouveau toutes les initiatives pour relancer ce processus, mais il nous faut apporter les clarifications nécessaires.
La France ne joue pas un double jeu. La démarche personnelle de M. Julia, sans aucun mandat officiel, n'a pas été approuvée, n'a pas été soutenue, n'est pas soutenue. Mis devant le fait accompli, nous avons choisi de ne pas l'entraver, conscients évidemment de la confusion qu'elle entraînait, mais conscients aussi que toutes les déclarations devaient être examinées attentivement dans l'intérêt des deux otages. Il aurait été irresponsable de notre part de ne pas étudier toutes les pistes. (Murmures sur les bancs du groupe socialiste.) Nous avons clairement dit à nos interlocuteurs que le seul canal de discussion avec la France était celui des représentants officiels de notre pays. Nous prenons ainsi l'engagement de poursuivre tout contact par ce seul canal des représentants officiels de notre pays, dans l'intérêt de la libération des otages.
J'en appelle une nouvelle fois au sens des responsabilités de chacun. Je vous remercie de l'image que donne aujourd'hui la représentation nationale pour affirmer cette unité qui nous paraît nécessaire pour la libération de Christian Chesnot, de Georges Malbrunot et de leur compagnon syrien ; qui nous paraît aussi nécessaire pour accompagner de notre solidarité le courage des familles et pour que l'image de la France trouve toute sa force et participe ainsi à la libération des otages. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
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