FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 153  de  M.   Léonard Gérard ( Union pour un Mouvement Populaire - Meurthe-et-Moselle ) QOSD
Ministère interrogé :  intérieur
Ministère attributaire :  intérieur
Question publiée au JO le :  24/02/2003  page :  1275
Réponse publiée au JO le :  26/02/2003  page :  1338
Rubrique :  jeux et paris
Tête d'analyse :  casinos
Analyse :  loi n° 93-122 du 29 janvier 1993. application
Texte de la QUESTION : M. Jean-Louis Léonard appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur les droits et obligations des municipalités relatifs aux concessions de service public que constituent les casinos, en particulier sur les procédures de mise en concurrence lors du renouvellement de la concession. Depuis la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite loi « Sapin », les casinos figurent au nombre des délégations de service public et sont donc soumis à cette loi dans toutes ses dispositions générales et particulières. Au regard de ces dispositions, il semble cependant que les exemples soulignent l'inadaptation de la loi Sapin au secteur des casinos et les difficultés d'application qu'elle soulève. En effet, dans les rares cas de renouvellement de concessions où la commune a reçu plusieurs candidatures qui auraient permis de faire jouer la concurrence, elle s'est trouvée bloquée par l'immobilier. Il lui demande quelle mesure il entend proposer allant dans le sens d'une plus grande transparence, ou s'il entend sortir les concessions de jeux du périmètre de la loi Sapin.
Texte de la REPONSE :

PROCÉDURE DE MISE EN CONCURRENCE
LORS DU RENOUVELLEMENT DES CONCESSIONS DE JEUX

    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Léonard, pour exposer sa question, n° 153, relative à la procédure de mise en concurrence lors du renouvellement des concessions de jeux.
    M. Jean-Louis Léonard. Monsieur le ministre délégué aux libertés locales, ma question porte sur les droits et obligations des municipalités relatifs aux concessions de service public, notamment celles que constituent les casinos.
    Comme vous le savez, monsieur le ministre, une loi de 1907 autorise l'ouverture de casinos dans les stations balnéaires, thermales ou climatiques, et une loi du 5 janvier 1988 étend cette autorisation aux villes principales d'une agglomération de plus de 500 000 habitants. Or plusieurs villes de France se retrouvent dans une situation assez critique, dans la mesure où elles doivent appliquer des dispositions absolument inapplicables. C'est notamment le cas en Charente-Maritime où les villes de La Rochelle, Royan, Châtelaillon-Plage, dont je suis le maire, et Fouras ont chacune un casino.
    En effet, trois de ces casinos sont installés dans des bâtiments privés, ce qui pose un problème, puisque, depuis la loi du 30 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin », qui était destinée à mettre fin à un certain nombre de « problèmes » - et je pèse mes mots - liés aux concessions de service public, les casinos sont considérés comme des concessions de service public relevant de la responsabilité des maires, eux-mêmes responsables de la police des jeux dans leur commune.
    Bien entendu, la loi précise que ces délégations de service public sont soumises par l'autorité délégante, en l'occurrence la commune, à une procédure de publicité imposant la présentation de plusieurs offres concurrentes. Au regard de ces dispositions, il semble cependant, comme le soulignait le rapport de 2001 de la Cour des comptes, dans le chapitre consacré aux observations des juridictions financières, que les exemples montrent l'inadaptation de la loi Sapin au secteur des casinos et les difficultés d'application qu'elle soulève.
    Comment, en effet, mettre en concurrence différents candidats lors du renouvellement d'une concession, lorsque, par exemple, il apparaît que l'un d'entre eux est propriétaire des murs, alors que le cahier des charges, que le maire rédige sous sa propre autorité, doit stipuler l'endroit où doit se trouver l'établissement de jeux ? La construction ou la location d'un nouveau bâtiment abritant un nouveau casino lors de chaque renouvellement de concession ne semble évidemment pas une solution envisageable. Dans ces conditions, monsieur le ministre, comment peut-on réellement assurer une mise en concurrence des candidats ?
    Le même rapport de 2001 de la Cour des comptes soulignait cet état de fait et indiquait que la concurrence reste très faible, voire nulle lors du renouvellement des délégations. Elle précisait même, dans son rapport, que, dans 90 % des cas examinés par les juridictions financières, les dispositions de la loi Sapin n'avaient pas été respectées, c'est-à-dire que les règles de la concurrence n'avaient pas joué. Dans de rares cas de renouvellement de concession où la commune a reçu plusieurs candidatures qui auraient permis de faire jouer la concurrence, celle-ci s'est trouvée bloquée par l'immobilier.
    Une telle situation décourage les communes, qui, malgré tout, doivent monter - et c'est le cas actuellement de la mienne - des dossiers extrêmement lourds régis non seulement par la loi Sapin mais aussi par la loi sur les jeux et contrôlés, bien entendu, par le ministère de tutelle.
    Une solution consisterait à introduire dans cette loi un article stipulant que le concessionnaire en place doit, en cas de non-renouvellement de sa concession par la commune, céder ses locaux ou les louer à un prix de marché évalué par les domaines en fonction de la valeur vénale de ceux-ci et en tenant compte des investissements réalisés - les casinos étaient des établissements coûteux. Bien entendu, une telle solution ne pourrait être appliquée qu'aux locaux dont la destination est, de par leur situation, leur histoire, leur statut, notoirement réservée aux jeux et lorsqu'ils figurent dans le cahier des charges rédigé par la commune.
    Cette procédure, quelque peu dérogatoire au droit de propriété, présenterait l'immense avantage, d'une part, de rendre à la loi son véritable sens et, d'autre part, de permettre aux maires, dont je suis, de jouer pleinement leur rôle et de ne plus avoir le sentiment d'être les complices d'une organisation préétablie des jeux en France.
    Monsieur le ministre, je pense que vous êtes en mesure de modifier cette loi, qui a été élaborée, rapellons-le, dans un contexte extrêmement délétère, qui faisait suite à de nombreuses affaires. Celle-ci est totalement inadaptée aux concessions de service public, en particulier celles qui relèvent de régies, comme c'est le cas, par exemple, pour les transports. En effet, nous savons très bien que la mise en concurrence est souvent faussée par la propriété des locaux, par celle des moyens. De surcroît, cette loi est encore plus inadaptée pour les casinos et met les maires en porte-à-faux, pour ne pas dire systématiquement en situation illégale.
    J'espère, monsieur le ministre, que vous allez nous fournir une bonne réponse.
    Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué aux libertés locales.
    M. Patrick Devedjian, ministre délégué aux libertés locales. Monsieur le député, permettez-moi de vous rappeler d'abord l'état du droit.
    Comme l'a rappelé le Conseil d'Etat, dans son avis du 4 avril 1995, les concessions d'exploitation des casinos constituent des délégations de service public au sens de la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin ». La spécificité de la matière avait en effet conduit le Gouvernement à solliciter cet avis.
    Certaines des spécificités des concessions d'exploitation des casinos, au regard du respect du principe de mise en concurrence, ont d'ailleurs été évoquées, vous l'avez souligné, tant dans les rapports de la Cour des comptes que dans celui du sénateur Trucy consacré aux jeux de hasard et d'argent en France.
    Plus précisément, en cas de renouvellement des concessions, des considérations immobilières - et c'est l'objet de votre question - peuvent poser problème pour le respect de ce principe de concurrence. Il s'agit des cas où l'exploitant, ou une société civile immobilière qui lui est liée, est propriétaire des murs de l'immeuble d'implantation du casino.
    En effet, si la commune spécifie lors de la consultation que l'activité du futur casino devra se dérouler dans ce même bâtiment, la concurrence peut être considérée comme faussée au bénéfice du concessionnaire sortant. Une procédure ainsi conduite a d'ailleurs été annulée pour ce motif par le tribunal administratif de Grenoble en 2000, s'agissant du casino d'Aix-les-Bains.
    A cet égard, il convient de souligner que l'entière application des dispositions de la loi Sapin exige de laisser aux candidats le choix d'implantation du site du casino. Si la municipalité veut conserver l'implantation du casino sur le même site, pour des raisons d'histoire, d'urbanisme ou de tradition, elle doit, pour respecter la concurrence, s'assurer préalablement au lancement de la consultation que le propriétaire donnera à bail le bâtiment au futur exploitant du casino choisi par la commune, quel qu'il soit. La commune doit spécifier cette condition dans le règlement de la consultation. C'est à cette condition que, même dans cette hypothèse, le principe de mise en concurrence inscrit dans la loi Sapin peut être respecté.
    En outre, il peut être rappelé que ce principe a parfaitement été mis en oeuvre à plusieurs reprises lors de consultations lancées pour l'ouverture de casinos, notamment dans des grandes agglomérations comme Lyon, Bordeaux, Le Havre ou Toulouse.
    le Gouvernement attache une grande importance à la transparence et au rôle des communes comme autorité concédante des casinos. C'est la raison pour laquelle il pense nécessaire de maintenir la concession de casino dans le cadre légal des délégations de service public. Cela étant, il est prêt à examiner les difficultés éventuelles qui se poseraient encore dans ce cadre, et je suis à votre disposition, monsieur le député, pour en parler avec vous. Des mesures de simplification peuvent être envisagées, mais il nous faut rester dans le cadre légal des délégations de service public.
    Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Léonard.
    M. Jean-Louis Léonard. Je suis tout à fait d'accord avec vous, monsieur le ministre, il faut rester dans le cadre de la délégation de service public. Nous le souhaitons tous car nous sommes pour la transparence. Mais, le risque, c'est de rester, dans 90 % des cas, dans l'illégalité, ce n'est pas moi qui le dis, c'est le rapport de la Cour des comptes de 2001 qui observe que 90 % des mises en concurrence ne sont pas de réelles mises en concurrence du fait de l'immobilier.
    Certes, je veux bien, en tant que maire, écrire dans le cahier des charges que la réponse à l'appel d'offres doit préciser le choix du lieu mais vous savez fort bien qu'il est impossible de trouver, dans une commune de 15 000 habitants maximum, plusieurs lieux de casinos différents.
    Quant à dire que le maire doit prendre ses précautions avant l'appel d'offres et s'assurer que le propriétaire actuel des lieux est disposé à mettre ce lieu à disposition d'un autre concessionnaire, c'est une vue de l'esprit. C'est vraiment une vue théorique que manifeste là le Conseil d'Etat. Nous souhaitons donc que le Conseil d'Etat, sur votre insistance, prenne en compte notre expérience.
    A ce propos, je retiens votre dernière phrase, monsieur le ministre : en simplifiant, nous pourrions, tout en restant dans une concession de service public, intégrer dans le texte que le concessionnaire doit, en cas de non-renouvellement de sa concession, mettre à disposition ses locaux dans des conditions définies par la loi et après une expertise des domaines. C'est le souhait de tous mes collègues maires de ville où sont implantés des casinos.

UMP 12 REP_PUB Lorraine O