FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1522  de  M.   Bacquet Jean-Paul ( Socialiste - Puy-de-Dôme ) QOSD
Ministère interrogé :  santé et solidarités
Ministère attributaire :  santé et solidarités
Question publiée au JO le :  28/03/2006  page :  3190
Réponse publiée au JO le :  29/03/2006  page :  2229
Rubrique :  établissements de santé
Tête d'analyse :  hôpitaux
Analyse :  fonctionnement. financement. Issoire
Texte de la QUESTION : M. Jean-Paul Bacquet souhaite attirer l'attention de M. le ministre de la santé et des solidarités sur la situation financière catastrophique du centre hospitalier d'Issoire. L'équilibre financier de l'hôpital est préoccupant depuis des années avec un déficit cumulé de 1982 137 euros à la fin de l'exercice 2004, une dégradation du fond de roulement net et un poids de la dette élevé (dû à la croissance des charges d'exploitation) qui classe l'établissement parmi les hôpitaux présentant une dépendance financière forte. Un audit révèle une accumulation d'un important déficit depuis 2003, ce qui situe l'établissement dans l'échantillon des centres hospitaliers présentant le ratio le plus dégradé. Il dénonce un suivi insuffisant voire inexistant des dépenses et des recettes autorisées et en particulier une inefficacité totale des moyens financiers supplémentaires apportés pour la dotation de l'établissement. En outre, le directeur de l'hôpital, le directeur des ressources humaines et le cadre infirmier sont partis prématurément et n'ont pas été remplacés ou seulement par intérimaire dans le cas du directeur de l'hôpital. Aujourd'hui, le président du conseil d'administration a proposé un certain nombre de mesures sur les préconisations du directeur intérimaire : limitation drastique de l'investissement prévu, externalisation ou automatisation de services, suppression de postes, modification des plannings de travail, gel de la formation continue, limitation des promotions professionnelles, fermeture des lits en période estivale, enfin rapprochement de l'hôpital public avec la clinique privée locale pour l'activité chirurgicale dont on ne peut aujourd'hui assurer la pérennité du service public. Il souhaite donc savoir d'une part si l'hôpital public gardera encore un service de chirurgie ou si ce dernier sera entièrement transféré au privé. D'autre part, il souhaite savoir quelles seront les conséquences des suppressions d'emplois sur la qualité des soins et du service hospitalier. Enfin, il souhaite savoir s'il envisage un financement supplémentaire pour cet hôpital en difficulté.
Texte de la REPONSE :

SITUATION FINANCIERE DU CENTRE HOSPITALIER D'ISSOIRE DANS LE PUY-DE-DOME

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet, pour exposer sa question, n° 1522.
M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le ministre, le centre hospitalier d'Issoire est malade, et même très malade, car sa situation financière a été jugée catastrophique, avec un déficit cumulé de 1 982 137 euros à la fin de l'exercice 2004. L'équilibre financier de l'hôpital est préoccupant depuis des années, avec une dégradation du fonds de roulement net et un poids de la dette élevé, qui classe l'établissement parmi les hôpitaux présentant une dépendance financière forte.
Un audit commun mené par la trésorerie générale de la région Auvergne et du département du Puy de Dôme et par l'agence de l'hospitalisation de la région Auvergne révèle l'accumulation d'un important déficit depuis 2003, aggravé en 2004 par le cumul d'un résultat négatif de 727 000 euros et d'un report à nouveau déficitaire de 633 000 euros, ce qui situe l'établissement dans l'échantillon des centres hospitaliers présentant le ratio le plus dégradé.
De plus, la dette de l'hôpital se situe à un niveau élevé, avec une croissance très importante des charges d'exploitation. On note l'absence de tableau des effectifs et de contrat d'objectifs et de moyens, et l'on découvre avec surprise un différentiel de 19,71 emplois à temps plein entre l'estimation de la direction et celle de l'audit. Ce dernier dénonce l'insuffisance - voire l'inexistence - du suivi des dépenses et des recettes autorisées, et en particulier l'inefficacité totale des moyens financiers supplémentaires apportés à la dotation de l'établissement, malgré une dotation correspondant globalement à l'activité produite.
Le directeur de l'hôpital est parti prématurément en retraite en juin 2003 ; son successeur, malade, a été remplacé par un directeur intérimaire, qui vient lui-même d'être remplacé. Le directeur des ressources humaines est parti en juillet 2004. Le cadre infirmier faisant fonction de directeur des soins a été mis en retraite pour invalidité en juin 2005 - il était d'ailleurs souvent absent pour cause de maladie ou de missions à l'extérieur de l'établissement, ce qui laisse supposer un certain laxisme dans l'activité globale de l'hôpital.
Aujourd'hui, le président du conseil d'administration a proposé des mesures de redressement, sur les préconisations du directeur intérimaire :
Premièrement, une limitation drastique de l'investissement prévu, au risque de prendre du retard, voire de condamner l'existant à la vétusté ;
Deuxièmement, l'externalisation ou l'automatisation d'un certain nombre de services, comme la stérilisation ;
Troisièmement, la suppression de postes, globalement ou les week-ends et jours fériés ;
Quatrièmement, la modification des plannings de travail ;
Cinquièmement, le gel de la formation continue afin d'éviter d'avoir à remplacer le personnel en formation ;
Sixièmement, la limitation des promotions professionnelles ;
Septièmement, la fermeture des lits en période estivale, mesure dont on a déjà mesuré les effets délétères dès 2005 avec, en soins de suite et de réadaptation, dix lits sur trente fermés du 23 juillet au 31 décembre ;
Huitièmement, enfin, le rapprochement entre l'hôpital public et la clinique privée locale pour l'activité chirurgicale, dont la pérennité n'est ainsi plus assurée dans le service public.
L'établissement étant trop endetté, il ne sera pas possible de recourir à l'emprunt pour renouveler les équipements, au risque de ne pouvoir assurer correctement un certain nombre d'actes. De même, l'importance des suppressions d'emplois se traduira inévitablement par une baisse de la qualité des soins et des services aux patients. Les critères de qualité des soins et des services n'ont d'ailleurs jamais été évoqués dans les mesures préconisées et les seuls éléments pris en considération sont des éléments purement comptables.
Monsieur le ministre délégué à la sécurité sociale, je vous poserai trois questions. D'abord, l'hôpital public gardera-t-il encore un service de chirurgie, ou ce dernier sera-t-il entièrement transféré au privé, alors que partout en France on constate une dérive des dépassements d'honoraires du secteur privé, et donc une diminution de l'accès aux soins pour tous ?
Ensuite, comme nous ne pouvons imaginer que les embauches à l'hôpital d'Issoire aient reposé sur d'autres critères que la nécessité médicale, quelles seront les conséquences des suppressions d'emplois sur la qualité des soins et du service hospitalier ?
Enfin, envisagez-vous un financement supplémentaire pour cet hôpital en grande difficulté ?
M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le député, la situation du centre hospitalier d'Issoire - belle ville brillamment illustrée par Jules Romains - tient particulièrement à coeur à l'agence régionale de l'hospitalisation.
Une analyse conduite en 2005 a fait apparaître une situation financière dégradée. Pour y remédier, cette analyse a dégagé des pistes de redressement et de réorganisation. Elle envisage notamment le rapprochement avec la clinique de la ville, la coopération avec les établissements brivadois ou encore des mesures de gestion et de réorganisation interne.
Ces perspectives de redressement sont fondées sur la reconnaissance du rôle pivot de l'établissement au sein du territoire de santé Issoire-Brioude, notamment dans le domaine de la gynécologie-obstétrique.
Le maintien d'une activité de chirurgie passe par la coopération entre les deux établissements de santé, dont les modalités de rapprochement seront déterminées en fonction de l'activité réelle de chacun des partenaires.
Les deux postes de cadres de direction vacants sont aujourd'hui pourvus : celui de directeur adjoint depuis le 1er janvier et celui de directeur depuis le 1er février.
Les mesures de réorganisation interne, qui sont un gage de maintien de la qualité des soins, participeront également, selon un calendrier pluriannuel, au rétablissement des équilibres financiers. Les engagements pris par l'établissement seront tenus. C'est à cette condition que le centre hospitalier peut jouer son rôle de pivot pour le territoire d'Issoire-Brioude.
Enfin, le suivi du plan de retour à l'équilibre permettra de déterminer si des accompagnements financiers complémentaires sont justifiés, comme cela a déjà été fait en 2005.
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.
M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le ministre, je vous ai écouté avec la plus grande attention, car le sujet mérite toute notre sollicitude. Malheureusement, je ne peux pas vous prendre au sérieux. Soit vous n'êtes pas sincère, ce que je ne saurais imaginer ; soit vous ne connaissez pas le dossier, ce que je ne peux croire ; soit vous argumentez à partir des éléments que vous a fournis le directeur de l'ARH, ce dont je suis convaincu car j'ai reconnu dans votre réponse les mots mêmes qu'il a employés. Si tel est le cas, c'est une escroquerie intellectuelle, car cela ne correspond pas à la vérité.
Il faudra un jour, monsieur le ministre, regarder la vérité en face. Il y a certes eu des erreurs, ici comme ailleurs. Ainsi, dès l'origine, on savait qu'un service de chirurgie de vingt lits implanté à Issoire serait déficitaire, car le seuil de rentabilité ne serait pas atteint. De même, on refuse un scanner à Issoire mais, pour des raisons purement électoralistes, on en implante un à Saint-Flour, ville distante de plusieurs dizaines de kilomètres et dont l'hôpital n'emploie pas de radiologue.
La gestion de l'hôpital d'Issoire témoigne d'une incompétence inacceptable. On n'y trouve pas de tableau d'effectifs. Quant au déficit, certes grave, il existait déjà en 1999, en 2000 et en 2001, et il figure dans le rapport d'audit - que l'ARH ne vous a peut-être pas transmis... Lors de la mise en place des 35 heures - ô combien dénoncée ! -, pour quinze postes et demi autorisés, on a procédé à trente-quatre embauches. Ne pouvant croire qu'on ait embauché des gens pour le simple plaisir de le faire ou pour des raisons purement électoralistes, je suis contraint de penser que la qualité des soins pâtira de la suppression de ces postes. En outre, des dispositions non réglementaires relatives au travail ont été négociées.
Je regrette que vous n'évoquiez pas la responsabilité, dans cette gestion, de la direction de l'hôpital, de la direction des ressources humaines et du président du conseil d'administration.
Je me souviens avoir obtenu naguère, à la demande du directeur de l'hôpital, une aide exceptionnelle de 6 millions de francs pour réaliser des travaux indispensables à la mise en sécurité.
Non, monsieur le ministre, la raison de la réorganisation ne tient pas seulement au déficit : c'est un argument trop facile ! J'ai ici des documents sur le projet du pôle de santé public-privé et le texte de la conférence de presse, que le directeur de l'ARH aurait dû vous donner !
M. le président. Monsieur Bacquet, il faut conclure.
M. Jean-Paul Bacquet. Monsieur le président, je vous ai entendu et vous savez combien je vous respecte, mais je ne peux pas accepter que de telles contrevérités aient été dites, ni qu'un fonctionnaire de l'État induise un ministre en erreur ! Je sais, monsieur le ministre, que vous ne manquerez pas de vérifier ce que je viens de dire, et de faire en sorte que le directeur de l'ARH arrête de dire n'importe quoi et de vous induire en erreur. Depuis dix ans - ce n'est donc pas la conséquence du déficit actuel -, on réfléchit à propos du pôle public-privé ; les études qui ont été menées par deux bureaux d'études ont été intégralement payées par le public alors qu'elles servent le privé ! Cela, le directeur l'ARH ne l'écrit pas, bien sûr. Par contre, il est dit dans l'analyse que l'état de santé de la population locale se dégrade. Or la seule solution que l'on applique, c'est de diminuer l'accès aux soins. On parle de mutualisation des structures, en précisant " libre choix des patients ", mais il n'y a pas de libre choix lorsque l'exercice se fait en secteur II, à honoraires libres, et que, dans ces conditions, les patients du bassin d'Issoire, " pôle pivot " comme vous l'avez dit, n'ont d'autre solution que de partir à Clermont-Ferrand parce qu'ils n'ont pas accès au secteur II. C'est inacceptable !
Certes, vous avez dit que le pôle gynécologique-obstétrique aurait un intérêt. Mais la chirurgie publique va disparaître.
Quant à l'accès aux soins, c'est le point fondamental. Que l'on parle de qualité des soins, d'accord, et en tant que médecin je sais ce que cela veut dire ; mais la qualité des soins n'empêche pas que la mission première de l'hôpital est d'être accessible à tous. Or lorsque l'on privatise une partie de l'hôpital, l'accès aux soins n'est plus égal pour tous les citoyens.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Je ne peux pas laisser mettre en cause dans cet hémicycle de hauts fonctionnaires de la République comme le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation.
M. Jean-Paul Bacquet. Pourtant je le fais ! Et sans arrière-pensées !
M. Jean-Pierre Brard. Je pourrais en citer d'autres !
M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Les agences régionales de l'hospitalisation n'ont en vue que l'intérêt général : celui de la santé publique.
M. Jean-Pierre Brard. Tu parles !
M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Le travail qui a déjà été accompli en faveur du centre hospitalier d'Issoire pour mener à bien son redressement en témoigne. Ce travail va se poursuivre, monsieur le député, et j'entends bien que les hauts fonctionnaires de la République ne soient pas mis en cause dans les fonctions très difficiles qu'ils remplissent.
M. Jean-Paul Bacquet. Votre interprétation de mes propos est inacceptable ! Ce n'est pas les fonctionnaires que je remets en cause, c'est l'incompétence !
M. le président. Monsieur Bacquet, vous n'avez plus la parole !

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