FICHE QUESTION
12ème législature
Question N° : 1565  de  M.   Jung Armand ( Socialiste - Bas-Rhin ) QOSD
Ministère interrogé :  industrie
Ministère attributaire :  industrie
Question publiée au JO le :  02/05/2006  page :  4555
Réponse publiée au JO le :  03/05/2006  page :  2769
Rubrique :  industrie
Tête d'analyse :  édition et imprimerie
Analyse :  industrie graphique. emploi et activité. Alsace
Texte de la QUESTION : M. Armand Jung appelle l'attention de M. le ministre délégué à l'industrie sur la situation alarmante de l'industrie graphique en Alsace. Il revient sur les cas de l'imprimerie Ott à Wasselonne et de l'IREG et Quebecor à Strasbourg. Ces trois entreprises ont la particularité d'évoluer dans le secteur de l'imprimerie et d'être confrontées à de graves difficultés économiques, que ce soit des redressements judiciaires ou la fermeture pure et simple du site, accompagnée de licenciements massifs. La crise profonde que traverse actuellement l'industrie graphique est un exemple supplémentaire de la détérioration de l'économie alsacienne. Il souhaite savoir de quelle manière il entend réagir pour enrayer cette crise et pour accompagner efficacement les salariés de l'imprimerie qui sont confrontés aux licenciements.
Texte de la REPONSE :

SITUATION DE L'INDUSTRIE GRAPHIQUE EN ALSACE

M. le président. La parole est à M. Armand Jung, pour exposer sa question, n° 1565, relative à la situation de l'industrie graphique en Alsace.
M. Armand Jung. Monsieur le ministre délégué à l'industrie, l'imprimerie OTT à Wasselonne, l'IREG et QUEBECOR à Strasbourg ont au moins deux points communs : toutes les trois évoluent dans le secteur de l'imprimerie et sont confrontées à de graves difficultés économiques. Le constat est sans appel : l'industrie graphique alsacienne va très mal.
L'imprimerie OTT, implantée dans la commune de Wasselonne, a récemment été placée en redressement judiciaire par la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Saverne. Cette entreprise avait pourtant investi dans de nouvelles machines pour rester dans la continuité technologique et pour répondre aux attentes de ses clients, mais elle a été victime du changement brutal de physionomie du marché. Face à la baisse des prix, l'imprimerie a perdu ses marges, a connu une diminution d'activité et a finalement enregistré des résultats négatifs. Un plan de continuation est en cours d'élaboration, mais les responsables et les salariés devront certainement se battre pour que l'activité de l'entreprise puisse être maintenue.
L'IREG, à Strasbourg, est, quant à elle, la plus vieille imprimerie urbaine de l'Est de la France. J'ai appris, il y a quelques semaines, qu'elle se trouve, elle aussi, en redressement judiciaire. Cette imprimerie, implantée en plein centre de Strasbourg et qui a l'habitude de travailler avec les collectivités locales, a perdu récemment le marché de la ville et de la communauté urbaine. Les démarches commerciales entreprises n'ont pas permis de combler cette perte considérable. Conséquence directe : une phase de licenciements est d'ores et déjà envisagée.
L'imprimerie Didier Quebecor s'est installée dans le quartier de Koenigshoffen à Strasbourg, dans les années quatre-vingt-dix. Cette entreprise, que l'on pensait prospère, est pourtant concernée, depuis trois ou quatre ans, par un processus général de restructuration développé par le groupe mondial Quebecor. Les manoeuvres insidieuses de ce groupe font que le carnet de commandes de l'imprimerie de Strasbourg est anormalement vide. Je tiens aussi à préciser qu'aucun investissement correct n'a été réalisé depuis plusieurs années. Les machines sur lesquelles travaillent actuellement les salariés - mais pour combien de temps encore ? - sont obsolètes, en particulier au regard de la compétition féroce qui règne dans ce secteur.
Ce site, bien évidemment jugé exsangue et source de pertes par les dirigeants de Quebecor, qui ont, je le rappelle, refusé tout investissement, doit tout bonnement fermer ses portes dans les semaines à venir et être délocalisé en Belgique sur un site qui sera, je n'en doute pas, bien plus rentable !
Mais que vont devenir les 176 salariés du site strasbourgeois ? Ces ouvriers ont été incités à travailler d'arrache-pied pendant des années, poussés par la direction, qui promettait de les remercier de leur investissement dans le bon fonctionnement de l'entreprise. Ils ont travaillé sept jours sur sept, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sur des machines obsolètes, et par conséquent dangereuses - plusieurs accidents du travail ont d'ailleurs été recensés -, sans aucune augmentation ni compensation.
Or aujourd'hui, ces salariés sont bel et bien " remerciés " par leur direction, qui les met, tout simplement, à la porte !
Quel sera l'avenir de ces employés qui ne pourront pas tous être reclassés ? Qu'en sera-t-il de ces jeunes, pleins d'espoir lorsqu'ils ont intégré Quebecor, qui ont acheté une maison ou un appartement, qui ont envisagé sereinement le futur, confiants dans les capacités de leur entreprise, et qui sont aujourd'hui menacés par le chômage ?
Et qu'adviendra-t-il de ces ouvriers, très nombreux dans l'entreprise, âgés de cinquante ans ou plus ? Pourront-ils retrouver un emploi dans leur secteur d'activité ?
Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, je suis inquiet pour l'avenir de tous ces salariés qui travaillent dans le secteur de l'industrie graphique. Aux trois exemples que je viens d'évoquer, risquent, en effet, malheureusement, de s'ajouter d'autres entreprises, car cette branche est bel et bien en crise en Alsace.
Cette crise qui s'étend dans le secteur de l'imprimerie est-elle une preuve supplémentaire que la situation économique de l'Alsace ne cesse de se dégrader ? Les entreprises licencient : les dernières en date sont le BHV et Alice-Médiastore à Strasbourg. Le nombre de chômeurs ne cesse d'augmenter et la précarité de se développer dans une région qui, jusqu'à présent, était relativement épargnée par la morosité ambiante.
Monsieur le ministre, de quelle manière entendez-vous agir pour que les employés concernés par les licenciements soient accompagnés efficacement et que leurs attentes soient réellement prises en considération ? Comment comptez-vous agir pour stopper cette crise très grave ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'industrie.
M. François Loos, ministre délégué à l'industrie. Monsieur Jung, en effet, la situation de l'économie alsacienne soulève de nombreux problèmes, et, même si je vous dressais la liste des bonnes nouvelles dans ce domaine, elles ne seraient pas en mesure de réconforter les gens qui se trouvent confrontés, dans leur entreprise, à une situation délicate. Il est exact que certaines entreprises et certains secteurs connaissent des difficultés. Nous devons y être très attentifs - et je le suis tout particulièrement, pour ma part.
L'industrie graphique, en général, a connu d'importantes mutations technologiques. L'informatisation croissante des équipements permet, avec moins de matériels, d'arriver au même résultat ou même de faire mieux. Cette adaptation à l'évolution technologique est le sort commun à toutes les entreprises, mais, dans certains domaines, comme celui qui nous préoccupe, cette adaptation est particulièrement difficile à cause de la rapidité avec laquelle les changements interviennent.
Vous avez parlé de OTT. Il s'agit d'une entreprise familiale de soixante-dix personnes, qui emploie également quatre apprentis. Située à Wasselone, elle a subi une érosion des marges par perte de marchés, tout simplement. L'effectif menacé par un licenciement concerne moins de dix salariés, mais il faut attendre la prochaine décision du tribunal de commerce. La réussite de la stratégie de poursuite de l'activité repose sur la restructuration de l'entreprise, d'une part, et sur une reconquête commerciale, d'autre part.
Vous avez également évoqué IREG, qui est une entreprise familiale de trente-deux salariés, placée en règlement judiciaire depuis le 3 avril 2006, après trois exercices déficitaires. La restructuration envisagée toucherait six personnes, mais le tribunal de commerce doit encore prochainement statuer.
Quant à l'entreprise Quebecor Didier, entreprise de taille internationale, qui a plusieurs sites en France, elle a annoncé sa volonté de fermer le site de Strasbourg Koenigshoffen, lequel emploie 176 personnes. Après une recherche de solutions alternatives, l'entreprise s'oriente vers une fermeture. Ce sont 168 personnes qui sont menacées par une suppression de poste, dont 23 sont en CDD.
Quebecor a mis en place des propositions de reclassement substantielles sur d'autres sites du groupe, ce qu'elle devait faire de toute façon. Ces propositions portent sur quatre-vingts emplois, dont cinquante-deux sont proposés sur le site de Charleroi en Belgique, qui concerneront les métiers suivants : conducteurs, bobiniers, receveurs, fabricants, mécaniciens et électromécaniciens. Vingt-trois autres postes sont proposés dans onze usines françaises du groupe et cinq ailleurs en Europe.
Il est clair que ces propositions ne sont pas de nature à répondre aux préoccupations, bien naturelles, des 168 personnes concernées. C'est la raison pour laquelle j'ai rencontré leurs délégués, d'ailleurs avec la direction de l'entreprise, vendredi dernier. Et j'ai demandé au préfet de mettre en place un comité de suivi pour que l'ensemble des services de l'État, le service public de l'emploi et les collectivités, qui ont un rôle à jouer dans la reconversion, soient mis en présence des délégués et pour que toutes les questions qui se posent soient traitées de la façon la plus directe possible, afin que l'on recherche la solution la plus adaptée à chaque personne.
À l'évidence, il faudra envisager des reconversions, car toutes les personnes dont le métier est lié à l'industrie graphique ne pourront sans doute pas retrouver d'emplois dans ce secteur. Par conséquent, elles passeront par des périodes où elles recevront des formations, en attendant d'entrer dans une nouvelle fonction et une nouvelle entreprise. L'entreprise a des obligations légales sur ce point et elle doit mettre en place une société de reconversion - elle l'a, d'ailleurs, d'ores et déjà choisie et en a informé les délégués.
Au-delà, je souhaite, je le répète, que le service public de l'emploi, ainsi que les collectivités et l'ensemble des services de l'État concernés soient mis à disposition et que le préfet coordonne ce groupe de travail, qu'il réunira, je l'espère, très prochainement afin de répondre à toutes les questions, même individuelles.
M. le président. La parole est à M. Armand Jung.
M. Armand Jung. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour la franchise de vos propos et pour votre implication personnelle dans ce dossier, qui m'a été rapportée. Malheureusement, votre intervention laissera un goût amer à nombre de salariés, notamment ceux qui arrivent à l'âge de cinquante ans, à qui l'on va proposer des postes à Charleroi, et qui devraient, dans ce cas, laisser femme et enfants sur place ! J'avais espéré que d'autres mesures pourraient être envisagées dans le cadre du plan de cohésion sociale. Je reste donc un peu sur ma faim.

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