Texte de la REPONSE :
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SITUATION DE L'INDUSTRIE GRAPHIQUE EN ALSACE M. le président. La parole est à M. Armand
Jung, pour exposer sa question, n° 1565, relative à la situation de l'industrie
graphique en Alsace. M. Armand Jung. Monsieur le ministre
délégué à l'industrie, l'imprimerie OTT à Wasselonne, l'IREG et QUEBECOR à
Strasbourg ont au moins deux points communs : toutes les trois évoluent dans le
secteur de l'imprimerie et sont confrontées à de graves difficultés économiques.
Le constat est sans appel : l'industrie graphique alsacienne va très
mal. L'imprimerie OTT, implantée dans la commune de Wasselonne, a récemment
été placée en redressement judiciaire par la chambre commerciale du tribunal de
grande instance de Saverne. Cette entreprise avait pourtant investi dans de
nouvelles machines pour rester dans la continuité technologique et pour répondre
aux attentes de ses clients, mais elle a été victime du changement brutal de
physionomie du marché. Face à la baisse des prix, l'imprimerie a perdu ses
marges, a connu une diminution d'activité et a finalement enregistré des
résultats négatifs. Un plan de continuation est en cours d'élaboration, mais les
responsables et les salariés devront certainement se battre pour que l'activité
de l'entreprise puisse être maintenue. L'IREG, à Strasbourg, est, quant à
elle, la plus vieille imprimerie urbaine de l'Est de la France. J'ai appris, il
y a quelques semaines, qu'elle se trouve, elle aussi, en redressement
judiciaire. Cette imprimerie, implantée en plein centre de Strasbourg et qui a
l'habitude de travailler avec les collectivités locales, a perdu récemment le
marché de la ville et de la communauté urbaine. Les démarches commerciales
entreprises n'ont pas permis de combler cette perte considérable. Conséquence
directe : une phase de licenciements est d'ores et déjà
envisagée. L'imprimerie Didier Quebecor s'est installée dans le quartier de
Koenigshoffen à Strasbourg, dans les années quatre-vingt-dix. Cette entreprise,
que l'on pensait prospère, est pourtant concernée, depuis trois ou quatre ans,
par un processus général de restructuration développé par le groupe mondial
Quebecor. Les manoeuvres insidieuses de ce groupe font que le carnet de
commandes de l'imprimerie de Strasbourg est anormalement vide. Je tiens aussi à
préciser qu'aucun investissement correct n'a été réalisé depuis plusieurs
années. Les machines sur lesquelles travaillent actuellement les salariés - mais
pour combien de temps encore ? - sont obsolètes, en particulier au regard de la
compétition féroce qui règne dans ce secteur. Ce site, bien évidemment jugé
exsangue et source de pertes par les dirigeants de Quebecor, qui ont, je le
rappelle, refusé tout investissement, doit tout bonnement fermer ses portes dans
les semaines à venir et être délocalisé en Belgique sur un site qui sera, je
n'en doute pas, bien plus rentable ! Mais que vont devenir les 176 salariés
du site strasbourgeois ? Ces ouvriers ont été incités à travailler
d'arrache-pied pendant des années, poussés par la direction, qui promettait de
les remercier de leur investissement dans le bon fonctionnement de l'entreprise.
Ils ont travaillé sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sur
des machines obsolètes, et par conséquent dangereuses - plusieurs accidents du
travail ont d'ailleurs été recensés -, sans aucune augmentation ni
compensation. Or aujourd'hui, ces salariés sont bel et bien " remerciés " par
leur direction, qui les met, tout simplement, à la porte ! Quel sera l'avenir
de ces employés qui ne pourront pas tous être reclassés ? Qu'en sera-t-il de ces
jeunes, pleins d'espoir lorsqu'ils ont intégré Quebecor, qui ont acheté une
maison ou un appartement, qui ont envisagé sereinement le futur, confiants dans
les capacités de leur entreprise, et qui sont aujourd'hui menacés par le chômage
? Et qu'adviendra-t-il de ces ouvriers, très nombreux dans l'entreprise, âgés
de cinquante ans ou plus ? Pourront-ils retrouver un emploi dans leur secteur
d'activité ? Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, je suis inquiet pour
l'avenir de tous ces salariés qui travaillent dans le secteur de l'industrie
graphique. Aux trois exemples que je viens d'évoquer, risquent, en effet,
malheureusement, de s'ajouter d'autres entreprises, car cette branche est bel et
bien en crise en Alsace. Cette crise qui s'étend dans le secteur de
l'imprimerie est-elle une preuve supplémentaire que la situation économique de
l'Alsace ne cesse de se dégrader ? Les entreprises licencient : les dernières en
date sont le BHV et Alice-Médiastore à Strasbourg. Le nombre de chômeurs ne
cesse d'augmenter et la précarité de se développer dans une région qui, jusqu'à
présent, était relativement épargnée par la morosité ambiante. Monsieur le
ministre, de quelle manière entendez-vous agir pour que les employés concernés
par les licenciements soient accompagnés efficacement et que leurs attentes
soient réellement prises en considération ? Comment comptez-vous agir pour
stopper cette crise très grave ? M. le président. La parole
est à M. le ministre délégué à l'industrie. M. François
Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur Jung, en effet,
la situation de l'économie alsacienne soulève de nombreux problèmes, et, même si
je vous dressais la liste des bonnes nouvelles dans ce domaine, elles ne
seraient pas en mesure de réconforter les gens qui se trouvent confrontés, dans
leur entreprise, à une situation délicate. Il est exact que certaines
entreprises et certains secteurs connaissent des difficultés. Nous devons y être
très attentifs - et je le suis tout particulièrement, pour ma
part. L'industrie graphique, en général, a connu d'importantes mutations
technologiques. L'informatisation croissante des équipements permet, avec moins
de matériels, d'arriver au même résultat ou même de faire mieux. Cette
adaptation à l'évolution technologique est le sort commun à toutes les
entreprises, mais, dans certains domaines, comme celui qui nous préoccupe, cette
adaptation est particulièrement difficile à cause de la rapidité avec laquelle
les changements interviennent. Vous avez parlé de OTT. Il s'agit d'une
entreprise familiale de soixante-dix personnes, qui emploie également quatre
apprentis. Située à Wasselone, elle a subi une érosion des marges par perte de
marchés, tout simplement. L'effectif menacé par un licenciement concerne moins
de dix salariés, mais il faut attendre la prochaine décision du tribunal de
commerce. La réussite de la stratégie de poursuite de l'activité repose sur la
restructuration de l'entreprise, d'une part, et sur une reconquête commerciale,
d'autre part. Vous avez également évoqué IREG, qui est une entreprise
familiale de trente-deux salariés, placée en règlement judiciaire depuis le 3
avril 2006, après trois exercices déficitaires. La restructuration envisagée
toucherait six personnes, mais le tribunal de commerce doit encore prochainement
statuer. Quant à l'entreprise Quebecor Didier, entreprise de taille
internationale, qui a plusieurs sites en France, elle a annoncé sa volonté de
fermer le site de Strasbourg Koenigshoffen, lequel emploie 176 personnes. Après
une recherche de solutions alternatives, l'entreprise s'oriente vers une
fermeture. Ce sont 168 personnes qui sont menacées par une suppression de poste,
dont 23 sont en CDD. Quebecor a mis en place des propositions de reclassement
substantielles sur d'autres sites du groupe, ce qu'elle devait faire de toute
façon. Ces propositions portent sur quatre-vingts emplois, dont cinquante-deux
sont proposés sur le site de Charleroi en Belgique, qui concerneront les métiers
suivants : conducteurs, bobiniers, receveurs, fabricants, mécaniciens et
électromécaniciens. Vingt-trois autres postes sont proposés dans onze usines
françaises du groupe et cinq ailleurs en Europe. Il est clair que ces
propositions ne sont pas de nature à répondre aux préoccupations, bien
naturelles, des 168 personnes concernées. C'est la raison pour laquelle j'ai
rencontré leurs délégués, d'ailleurs avec la direction de l'entreprise, vendredi
dernier. Et j'ai demandé au préfet de mettre en place un comité de suivi pour
que l'ensemble des services de l'État, le service public de l'emploi et les
collectivités, qui ont un rôle à jouer dans la reconversion, soient mis en
présence des délégués et pour que toutes les questions qui se posent soient
traitées de la façon la plus directe possible, afin que l'on recherche la
solution la plus adaptée à chaque personne. À l'évidence, il faudra envisager
des reconversions, car toutes les personnes dont le métier est lié à l'industrie
graphique ne pourront sans doute pas retrouver d'emplois dans ce secteur. Par
conséquent, elles passeront par des périodes où elles recevront des formations,
en attendant d'entrer dans une nouvelle fonction et une nouvelle entreprise.
L'entreprise a des obligations légales sur ce point et elle doit mettre en place
une société de reconversion - elle l'a, d'ailleurs, d'ores et déjà choisie et en
a informé les délégués. Au-delà, je souhaite, je le répète, que le service
public de l'emploi, ainsi que les collectivités et l'ensemble des services de
l'État concernés soient mis à disposition et que le préfet coordonne ce groupe
de travail, qu'il réunira, je l'espère, très prochainement afin de répondre à
toutes les questions, même individuelles. M. le président.
La parole est à M. Armand Jung. M. Armand Jung. Je vous
remercie, monsieur le ministre, pour la franchise de vos propos et pour votre
implication personnelle dans ce dossier, qui m'a été rapportée. Malheureusement,
votre intervention laissera un goût amer à nombre de salariés, notamment ceux
qui arrivent à l'âge de cinquante ans, à qui l'on va proposer des postes à
Charleroi, et qui devraient, dans ce cas, laisser femme et enfants sur place !
J'avais espéré que d'autres mesures pourraient être envisagées dans le cadre du
plan de cohésion sociale. Je reste donc un peu sur ma faim.
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